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Les couleuvres de M. Obama et de M. Kouchner

par Alain Gresh, 19 novembre 2009

Condamnations, déclarations indignées... Une fois de plus, la décision israélienne de construire neuf cents logements à Gilo, une colonie israélienne au cœur de Jérusalem, a suscité les commentaires attendus de la communauté internationale. « Washington se dit “consterné” par la décision d’Israël d’autoriser neuf cents nouveaux logements à Jérusalem-Est », titre LeMonde.fr le 18 novembre.

Laurent Zecchini, le correspondant du Monde, écrit :

« Dans une réaction d’une rare sécheresse, le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs, a déclaré que les Etats-Unis sont “consternés par la décision prise”. “Au moment où nous nous employons à relancer les négociations (de paix), de tels agissements rendent nos efforts plus difficiles (...). Les Etats-Unis s’élèvent aussi contre d’autres pratiques israéliennes à Jérusalem, a ajouté la Maison Blanche, comme “la pratique constante des expulsions et démolitions de maisons palestiniennes”. »

« La position de Washington est claire, a rappelé le porte-parole de la présidence américaine, “le statut de Jérusalem relève de la question du statut permanent” découlant d’un éventuel accord israélo-palestinien. Ce ton très inhabituel de la Maison Blanche s’explique par la proximité de la dernière rencontre entre Benyamin Nétanyahou et le président Barack Obama. »

Au même moment, M. Bernard Kouchner se rendait en Israël et, comme le titre Le Canard Enchaîné du 18 novembre, sous la plume de Claude Angeli, « aval[ait] des couleuvres à Tel-Aviv et Kaboul ». Non seulement le ministre a rencontre le fasciste Avigdor Lieberman, mais, comme le souligne Angeli, il a accepté de se soumettre au diktat israélien, et donc de renoncer à la visite prévue à Gaza.

Bien sûr, comme M. Obama, M. Kouchner a condamné la décision israélienne de construire dans la Jérusalem occupée. Selon l’Agence France-Presse, il a « regretté » la décision israélienne. C’est bien peu... Rappelons que le statut de la Cour pénale internationale considère comme un « crime de guerre » « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire » (article 8). Mais, pour la France comme pour les Etats-Unis, le gouvernement israélien est autorisé à commettre impunément des crimes de guerre...

AJOUT 20 novembre. J’avais surestimé la réaction de M. Kouchner. Il a affirmé que la construction de neuf cents logements à Gilo n’était pas « politique et ne devait pas faire obstacle à la reprise des négociations (sic !) » Kouchner : Gilo construction won’t necessarily hinder peace talks » (Ynet, 18 novembre.)

On pourrait dresser une encyclopédie de centaines de volumes comprenant toutes les déclarations des Etats-Unis, de la France, de l’Union européenne condamnant la politique de colonisation. Et pourtant, on compte aujourd’hui 300 000 colons en Cisjordanie et 200 000 à Jérusalem-Est. Malgré cela, c’est sur l’Autorité palestinienne que l’on fait pression pour obtenir la relance de négociations dont on sait pertinemment qu’elles ne peuvent aboutir, et cela pour une raison simple : Israël refuse d’accepter les résolutions des Nations unies qui prévoient son retrait des territoires occupés en 1967. En l’absence de pressions réelles, il est peu probable que Tel-Aviv modifie ses positions. C’est ce qu’a compris le mouvement de solidarité qui appelle à des sanctions. Récemment, des organisations palestiniennes ont demandé aux pays arabes, notamment à ceux du Golfe, de boycotter les sociétés française Veolia et Alstom pour leur implication dans la construction d’un tramway dans Jérusalem occupée. « Plea to boycott firms with Israel link Group urges GCC states to shun Alstom and Veolia involved in Occupied Jerusalem projects », par Abbas Al Lawati, Gulf News, 17 novembre 2009).

M. Kouchner a trouvé le temps de rencontrer les parents de Gilad Shalit, mais évidemment pas ceux de Salah Hamouri, un citoyen français emprisonné depuis plus de quatre ans par les autorités israéliennes. Pendant ce temps, selon une dépêche de l’AFP du 18 novembre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel se penchait sur les déclarations de François Cluzet concernant Hamouri. « Le groupe de travail de déontologie du CSA examine actuellement les propos de M. Cluzet. Une décision devrait intervenir lors d’une plénière du CSA, dont la date n’est pas encore fixée. Traditionnellement, les problèmes de déontologie se solvent par une simple lettre d’avertissement ou une mise en demeure ou une sanction financière et, dans les cas les plus extrêmes, par un retrait de fréquence. France 2 va diffuser un reportage sur l’affaire Salah Hamouri dans le cadre de l’émission “13H15” dimanche 22 novembre, a précisé la chaîne à l’AFP. »

Alain Gresh

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