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Juifs d’Iran

par Alain Gresh, 4 janvier 2008

Une dépêche de l’Agence France-Presse du 25 décembre annonce l’arrivée à Tel-Aviv, pour la première fois depuis plusieurs années, d’un groupe d’une quarantaine d’immigrants juifs en provenance d’Iran. Des dizaines de journalistes et de photographes attendaient l’arrivée des immigrants.

« La communauté juive iranienne est l’une des plus anciennes du monde. Elle comptait près de 100 000 membres avant la révolution islamique (1979). Aujourd’hui, avec quelque 25 000 membres, elle constitue la deuxième communauté juive de la région Proche et Moyen-Orient après Israël. L’Agence juive a ouvert récemment un site en langue perse afin de promouvoir l’immigration de ce pays, qui n’autorise pas ses ressortissants à se rendre en Israël, en leur promettant notamment des aides substantielles pour leur installation. »

Dans un article de La Libre Belgique du 27 décembre, « L’immigration juive d’Iran encouragée », Renée-Anne Gutter écrit que l’Agence juive « a tenu à donner un accueil médiatique au groupe, afin d’encourager d’autres juifs iraniens à immigrer en Israël. Elle ne lie pas son opération directement à la politique anti-israélienne du président Ahmadinejad, mais invoque l’antisémitisme qui, selon elle, ne cesse de croître en Iran. Cette thèse d’antisémitisme est cependant nuancée par les juifs iraniens eux-mêmes, y compris les immigrants ».

« S’il y a persécution, soulignent la plupart, c’est essentiellement en cas de connexion sioniste. D’ailleurs, le bruit fait mardi autour des arrivants en Israël pourrait précisément nuire aux familles restées en Iran. Selon d’autres, M. Ahmadinejad exploitera le fait que ce groupe d’immigrants se limite à quarante personnes, pour prouver précisément que les juifs iraniens ne souffrent pas de son régime. Les juifs qui vivent aujourd’hui à Téhéran, Ispahan et Chiraz en témoignent eux-mêmes : en tant que communauté religieuse, ils sont peu inquiétés. Généralement commerçants, ils ne manquent de rien. Un siège leur est réservé au Majlis, le Parlement national. Les synagogues sont bien entretenues. Par ailleurs, ils sont autorisés à quitter le pays, si ce n’est pas explicitement pour Israël. Et s’ils partent, ils peuvent faire gérer les biens qu’ils abandonnent par des gardiens légaux. Sinon, l’Etat s’en empare. Les juifs iraniens ne sont pas coupés de leurs proches en Israël non plus. Il y a moyen de téléphoner directement d’Israël en Iran, et de communiquer par Internet d’Iran en Israël. »

On se rappelle que l’exposition de caricatures sur la Shoah faite à Téhéran n’avait, quoi qu’en ait dit la presse occidentale, eu aucun succès en Iran.

La publicité faite sur cette arrivée de 40 juifs iraniens a suscité des réserves dans la presse israélienne.

Anshel Pfeffer écrit dans Haaretz du 30 décembre (« Jerusalem & Babylon / Despite benefits, few Iranian Jews want to live here ») :

« De manière assez surprenante, il n’y a pas beaucoup de restriction à l’immigration en provenance d’Iran. C’est relativement simple, en passant par un pays tiers. Et pour rendre les choses encore plus faciles, l’Agence paye pour la venue des immigrants iraniens en Israël pour qu’ils se rendent compte avant de prendre une décision. »

« Comme si ce n’était pas assez, trois fondations ont donné assez d’argent pour que chaque immigrant reçoive 10 000 dollars (...). Alors pourquoi sont-ils si peu nombreux à venir ? »

« Les réponses que vous entendez sont différentes. Il y a bien sûr l’aspect financier. La plupart des juifs iraniens appartiennent aux couches moyennes, boutiquiers ou hommes d’affaires, avec un niveau de vie relativement confortable et des vies stables. Mais ceux qui choisissent d’émigrer ont des problèmes pour vendre leurs propriétés, et, même s’ils y réussissent, le cours de la monnaie, le riyal, signifie que même ceux qui sont riches partent avec moins de 50 000 dollars. Leurs chances d’atteindre le même niveau de vie en Israël sont faibles. »

« Ce n’est pas que la vie dans la République islamique soit une sorte de pique-nique, et sûrement pas pour les juifs. Les écoles juives sont interdites, enseigner l’hébreu aussi, et les femmes juives sont soumises aux mêmes codes draconiens que les musulmanes, alors que les conscrits juifs dans l’armée sont régulièrement humiliés ; on leur accorde une confiance faible et ils sont assignés à des taches subalternes. Les persécutions sont de faible intensité. »

Avant de donner d’autres extraits de l’article, notons que ces dernières informations sont contestées par les immigrants iraniens eux-mêmes, comme le rapporte le Jerusalem Post du 25 décembre dans un article de Amir Mizroch : « Jewish Agency : We’ll try to bring all Iranian Jews ». Ces immigrants contestent les propos de l’Agence juive à ce sujet et affirment que l’enseignement de l’hébreu est autorisé, ainsi que les écoles juives.

