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Affrontements violents entre médecins et patients en Chine

Plus de 17 000 conflits violents ont opposé médecins et malades (ou leurs familles) en 2010, selon les statistiques officielles chinoises. Le service des affaires sociales de l’ambassade de France en Chine, qui publie régulièrement une « chronique sociale » faisant le point sur les conditions de travail, les salaires ou la santé dans le pays, analyse les relations entre soignants et soignés.

18 juillet 2012

Face à la hausse des conflits entre médecins et patients dans les hôpitaux, sept équipes d’inspection, sous la responsabilité des ministères de la santé et de la justice, se sont rendues à partir d’octobre 2011 dans vingt-quatre provinces pour recueillir expériences, études de cas et bonnes pratiques permettant de développer des mécanismes de médiation médicale.

Cela a donné lieu à une circulaire commune aux ministères de la santé et de la sécurité publique portant sur la protection de l’ordre public dans les établissements de santé. Dorénavant, les hôpitaux sont obligés de mettre en place un département chargé de répondre aux plaintes des patients et ces derniers pourront recourir à une organisation de médiation des conflits médicaux, en cas d’insatisfaction. Les sanctions contre les patients qui ont commis des violences (verbales ou physiques) sont également renforcées.

Un mois auparavant, une autre circulaire avait été publiée par le ministère de la santé, demandant aux hôpitaux de renforcer la vigilance ainsi que les mesures de sécurité et de surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Il faut dire que le bilan est lourd. Selon une statistique officielle citée par China Daily (29 mars 2012), plus de 17 000 conflits violents ont eu lieu en 2010, touchant 70 % des établissements de santé. Les chiffres sont en augmentation et les agressions corporelles contre le personnel médical sont de plus en plus violentes. Le meurtre d’un jeune interne par un patient de 17 ans à Harbin (province du Heilongjiang) — trois autres médecins ayant été gravement blessés lors de l’agression — a choqué le pays tout entier. L’histoire a d’autant plus ému que dans 65 % des réponses à une enquête en ligne sur la réaction à cette tragédie, les internautes se sont déclarés « satisfaits » de son dénouement. Ce qui en dit long sur la relation entre les soignants et leurs malades. L’image du médecin, auparavant comparé à un ange sauveur, est aujourd’hui dégradée. Le métier est associé aux « enveloppes rouges » d’argent clandestin, aux pots-de-vin, qui placent les profits au-dessus de la vie du patient.

Il est vrai que les Chinois sont confrontés à diverses difficultés pour se faire soigner : la longue durée d’attente pour accéder à une consultation, des processus compliqués pour les soins à l’hôpital, les attitudes parfois peu respectueuses du personnel de santé, le manque d’explications et de communication, la sur-prescription de médicaments, d’analyses, et de contrôles, les frais médicaux élevés... etc. Au contact direct du patient, le médecin est le bouc émissaire de tous les problèmes du système de santé. A l’hôpital, faute de moyens pour faire appel à la justice, beaucoup de malades ont recours à la violence pour se venger de ce qu’ils estiment être une injustice.

De leur côté, les médecins se plaignent de la faiblesse de leur salaire qui ne correspond pas du tout à leur formation ni à une charge de travail croissante. Un médecin d’un grand hôpital à Pékin doit recevoir une cinquantaine de patient dans une matinée et est habitué à faire de nombreuses heures supplémentaires. Son salaire mensuel atteint seulement 4 000 yuans environ (480 euros), à peine supérieur au salaire net moyen mensuel à Pékin en 2010. La consultation n’est payée que 5 yuans. Une blague répandue chez les médecins illustre bien cette sous-évaluation de la valeur des soins qu’ils prodiguent : le coût d’une opération réalisée par un neurochirurgien est inférieur au prix d’une coupe de cheveux... Insatisfaits de leur rémunération, beaucoup recherchent des revenus connexes voire illégaux.

Outre la pression et le stress du travail, les médecins sont exposés aux risques de violence lorsqu’il y a un malentendu sur les soins ou un accident médical. Sans mécanisme de médiation efficace et transparent, ils sont les victimes directes de la colère des familles des patients.

Le plus souvent, les hôpitaux tentent d’étouffer les conflits médicaux ou de les régler en privé afin de ne pas ternir leur réputation. Pour se protéger, les médecins n’osent plus prendre aucune responsabilité lors d’un diagnostic et demandent systématiquement au patient de décider lui-même des soins, en signant une décharge de responsabilité. Cela protège le médecin contre d’éventuelles poursuites, mais n’améliore guère la relation avec le malade.

Bien que la nouvelle circulaire demande aux hôpitaux de renoncer à ces pratiques, le problème de la violence ne peut pas être résolu par une augmentation du nombre des agents de sécurité ou par le renforcement des punitions. Le manque de confiance entre les soignants et les malades ainsi que les tensions ne peuvent être réglés sans la réforme du système de soins, notamment dans les hôpitaux publics.

Le Plan 2012 de mise en place de la réforme du système de santé publié par le gouvernement a mis l’accent sur la réforme hospitalière. À travers les mesures envisagées – l’accès aux soins plus facile, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, un meilleur contrôle des actes médicaux –, la décision du gouvernement de briser la dépendance financière des hôpitaux à la vente de médicaments est claire. Le ministre de la santé Chen Zhu a affirmé, à plusieurs reprises, « la volonté ferme et le courage du gouvernement de faire face à cette mission et d’agir », mission considérée comme un des défis les plus difficiles à surmonter au cours de la réforme.

Des réflexions sont également en cours pour stimuler la motivation des professionnels. Pékin, par exemple, a mis en place une politique pilote à l’hôpital de l’Amitié (Youyi), qui consiste à supprimer complètement la marge bénéficiaire sur la vente de médicaments et à augmenter simultanément les frais de consultation afin de mettre en valeur et récompenser les médecins. Les honoraires, qui étaient de 5 yuans pour un médecin hospitalier et 9 yuans pour un médecin expert, ont été portés à 42 yuans et 80 yuans, dont 40 sont remboursables par la sécurité sociale.

Pour autant, la mise en place d’instances et de procédures de médiation dans les hôpitaux apparaît utile et va aussi dans le sens de ce qui se fait dans les pays développés.

Sécurité des médicaments

Un scandale a été révélé au mois d’avril dans le domaine des médicaments : les enveloppes dures de gélules avaient été fabriquées à partir de gélatines industrielles utilisant du vieux cuir recyclé contenant un produit toxique, le chrome. Neuf grandes entreprises pharmaceutiques ont été accusées d’avoir utilisé ces enveloppes toxiques pour fabriquer les capsules de quatorze types de médicaments. Des usines illégales de fabrication de gélatine ont été repérées dans le Zhejiang et le Hebei.

Le secrétariat d’Etat aux denrées alimentaires et médicaments (en anglais, State Food & Drug Administration — SFDA) a publié le 28 avril une circulaire sur le renforcement du contrôle de la qualité des gélules, demandant aux entreprises de fabrication de gélatines à usage médical, souvent destinées à la production des enveloppes de médicaments, de contrôler la qualité des matières premières utilisées dans la production et de s’équiper pour tester leurs produits, en mettant en place une équipe de professionnels pour assurer ces tests.

Ce texte, écrit par le Bureau des affaires sociales de l’ambassade, a été publié, sous une version légèrement différente, dans la Chronique sociale de juin 2012.

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