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Mort de l’ayatollah Mohammad Fadlallah

par Alain Gresh, 4 juillet 2010

La chaîne de télévision Al-Jazirah a annoncé le 4 juillet la mort de Mohammed Hassan Fadlallah (voir son site en arabe, en farsi, en anglais et en français), un ayatollah libanais (mais né en Irak) considéré comme une des plus hautes références de l’islam chiite. Proche du Hezbollah à la création de celui-ci, il s’en était un peu éloigné et différait de ce parti sur certains points importants de doctrine. Il rejetait l’idée introduite par l’ayatollah Khomeiny du velayat e-faqih (gouvernement du docte), conférant aux religieux, et notamment au guide (aujourd’hui l’ayatollah Khamenei), des pouvoirs énormes sur le plan non seulement religieux mais aussi politique. Il était également opposé aux attentats-suicide que le Hezbollah avait lancés au début de sa lutte contre l’occupation israélienne du Sud-Liban, et auxquels le parti a finalement renoncé.

Violemment critique des Etats-Unis et d’Israël, inscrit sur la liste américaine des « terroristes », il avait échappé à plusieurs tentatives d’assassinat dans les années 1980, notamment un attentat à la voiture piégée, le 8 mars 1985, qui tua 80 personnes et aurait été organisé par la CIA avec de l’argent saoudien.

Fadlallah s’était illustré ces dernières années par des jugements importants sur les droits des femmes, comme le montre cet entretien du 18 décembre 2007 accordé par son fils au site NOW Lebanon, « Talking To : Sayyed Jaafar Fadlallah. Sayyed Mohammad Husein Fadlallah’s son, Jaafar, talks to NOW Lebanon about his father’s issuing of a women’s-rights fatwa. ». Tout en se plaçant dans le cadre d’une vision traditionnelle de la famille, il affirmait, en particulier, que le mari n’a pas le droit de battre son épouse et que, s’il le fait, celle-ci a le droit de riposter. Il avait publié une fatwa sur ce thème en 2007 à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, comme le rapportait le site The Arabist, le 27 décembre 2007 (« Thanks sheikh Fadlallah »), ainsi qu’Yves Gonzales-Quijano sur son site Culture et politique arabes, sous le titre : « Quand une fatwa défend le droit des femmes… » (9 décembre 2007).

Il avait aussi lancé le 2 septembre 2008 une fatwa contre les mauvais traitements infligés aux domestiques étrangères travaillant au Liban.

En juillet 2008, il avait publié une lettre ouverte aux musulmans français affirmant que ceux-ci « doivent agir en conformité avec leur citoyenneté française et vivre pleinement comme les autres citoyens français, tout en affirmant leur identité islamique. Il n’y a pas de contradiction entre les deux sphères, sinon dans l’esprit de certaines personnes. Aussi, les préoccupations et les problèmes des musulmans français sont inséparables des préoccupations et des problèmes des Français. Leurs problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels sont presque les mêmes. Il faut donc accorder à ces problèmes de l’importance et proposer des solutions conformément au principe que les musulmans sont des citoyens français et qu’ils sont concernés au même titre que leurs compatriotes par les mêmes problèmes. C’est pourquoi ils doivent définir leurs revendications comme des revendications qui servent les intérêts du peuple français et mettre en avant leur appartenance à la communauté nationale. Ils doivent aussi s’ouvrir, d’un point de vue musulman et humaniste aux causes musulmanes et humaines en dehors de la France ».

Alain Gresh

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