Anshel Pfeffer poursuit en écrivant :

« Le sale secret est que, s’ils avaient le choix, beaucoup des juifs iraniens qui envisagent de partir ne viendraient pas en Israël. Car la prospère communauté juive iranienne de Los Angeles est bien plus attirante. Des dizaines de juifs iraniens sont en attente à Vienne pour des cartes vertes (d’immigration aux Etats-Unis) ou, encore mieux, dans l’attente d’un statut onusien de réfugié, qui leur donne le droit de vivre où ils veulent en Occident. »

« Cela peut nous sembler fou que les juifs iraniens préfèrent vivre au bord d’un volcan qui va entrer en éruption (...), mais il semble qu’ils considèrent qu’Israël est une zone de guerre aussi dangereuse, si ce n’est plus. Et qui peut les en blâmer ? »

« Israël perd de sa capacité d’attraction. Des 7 à 8 millions de juifs dans le monde qui vivent en dehors d’Israël, 0,25% seulement envisagent d’immigrer ».

Yossi Melman, dans Haaretz du 1er janvier (« Endangering the Jews of Iran », « Mise en danger des juifs d’Iran »), est plus sévère à l’égard des autorités israéliennes :

« Les juifs d’Iran sont assez bien traités. Ils ont une vie communautaire organisée et sont libres de respecter les rituels religieux et de faire leurs affaires. Comme la plupart des citoyens iraniens, ils peuvent voyager à l’étranger et, quand ils reviennent, on ne leur demande pas où ils ont passé leurs vacances. On peut affirmer que les autorités savent très bien que la majorité ont des parents en Israël. »

« Autrement dit, aussi longtemps que les choses restent calmes et ne deviennent pas publiques, les autorités iraniennes acceptent cette situation. Quand les relations entre les juifs iraniens et l’Iran deviennent publiques et polémiques, les autorités doivent répondre. C’est ce qui est arrivé quand la fondation International Fellowship of Christians and Jews du rabbin Yehiel Eckstein a annoncé en 2007 qu’elle paierait des dizaines de milliers de dollars pour chaque Iranien qui viendrait vivre en Israël. Des porte-parole iraniens ont répondu avec fureur, et les chefs de la communauté juive iranienne ont dû prendre des distances à l’égard de l’initiative du rabbin. »

« Tous ceux qui sont concernés savent que ce ne sont pas des incitations financières qui pousseront les juifs d’Iran à venir vivre en Israël. Pour cette raison, la récente publicité faite autour de l’arrivée des juifs est un geste inutile à la Eckstein, qui est connu pour ses relations avec les chrétiens fondamentalistes aux Etats-Unis. »

« On peut peut-être comprendre qu’Eckstein cherche à se donner un statut ; mais il est plus difficile de comprendre que l’Agence juive et des officiels coopèrent avec lui alors qu’ils savent qu’il y va du sort de la communauté juive iranienne dans un pays musulman hostile à Israël. (...) L’Agence juive et l’agence gouvernementale qui ont aidé à ce qui s’est passé la semaine dernière devraient revenir à l’ancienne politique [de discrétion] qui a si bien convenu. »

Prisonniers à Damas

Un rassemblement aura lieu à Paris en solidarité avec les détenus de la déclaration de Damas, le samedi 5 janvier 2008 de 17 heures à 19 heures sur l’esplanade des droits de l’homme, place du Trocadéro.

Les organisateurs réclament :
 La libération immédiate des détenus de la déclaration de Damas en Syrie :
* Mme Fida’a al-Hourani, présidente du conseil national de la déclaration de Damas ;
* MM. Akram al-Bouni et Ahmad Toumeh, secrétaires du bureau du conseil national de la déclaration de Damas ;
* MM. Jabr al-Choufi, Ali al-Abdallah, Yasser al-Itti, Walid al-Bouni, membres du secrétariat général de la déclaration de Damas.
 La libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion en Syrie ; parmi d’autres, M. Aref Dalilah (professeur), M. Michel Kilo (écrivain et journaliste), M. Anwar al-Bouni (avocat), M. Kamal Labwani (médecin), M. Faek el-Mir (militant politique), et M. Ryad al-Darrar (militant politique).
 Le respect des droits de l’homme en Syrie.
 La levée de l’état d’urgence décrété en Syrie depuis le 8 mars 1963.

Je rappelle le cas particulièrement scandaleux de Michel Kilo, que j’ai évoqué à plusieurs reprises sur ce blog, notamment dans « Actualités ».

Militaires au Pakistan

Le Monde diplomatique de janvier propose une étude passionnante d’Ayesha Siddiqa, une chercheuse pakistanaise, sur « la mainmise des militaires sur les richesses du Pakistan ». Ce texte explique comment l’état-major et les officiers ont pris le contrôle de l’économie du pays et pourquoi ils ne sont pas prêts à céder le pouvoir.

Alain Gresh

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