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Sus à l’islam ! Ils ne se fatiguent jamais...

par Alain Gresh, 24 mars 2013

Version en arabe du texte.

La France est en crise. Comme le reste de l’Europe. Et Chypre n’est que le dernier épisode (avant le prochain) de cette spirale infernale : ébranlement du système financier, austérité imposée à la population au nom d’une rigueur qui ne touche ni les banques ni les riches. Encore un peu plus de chômage, encore un peu plus de souffrances.

Mais vous n’y êtes pas du tout... Ce qui nous menace vraiment, ce qui met en cause notre identité même, nos raisons de vivre, ce qui fait qu’on ne se sent plus chez nous, ce ne sont ni les financiers ni nos dirigeants, mais ces musulmans, ces étrangers, ces « pelés », ces « galeux » dont nous vient tout le mal. Ce n’est pas la religion en général — il suffit de lire les apologies du nouveau pape, le respect avec lequel il est traité — mais cette religion-là. Elle est fondamentalement différente du christianisme qui aurait permis, lui, la laïcité (et tout le monde de rabâcher, sans la comprendre, la formule « rendre à César ce qui est à César », comme si toute l’histoire chrétienne se reflétait dans cette maxime...).

Heureusement, contrairement aux élites, le peuple, lui, comprend. Il comprend que cette menace existe. Et il demande des mesures, des lois, des sanctions. Il faut être, n’est-ce pas, à son écoute — et dans ce cas, il ne s’agit pas de populisme démagogique. Et si demain l’opinion exige le retour de la peine de mort, votons une loi pour la rétablir !

Il est vrai que l’état de l’opinion est inquiétant. La lancinante menace islamique inquiète. Et le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) l’illustre.

Comme le note Le Monde (21 mars), « Les actes antimusulmans progressent pour la troisième année consécutive » :

« Pour la présidente de la CNCDH Christine Lazerges, tous ces indicateurs sont le reflet de situations différentes. “Pour l’antisémitisme, les causes sont aujourd’hui essentiellement conjoncturelles”, estime-t-elle. Mme Lazerges les relie notamment au contexte de l’affaire Merah, en mars 2012, et à celui de l’attaque d’une supérette casher de Sarcelles (Val-d’Oise) en septembre 2012.

Selon elle, la hausse des actes antimusulmans — recensés en tant que tels depuis 2010 — est plus préoccupante. “On a affaire à un phénomène beaucoup plus structurel, car nous observons cette augmentation depuis maintenant trois années consécutives, détaille-t-elle. Numériquement, les chiffres sont faibles, mais ils ne montrent que la partie visible de l’iceberg.”

Tous ces indicateurs corroborent les résultats d’une enquête d’opinion de l’institut CSA dévoilée dans le rapport de la CNCDH. Réalisée auprès d’un échantillon de 1 029 personnes du 6 au 12 décembre 2012, elle confirme que les Français ont une vision de plus en plus négative de l’islam. 55 % des personnes interrogées considèrent qu’il “ne faut pas faciliter l’exercice du culte musulman en France” (+ 7 points par rapport 2011). Ce phénomène de rejet n’existe pas pour les autres religions. »

Ces enquêtes montrent comment une partie des sympathisants de gauche (socialistes, verts, Front de gauche) partagent cette islamophobie. Au lieu de lutter contre cette évolution inquiétante, à laquelle les médias ont largement contribué, toutes tendances confondues (ceux de « gauche » comme Marianne ou Le Nouvel Observateur — lire « La ruse est leur mot d’ordre » —, peut-être même un peu plus), on nous appelle à prendre de nouvelles mesures, à adopter de nouvelles lois, notamment pour « libérer » les femmes musulmanes (il faut dire que c’était aussi notre objectif pendant plus d’un siècle en Algérie et que nous avons échoué, alors l’heure de la revanche a sonné).

Il faut donc légiférer avec courage et détermination, notamment après le jugement sur l’affaire de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes. La Cour de cassation a annulé le 19 mars le licenciement d’une employée de cet établissement des Yvelines qui avait décidé de porter le foulard. Selon la Cour, le principe de laïcité ne peut s’appliquer dans une entreprise privée.

Comme le notait Libération le 22 mars :

« Le Défenseur des droits a demandé vendredi au législateur de “clarifier” la loi sur la laïcité et recommandé une large consultation préalable, dans un courrier adressé au premier ministre suite à l’affaire de la crèche Baby Loup. “Une clarification de la situation conduite par le législateur me paraît hautement nécessaire”, écrit Dominique Baudis à Jean-Marc Ayrault, en estimant que le parcours judiciaire du dossier Baby Loup illustre les « difficultés d’interprétation » des textes. »

Et l’hebdomadaire Marianne, se saisissant de l’affaire, « soutient l’appel pour une nouvelle loi sur les signes religieux » :

« Sur les crèches et les gardes d’enfants, c’est une proposition de loi venant du Parti radical de gauche qui a été votée l’année dernière au Sénat. N’ayant pas bénéficié de la même diligence que d’autres textes sociétaux, elle n’a toujours pas été présentée à l’Assemblée nationale. C’est dans l’Hémicycle que Manuel Valls, transgressant la règle interdisant à un ministre de commenter une décision de justice, vient de déclarer : “En sortant quelques secondes de mes fonctions, je veux vous dire combien je regrette la décision de la Cour de cassation sur la crèche Baby Loup et sur cette mise en cause de la laïcité.” » (Lire la tribune, censurée par Le Point, de Sihem Souid, « Monsieur le Ministre de l’Intérieur, vous faites fausse route ! »).

