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Un demi-milliard de Chinois, Weibo et l’impossible censure

par Martine Bulard, 21 octobre 2011

L’accident du train à haute vitesse à Wenzhou, en août dernier, a été l’occasion de prendre conscience du rôle des microblogs – et singulièrement Weibo. Ce dernier a contribué à révéler les dysfonctionnements et à imposer une commission nationale d’enquête. Il a d’ailleurs entraîné dans son sillage une partie de la presse traditionnelle, qui a rejeté les consignes officielles… Le magazine China Reform (n° 10) titre à sa Une sur « l’intervention de Weibo dans les affaires politiques ». En page, l’article résumé et traduit du chinois par l’ambassade de France à Pékin [et publié ci-dessous] montre que le débat sur la censure est lancé au sein du Parti communiste chinois et des élites.

« La Chine comptait fin juin 485 millions d’internautes, soit un taux de connections de la population de 36,2% (bien que ce pourcentage soit beaucoup moins élevé que celui de la Corée du Sud, du Japon, des Etats-Unis ou du Royaume-Uni, tous supérieurs à 70%, l’influence et l’intensité de l’opinion publique chinoise en ligne sont les plus fortes au monde). Tenant compte du fait qu’une grande partie de la population rurale n’utilise pas Internet, le taux de pénétration dans les villes, notamment au sein de la classe moyenne, a atteint un niveau assez élevé. Les internautes représentent une partie très importante de l’opinion publique. La vie courante des Chinois ordinaires est aussi modifiée par l’émergence d’Internet. Les nouveaux médias exercent une influence énorme sur le fonctionnement des services publics et des affaires publiques.

Vu le malaise et les soucis provoqués par le fait que l’ancien modèle de gouvernance est ainsi rudement secoué, certains fonctionnaires du gouvernement proposent de renforcer davantage le contrôle d’Internet. Evidemment, des contrôles raisonnables sont indispensables, mais ce qui est plus important, c’est de changer la mentalité et le mode de gouvernance pour mieux relever les défis lancés par les nouveaux médias. Il faut aussi apprendre à utiliser cet outil innovant.

Le magazine a invité, à cette occasion, des experts du milieu des communications à engager des discussions sur ce sujet.

Zhu Xinhua, secrétaire général du Service de contrôle de l’opinion publique du site People.com.cn, estime que l’opinion publique en ligne exige des réformes en Chine. Les critiques et la mise en question des “leaders d’opinion” montrent que les masses populaires attendent vivement et soutiennent fermement la bonne gouvernance de l’Etat.

Ren Jiantao, professeur à l’Institut chinois des relations internationales de l’Université du Peuple, estime que l’intervention de Weibo dans les affaires politiques stimule la réforme du mode de gouvernance. Des propositions comme celles de contrôler les microblogs des leaders d’opinion, d’isoler cette plate-forme de l’opinion publique ou de considérer Weibo comme un simple canal pour épancher sa bile montrent que le gouvernement ignore toujours l’opinion publique.

Yu Guoming, vice-président du Centre de formation au journalisme de l’Université du Peuple de Chine, signale que Weibo est un bon outil favorisant le développement sain et équilibré de la société. Il ne faut pas traiter les contenus un peu contestataires par les expédients de l’époque de la Révolution culturelle ou la logique du fondamentalisme culturel.

Meng Bingchun, de la London School of Economics and Political Science, espère que les nouveaux médias, qui sont en train de modifier la répartition des informations entre les gouvernements, les principaux médias et les masses populaires, arriveront à refaire l’architecture de la communication politique. »

Martine Bulard

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