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Consensus américain sur l’Irak et l’Iran

par Alain Gresh, 30 septembre 2007

L’islam politique

Un nouveau site en anglais sur l’islam politique est intitulé Political Islam Online. Ce site revient sur la lettre d’Al-Awdah à Ben Laden dont j’ai parlé dans mon précédent envoi, ainsi que sur une lettre ouverte du cheikh Youssef Al-Qaradawi au président algérien Bouteflika qui condamne les attentats en Algérie. Il publie notamment les réactions à la lettre d’Al-Awdah telles qu’on peut les lire sur six sites islamistes. Deux tiers des réponses sont favorables aux critiques qu’Al-Awdah adresse à Ben Laden, même si nombre de personnes s’interrogent sur ses motivations.

Luttes ouvrières en Egypte

Peu couvertes par les médias, les luttes ouvrières se sont considérablement développées en Egypte durant ces dernières années, obtenant des succès non négligeables. Dans un article de Middle East Report Online, Joel Beinin revient sur l’une d’entre elles (« The Militancy of Mahalla al-Kubra »)

« Pour la seconde fois en moins d’un an, dans la dernière semaine de septembre, les 24 000 ouvriers de la Misr Spinning and Weaving Company à Mahalla al-Kubra ont fait grève et ont gagné. Comme lors de leur première action, en décembre 2006, les ouvriers ont occupé les usines textiles de la ville du delta du Nil et rejeté les premiers efforts de médiation du parti au pouvoir. Mais cette grève a été encore plus militante que celle de décembre. Les ouvriers ont établi des forces de sécurité pour protéger les locaux de l’usine et ont menacé d’occuper aussi les bureaux de l’administration. »

PS du 1er octobre. Le Figaro d’aujourd’hui consacre un article à cette grève, de son envoyé spécial Tangi Salaün, sous le titre “L’Egypte à l’heure de l’agitation sociale”.

Mort de Haydar Abdel Shafi

Haydar Abdel Shafi, l’une des personnalités les plus respectables du mouvement national palestinien, est mort à Gaza le 25 septembre à l’âge de 88 ans. Son histoire coïncide avec celle du mouvement national palestinien. Il a été membre du premier comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dès 1964. Il a dirigé la délégation palestinienne à la conférence de Madrid et aux négociations israélo-palestiniennes (1991-1993). Gilles Paris a écrit sa nécrologie dans Le Monde du 29 septembre. « Haidar Abdel Shafi, qui s’est prononcé sans ambiguïtés en faveur de deux Etats vivant côte à côte, négocie âprement pendant plus d’un an en liaison avec la direction extérieure palestinienne sans rien obtenir d’Israël. Il est frappé de stupeur lorsqu’il découvre très tardivement l’existence d’un canal secret de négociations supervisé par Yasser Arafat qui parvient à Oslo à un accord paraphé de manière spectaculaire sur les pelouses de la Maison Blanche, le 13 septembre 1993. »

« Cet accord, selon lui, porte les germes de son échec. Le chef de l’OLP, bientôt patron de l’Autorité palestinienne, n’est pas parvenu à obtenir le gel de la colonisation de Gaza et de la Cisjordanie que lui considère comme un préalable non négociable. »

Consensus américain sur l’Irak et l’Iran

Dans seize mois, l’administration Bush arrivera au terme de son mandat. Dans l’intervalle, il lui est encore possible d’accomplir quelques exploits, comme une attaque contre l’Iran. Mais l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle administration changera-t-elle la politique étrangère américaine ? La question mérite d’être posée, tant le 11-Septembre semble avoir profondément modifié la vision internationale des élites américaines et tant les démocrates apparaissent timorés sur l’engagement militaire au Proche-Orient, malgré une opinion publique très hostile à la présence de l’armée en Irak.

Plusieurs déclarations récentes des candidats démocrates qui aspirent à la nomination pour l’élection présidentielle le confirment. Dans un article « Democrats signal capitulation on Iraq – and Iran » sur le site Antiwar.com, Justin Raimondo demande aux candidats démocrates s’ils s’engagent à ce que en 2013, à la fin de leur mandat, il n’y ait plus de troupes américaines en Irak. Voici leurs réponses :

Barack Obama : « Il est difficile de se projeter si loin dans les quatre prochaines années. Ce serait irresponsable. Nous ne savons pas ce qui peut se passer d’ici là. »

Hillary Clinton : « Je suis d’accord avec Barack. C’est très difficile de savoir ce dont nous allons hériter. »

Edwards : « Je ne peux pas prendre un tel engagement. »

Par ailleurs, le site « Loubnan ya loubnan », revient sur une importante information passée sous silence par les médias, le projet de partition de l’Irak, sous le titre « La partition ? Quelle Partition ? »

Le Sénat américain a approuvé le mercredi 26 septembre, par 75 voix contre 23, le plan parrainé par le sénateur démocrate et candidat à la Maison Blanche Joseph Biden et qu’il présente comme... la clé politique pour permettre un retrait des troupes américaines tout en prévenant le chaos. Ce plan prévoit la division de l’Irak en trois entités (sunnite, chiite et kurde), unies de manière très superficielle par une autorité fédérale. 75 voix (sur les 100 sénateurs), cela veut dire un large consensus entre démocrates et républicains.

Cette résolution a soulevé un tollé en Irak et a été critiquée par de nombreux responsables et forces politiques, dont le premier ministre Al-Maliki. Voir l’article de Qassim Abdul-Zahra dans le Washington Post du 28 septembre, Al-Maliki Criticizes Senate Proposal

Pour prolonger la réflexion sur l’idée de la partition, on lira l’excellent texte de l’universitaire Roger Owen, paru dans International Herald Tribune des 29-30 septembre, « Chaos and unity in a fragmented Iraq ». L’auteur explique comment la politique américaine sur le terrain alimente les divisions ethniques, régionales et confessionnelles et crée une dynamique de fragmentation qui échappe à tout contrôle. Dans le même journal, le même jour, Gary Langer (« What they’re saying in Anbar »), s’inscrit en faux contre le discours de Bush qui fait de la province d’Al-Anbar (où l’armée américaine collabore avec des chefs tribaux contre Al-Qaida) un exemple de succès. Langer rappelle que les sondages d’opinion indiquent que 72% de la population n’ont aucune confiance dans les troupes américaines et qu’une large majorité souhaite leur départ.

Par ailleurs, dans un vote survenu le même jour (mercredi 26 septembre), le Sénat, par 76 voix contre 22 a appelé l’administration Bush à qualifier le corps des Gardiens de la révolution (qui fait partie de l’armée régulière iranienne) d’« organisation terroriste étrangère ». La sénatrice Hillary Clinton a voté pour ce texte. Parallèlement, la Chambre des représentants a voté de manière presque unanime (408 voix contre 6) pour le Iran Sanctions Enabling Act. Ce texte prévoit des sanctions contre les compagnies étrangères qui investiraient plus de 20 millions de dollars dans le secteur iranien de l’énergie. Rappelons que ce type de texte, contraire au droit international, avait déjà été adopté dans les années 1980 contre la Libye et l’Irak. En France, le gouvernement de Nicolas Sarkozy n’a pas attendu ce texte pour demander à Total de ne plus investir en Iran.

Alain Gresh

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