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Britanniques et Allemands face au cauchemar afghan

Mieux sécuriser le pays pour aboutir à un règlement politique : c’est l’ambition du général américain Stanley McChrystal. Le commandant en chef des troupes des Etats-Unis et de l’OTAN en Afghanistan espère sortir de la conférence de Londres, convoquée ce jeudi, avec un engagement renforcé de la coalition aux côtés du régime de Kaboul. Il pense pouvoir affaiblir suffisamment les rebelles talibans pour qu’ils acceptent de négocier une paix. Les pays de l’OTAN, hors USA, alignent 43 000 hommes, et pourraient annoncer des renforts de 7 à 10 000 soldats, pour répondre aux demandes pressantes du président Barack Obama.

par Philippe Leymarie, 27 janvier 2010

«Tell my mother I love her » (Dites à ma mère que je l’aime) : ce seraient, d’après son officier du 2e bataillon de fusiliers engagé à Sangin, dans la province du Hemland, les derniers mots de Peter Aldridge au médecin qui tentait de le sauver après une explosion. Ce vendredi 22 janvier 2010, il était le 250e soldat britannique à périr en Afghanistan, depuis le début de l’engagement du Royaume uni, en 2001. Il avait 19 ans, et s’était engagé à 17

La Grande-Bretagne est dans une position de plus en plus délicate. Ses troupes, déployées majoritairement dans la province très exposée du Hemland dans le sud, fief des talibans et grande région de culture du pavot, ont perdu une centaine d’hommes pour la seule année 2009, et ont évacué plus de 1 000 blessés. La rallonge financière au titre des opérations en Afghanistan – protection contre les explosifs improvisés (IED), achat d’hélicoptères, etc., soit 900 millions de livres – est imputée, pour la première fois, au budget de la défense, imposant des coupes sur les grands programmes d’équipement.

Un rapport de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes (PDF), publié en juillet 2009, concluait à un « glissement de la mission » des troupes britanniques déployées en Afghanistan : elles ne peuvent atteindre leurs objectifs, car elles assument trop de responsabilités (lutte contre le trafic de drogue, protection des droits de la personne, reconstruction de l’Etat). Le « partage inégal » entre les nations de la coalition est aussi « une source de tensions » pour les soldats déployés. Le rapport proposait de recentrer la mission britannique en Afghanistan sur la seule sécurité.

Mais, toujours en première ligne aux côtés des Etats-Unis, le gouvernement travailliste de M. Brown a accédé aux demandes du président Barrack Obama de « finir le travail », et envoyé dès le début décembre un premier renfort de 500 soldats supplémentaires, portant le contingent britannique total à 9 500 hommes (plus de 10 000, en y incluant les forces spéciales) – soit le second contingent derrière les Etats-Unis.

Restrictions d’emploi

« L’Allemagne décidera après la conférence de Londres si elle fait ou non des efforts supplémentaires et, le cas échéant, quels efforts », avait indiqué la chancelière Angela Merkel à la mi-décembre. Elle insistait une fois de plus sur le fait que que le concept de sécurité prôné par l’OTAN inclut des efforts « militaires, mais aussi de reconstruction civile » – ce que Berlin considère comme la seule vocation possible pour son contingent, le troisième en importance avec 4 500 soldats. La province de Mazar El Charif, dans le nord, où sont stationnés en majorité les soldats de la Bundeswehr, a été longtemps préservée, mais le nombre des accrochages y a augmenté de 60% en un an.

Le parrain américain souhaitait initialement que Mme Angela Merkel autorise l’envoi de 2 000 hommes supplémentaires et obtienne du parlement leur déploiement dans des zones plus disputées, au sud et à l’est du pays. La prolongation d’un an début décembre du mandat du contingent actuel a été assortie des habituelles restrictions d’emploi (maintien au nord, usage des armes seulement en cas de légitime défense,etc.).

Déjà impopulaire, la participation de l’armée allemande aux opérations en Afghanistan a été « plombée » par la gestion plutôt catastrophique de la « bavure » aérienne de Kunduz provoquée en septembre par le commandement allemand, qui avait amené la démission du secrétaire d’Etat à la défense et du chef d’état-major général, ainsi que le dédommagement financier de plus d’une centaine de familles de victimes afghanes.

Ces derniers jours, Mme Angela Merkel a tenté de préparer l’opinion allemande à l’envoi de renforts, sans évoquer de chiffres, en laissant entendre que la Bundeswehr se consacrerait davantage à la formation des forces de sécurité afghanes – mais dans une proportion qui dépendrait des « résultats » de la conférence de Londres.

Au nombre de ces résultats, la « réintégration des insurgés dans la société afghane », retenue comme une nécessité par les ministres européens des affaires étrangères, qui se sont concertés lundi dernier avant le rendez-vous de Londres. « Tous ceux qui combattent ne sont pas des talibans », avait plaidé le ministre allemand des affaires étrangères, Guido Westerwelle… dont les propos sont plutôt en résonance avec les dernières réflexions rendues publiques par le général McChrystal (1).

Philippe Leymarie

(1AFP, 24 janvier 2010.

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