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Afrique du Sud

Quand la carte fait son histoire

par Philippe Rivière, 13 juin 2008

Ce texte a été mis à jour, modifié et augmenté de nouvelles images et de nouveaux liens le 24 août 2015, il est désormais consultable ici sous ce nouveau titre :

Afrique du Sud : quand la carte fait son histoire


On a parfois des surprises quand on cherche à faire une « carte de position » — une de ces toutes petites cartes qui accompagnent un article, indiquant la localisation de quelques points de repère — dans un pays ayant vécu des bouleversements politiques majeurs.

Il n’est pas rare, aujourd’hui encore, de voir dans la presse ou dans certaines encyclopédies le Yémen représenté avec sa frontière nord d’avant 2000, la Yougoslavie d’avant 1991 ou l’Ethiopie avant la séparation avec l’Erythrée en 1992. Les simples cartes de localisation — reprises, recopiées d’une édition à l’autre — font l’objet de moins d’attention que les grandes cartes thématiques et n’arrivent parfois pas à suivre le rythme — certes rapide depuis vingt ans — des changements territoriaux.

L’Afrique du Sud vient de nous en fournir un exemple (lire, dans le numéro d’avril du Monde diplomatique, « Quand les Sud-Africains attendent un toit »).

Une version de préparation de notre carte avait été composée avec les noms officiels, de langue anglaise, des provinces sud-africaines. Une première traduction, réalisée à partir du « livre de style » de l’intranet du Monde, donnait :
 Etat libre (ex-Etat libre d’Orange, Free State)
 Le Cap-Nord (Northern Cape)
 Le Cap-Occidental (Western Cape)
 Le Cap-Oriental (Eastern Cape)
 Gauteng
 Kwazoulou-Natal
 Mpumalanga (ex-Transvaal-Oriental)
 Nord-Ouest
 Province du Nord (ex-Transvaal-Nord)

Ce « livre de style » signalait également le changement de nom de la capitale, décidé en 2005, par la mention suivante :
 Capitale : Tshwane (ex-Pretoria, 03.2005)

La fiche « Afrique du Sud », mise à jour le 17 mars 2005, ignorait cependant que cette décision locale a été (et reste) fortement contestée par la population afrikaner, qui a protesté contre ce qu’elle perçoit comme une volonté d’effacer toute trace de sa culture. Le changement de nom de la capitale n’a toujours pas été approuvé officiellement au plan national : Pretoria reste donc officiellement, pour le moment, Pretoria.

En revanche l’africanisation de la « Province du Nord » en « Limpopo », qui a eu lieu en 2002 et fait consensus, ne figurait pas dans notre « Bible » (1).

Bref, il nous fallait trouver une source plus fiable. Une recherche nous a d’abord conduit vers le site Internet de l’Assemblée nationale française qui n’offrait rien moins qu’une carte datant... de l’apartheid (ci-dessous).

Le site de l’Assemblée nationale présentait cette carte datant de l’apartheid, sans en mentionner la source...

Après l’avoir signalé au webmestre, cette carte a été changée par celle-ci :

... La nouvelle carte remplaçant celle de l’apartheid est une création du service cartographique du ministère des affaires étrangères français, où il n’a pas été jugé utile de reporter les nouvelles divisions administratives.

Les neuf provinces sud-africaines actuelles ont en effet été créées en 1994, par un redécoupage des provinces existantes et des bantoustans prétendument « autonomes » ou « indépendants » qui visaient, selon l’idéologie du « développement séparé des races » (c’est le sens du mot « apartheid »), à donner un pays à chaque « peuple » (lire « race »).

Les bantoustans sud-africains avant 1994.
Philippe Rekacewicz, Le Monde diplomatique, janvier 1993.

Avec la nouvelle Constitution, les Transkei, Ciskei, Bophutatswana de sinistre mémoire furent soit effacés soit transformés en simples noms régionaux, sans existence administrative.

Le Natal (blanc) fusionna en 1994 avec l’ex-bantoustan du KwaZulu, pour former le Kwazulu-Natal (ou KwaZulu-Natal). La province de l’Etat libre d’Orange (Orange Free State), du nom de la rivière Orange qui y coule, elle-même baptisée en l’honneur de la famille princière néerlandaise (Orange-Nassau) et, donc, de l’histoire boer de l’Afrique du Sud, devint en 1995 l’Etat libre (Free State).

Les nouvelles provinces créées en 1994.
Philippe Rekacewicz, « Le bouleversement du monde », Manière de voir, n° 25, février 1995.

Pour orthographier correctement nos provinces, nous nous sommes finalement tournés vers quatre sources récentes : l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris, l’Encyclopædia Universalis 2008, le Robert 2008, ainsi que la version française de Wikipedia. Les orthographes divergent un peu sur la traduction de « Eastern Cape / Western Cape », qui peuvent s’écrire « Cap-Est / Cap-Ouest » ou « Cap-Oriental / Cap-Occidental ». Mais il ne faut y voir cette fois qu’une liberté dans la traduction, sans connotation ni historique ni politique.

P.S. Le Larousse de 2012 indique : Cap-Est, Cap-Nord, Cap-Ouest, Etat libre, Gauteng, Kwazulu-Natal, Limpopo, Mpumalanga, Nord-Ouest.

Philippe Rivière

(1On notera aussi, au passage, que l’orthographe proposée pour le « Kwazoulou-Natal » relevait d’une écriture ultra-francisée inusitée ; la dénomination officielle est « KwaZulu-Natal ».

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