Que le ministre viole les règles de séparation de l’exécutif et du judiciaire n’émeut pas l’hebdomadaire. Vous comprenez, nous sommes en situation de guerre : au diable les vieilles règles de l’Etat de droit ! Rappelons que ce ministre de l’intérieur, Manuel Valls, tant aimé par la droite, est celui-là même qui déclare, sûrement au nom de la laïcité, que « par [sa] femme, [il est] lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël » (lire « Vous avez aimé Claude Guéant, vous adorerez Manuel Valls ») et qui estime que la lutte contre le hijab « doit rester pour la République un combat essentiel », mais affirme qu’un juif doit pouvoir porter fièrement sa kipa (c’est pourtant un signe religieux).

Marianne poursuit :

« Voilà donc une contradiction de plus entre les engagements politiques et la triste réalité : le candidat Hollande avait expliqué que la laïcité était l’un des piliers de sa “République exemplaire” et qu’il en graverait les principes dans la Constitution. A défaut de ce symbole dont on ne parle plus, il y a mieux à faire et plus urgent : suivre la suggestion des signataires (parmi lesquels de nombreux parlementaires) de l’appel que nous publions. Colmater vite par une loi les derniers vides juridiques que les amateurs de surenchères, encouragés par la Cour de cassation, ont déjà bien repérés.

Le président de la République a donné comme première justification de l’intervention militaire française au Mali la volonté de “protéger les femmes”. Celles de Chanteloup-les-Vignes méritent aussi d’être protégées. »

Ainsi donc les troupes françaises sont au Mali pour protéger les femmes, comme les troupes de l’OTAN les protègent en Afghanistan ?

Qui rappellera que la loi du 15 mars 2004 a été condamnée par la commission des droits de l’homme des Nations unies, et que la France a six mois pour répondre aux demandes de cette dernière ? (lire « Signes religieux dans les lycées : L’ONU condamne la France à revoir la loi du 15 mars 2004 »). Il paraît, selon un sondage de l’Ifop publié dans Ouest France, que 84 % des Français sont opposés au port du foulard par des femmes employées dans des lieux privés accueillant du public (commerces, supermarchés, cabinets médicaux, crèches, écoles privées). Peu importe qu’une telle décision soit contraire à toutes les conventions internationales et européennes : nous sommes la France, la grande nation qui illumine l’avenir de l’humanité.

Et pendant ce temps, tranquillement, la droite radicale progresse à travers l’Europe, comme le montre l’élection d’Oskar Freysinger en Suisse (« L’extrême-droite européenne salue l’élection d’Oskar Freysinger », 22 mars), l’homme qui s’est rendu célèbre en gagnant un référendum contre la construction des minarets.

Gageons qu’il se réjouira d’une nouvelle loi française hostile aux musulmans (« Suisse, une victoire de l’islamophobie, une défaite de la raison »).

Culture(s) en Méditerranée et dans le monde arabe

Université populaire organisée par Nouvelles d’Orient et l’Iremmo

Samedi 6 avril 2013 (10h30-18h)

Séance 1 (10h30-12h30)
Etat des lieux des pratiques culturelles dans le monde arabe et musulman, avec Yves Gonzalez-Quijano, traducteur de romans et chercheur au Gremmo (Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient). Il enseigne la littérature arabe moderne et contemporaine au département d’études arabes de l’Université Lumière Lyon 2 et anime le blog/carnet de recherche Culture et politique arabes. Il est aussi l’auteur, entre autres, de Arabités numériques, le printemps du Web arabe, éditions Actes Sud, 2012.

Séance 2 (14h-16h)
Cultures iraniennes avec Bernard Hourcade, Géographe spécialiste de l’Iran, directeur de recherche émérite au CNRS au sein du laboratoire Mondes iranien et indien, auteur de Géopolitique de l’Iran, éditions Armand Colin, 2010.

Séance 3 (16h-18h)
Littérature syrienne et nouveau genre littéraire issue de l’univers carcéral au Machrek avec Rania Samara, chercheuse rattachée à l’IISMM.

Contact et inscription : universite-populaire@iremmo.org

Participation : 20 euros pour la journée (12 euros pour les étudiants et les demandeurs d’emploi).

Horaires :
Séance 1 : 10h30-12h30
Séance 2 : 14h-16h
Séance 3 : 16h-18h

Lieu : 5, rue Basse des Carmes - 75005 Paris (Métro : Maubert-Mutualité)

Alain Gresh

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