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Incertitudes au Kurdistan

par Alain Gresh, 7 septembre 2006

Terrorisme. Un centre de l’université américaine de Syracuse, Transactional Records Access Clearinghouse (TRAC), vient de publier un rapport sur les inculpés d’actes terroristes aux Etats-Unis. Alors que dans les douze mois qui ont suivi le 11-Septembre, le nombre de personnes inculpées de terrorisme avait considérablement augmenté, on est revenu depuis aux chiffres d’avant 2001. Ce qui, expliquent les auteurs de l’étude, va à l’encontre de l’idée largement répandue que la menace terroriste s’est accentuée. Les sentences prononcées contre les personnes traduites devant les tribunaux sont légères : ainsi, pour ceux inculpés dans les deux années qui ont suivi le 11-Septembre, la sentence moyenne est de... 28 jours de prison. Alors que la moyenne des sentences avant le 11-Septembre était de 41 mois. Sur les 1391 personnes que, depuis le 11-Septembre, le département de la justice voulait traduire devant les tribunaux pour«  terrorisme international », seuls 123 ont été condamnés à des peines de prison. Ce rapport a évidemment suscité une réponse des autorités américaines. Le New York Times du 3 septembre rapporte, dans un article intitulé « study finds sharp drop in the number of terrorist cases prosecuted » que, selon Bryan Sierra, porte-parole du département de la justice, le rapport « ignore la réalité de la manière dont la guerre contre le terrorisme est portée devant les cours fédérales et l’importance d’empêcher des actes terroristes par des actions "proactive" (offensives). » Mais le département de la justice n’a pas voulu discuter les détails ni en quoi la méthodologie de l’étude serait biaisée.

Femmes à La Mecque. Les autorités saoudiennes ont pris la décision de restreindre les heures et les lieux de prière pour les femmes dans la grande mosquée de La Mecque. La présidente de l’Associaiton des femmes musulmanes écrivains au Canada a lancé une pétition au roi Abdallah contre ces mesures et affirmant que « les deux sexes sont égaux en ce qui concerne la pratique des obligations religieuses ». De plus en plus de femmes musulmanes se battent, au nom de leur religion, contre les discriminations sexistes dont elles sont l’objet. Certaines d’entre elles interviendront lors d’un colloque à Paris organisé les 18 et 19 septembre par l’Unesco et la commission Islam & laïcité.

Incertitudes au Kurdistan.

Les Etats-Unis ont nommé, le 28 août, le général d’aviatin à la retraite, Joseph W. Raltston, un ancien commandant en chef des troupes de l’OTAN, comme envoyé spécial des Etats-Unis « pour contrer le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de Turquie. Selon le porte-parole du département d’Etat, le général Ralston sera responsable pour coordonner l’engagement des Etats-Unis auprès du gouvernement turc et du gouvernement irakien, pour éliminer la menace du PKK et d’autres groupes terroristes opérant dans le nord de l’Irak et à travers la frontière irako-turque ». La question qui est posée au général Rastom est de savoir comment concilier les intérêts contradictoires de deux alliés des Etats-Unis, la Turquie qui craint la création d’un Etat kurde et les Kurdes irakiens qui souhaitent élargir les pouvoirs de leur région.

Cette nomination intervient alors même que plusieurs attentats ont frappé la Turquie. Les autorités turques les attribuent au PKK. Rappelons que le PKK – dont le chef est Abullah Ocalan, capturé en 1999 et qui est emprisonné en Turquie – a mené une guerre contre l’Etat turc qui s’est déroulée entre 1984 et 1999 et qui aurait fait 37 000 morts. Depuis 1999, le PKK avait proclamé un cessez-le-feu. Selon certaines sources, les récents attentats seraient le fait d’un groupe dissident du PKK, les Faucons de la libération du Kurdistan (TAK), groupe qui reste assez mystérieux, et qui serait mécontent de la politique d’apaisement du PKK. Les autorités d’Ankara menacent d’intevenir dans le Kurdistan d’Irak où certains combattants ont pris refuge. Alors que le Kurdistan d’Irak jouit d’une certaine stabilité, contrairement au reste du pays (il devient même un havre pour certains Arabes), il est aussi le théâte d’une sourde lutte d’influence régionale, la Turquie comme l’Iran craignant que le Kurdistan d’Irak se transofrme en foyer d’attraction pour tous les mouvements indépendantistes kurdes.

A ceci s’ajoutent les tensions entre la région autonome du Kurdistan et le gouvernement irakien, ce dernier reprochant aux Kurdes d’avoir fait enlever le drapeau irakien des bâtiments officiels, au profit du seul drapeau kurde. Tous ces faits confirment l’atomisation de la région commencée depuis la première guerre du Golfe (1990-1991) et qui s’accélère depuis l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Dans un article publié dans le quotidien libanais Al-Akhbar du 6 septembre, Walid Charara dénonce « une décision extrêment grave qui aura des conséquences majeures sur les relations futures entre Irakiens, aussi bien arabes que kurdes ». Et il note : « Les circonstances qui permettent à certaines élites kurdes de faire le choix de la sécession vont bientôt changer. L’occupation américaine ne durera pas toujours. Ses tentatives de découper le pays en s’appuyant sur des colloborateurs » des différents groupes ethniques et religieux ne connaîtront pas forcément le succès.

Alain Gresh

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