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La commission Stasi et la loi contre le foulard : retour sur une manipulation

par Alain Gresh, 5 avril 2013

Mise en place par le président de la République Jacques Chirac en juillet 2003, la commission Stasi a rendu son rapport le 11 décembre de la même année. Dans la foulée, Chirac a prononcé un discours et n’a retenu de ses travaux, au-delà des grands principes qui seront vite oubliés, que la proposition d’une loi sur le foulard et la nécessité de légiférer sur l’hôpital — tout le monde l’a oublié, mais, à l’époque, la commission et les médias avaient présenté une image des hôpitaux soumis à une poussée irrésistible des islamistes qu’il fallait absolument stopper... Cette propagande a pourtant vite disparu, tant les propositions avancées pour « laïciser » les hôpitaux allaient à l’encontre de tous les droits des patients — voir ci-dessous).

Revenir sur la débat de 2003-2004 est important, car la commission s’est appuyée pour justifier ses choix sur des « exemples », sur des « cas », censés prouver que le système de l’enseignement était soumis à une menace imminente. Or c’est le même prétexte qui est utilisé avec l’affaire de la crèche Baby Loup, pour justifier une nouvelle loi dont l’unique résultat sera, encore une fois, de stigmatiser les musulmans, suspects a priori.

Les éléments essentiels de cet article sont tirés de mon livre, La République, l’islam et le monde (Hachette) ; on y trouvera les références précises des citations. Je voudrais rappeler comment ces soi-disant cas ont été choisis pour manipuler l’opinion et imposer la nécessité d’une loi sur l’école.

Avant de commencer, répétons un fait régulièrement occulté quand on parle de laïcité et de neutralité. La commission Stasi avait préconisé l’interdiction de tous les signes religieux ET politiques dans les établissements scolaires. Pourquoi les signes politiques n’ont-ils pas été bannis ? La neutralité de l’école se limite-t-elle aux religions ?

Il faut s’interroger sur les raisons qui ont fait que nombre de membres de la commission Stasi hostiles au départ à une loi s’y sont finalement ralliés. Passons sur les pressions « amicales » que subirent le dernier jour les membres hésitants de la commission – on accepta un ou deux amendements sans grande conséquence pour obtenir leur accord sur la loi. Jean Baubérot raconte comment « il apparaissait bien difficile de s’opposer sans avoir l’air d’un horrible mec tolérant une situation inacceptable de soumission des femmes ». L’hypocrisie de cet appel à l’égalité des sexes apparaît avec éclat dans les conclusions mêmes de la commission : si ce principe fondamental de la République est violé par le port du foulard, pourquoi ne pas étendre son interdiction à l’enseignement privé sous contrat avec l’Etat ? La soudaine sollicitude des politiques à l’égard des femmes ne concerne jamais que les femmes musulmanes. La loi sur le foulard sera votée par un parlement composé à près de 90 % d’hommes, dans une République où le fossé entre les salaires des hommes et des femmes demeure, et où le sexisme dans la publicité s’affiche tous les jours.

Plus décisif pour comprendre le retournement de certains membres de la commission, le témoignage du sociologue Alain Touraine, de longue date hostile à toute mesure coercitive contre le foulard et qui s’est rallié à la (presque) unanimité de la commission Stasi. Il s’en explique ainsi : « Et moi, qui ai constamment dans le passé défendu les jeunes femmes voilées, je veux faire comprendre pourquoi, en signant le rapport de la commission Stasi, j’ai gardé les mêmes idées. […] Mais, pour prendre position dans une situation concrète, il faut ajouter que nous sommes confrontés à la montée d’un islamisme radical qui attaque ce que j’ai défini comme le noyau de la modernité et qui me semble tout à fait éloigné des projets de beaucoup de femmes voilées. » Et il ajoute : « Je fais l’hypothèse que la loi peut arrêter les mouvements islamistes qui veulent porter atteinte à l’organisation scolaire et hospitalière, mais qu’elle conduira à plus de souplesse, et non à plus de répression, face aux signes personnels d’une foi ou même d’une appartenance . »

Le conseiller d’Etat et rapporteur général de la commission Rémy Schwartz expliquait ainsi le revirement de certains de ses collègues : « Des membres de la commission, intellectuels ou universitaires, vivant professionnellement dans un certain monde, ont découvert aussi le choc des banlieues. » Lui, en revanche, connaissait parfaitement la situation dans ces quartiers. Sans doute y vivait-il…

Ce que Schwartz a oublié de dire c’est que son choix (tout à fait orienté) des témoins a donné une certaine orientation aux travaux. Certes, une partie des personnes auditionnées était « incontournable » : représentants de partis politiques, de syndicats, d’associations, d’Eglises. Une proportion non négligeable d’entre elles s’est prononcée contre une loi, même si certains, de l’UMP au Parti socialiste, ont ensuite, sans vergogne, tourné casaque. Mais leurs dépositions, souvent convenues, n’ont pas ébranlé les convictions des uns et des autres. En revanche, les « acteurs de terrain » — chefs d’établissement, personnels hospitaliers et pénitenciers, etc. — ont ému les membres de la commission et, à travers le relais des médias, l’opinion. Eux au moins ne vivent pas derrière leur bureau, ils connaissent le terrain, la « vérité vraie ». Mais comment ces « témoins » non institutionnels ont-ils été sélectionnés ?

Il est difficile de le dire tant le choix apparaît opaque, même à de nombreux membres de la commission. Jean Baubérot a demandé à plusieurs reprises que l’on auditionnât d’autres enseignants, on lui a répondu « plus tard », jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Alain Touraine a expliqué comment, malgré son insistance, l’équipe permanente, autour de Rémy Schwartz, n’a jamais pris les moyens de chercher des interlocutrices musulmanes. Sans même parler du refus — levé le dernier jour, alors que les jeux étaient déjà faits — d’entendre des femmes qui portaient le foulard, alors que la commission avait auditionné sans état d’âme le Front national.

Sans épouser l’idée d’un « complot », une constatation s’impose concernant les audiences publiques du personnel enseignant — en dehors des dirigeants syndicaux — censées témoigner de la situation « vraie ». Les représentants de quatre établissements ont été auditionnés : Louise Arvaud, principale du collège Beaumarchais (Paris XIe) ; des professeurs du lycée La Martinière Duchère (Lyon) ; Thérèse Duplaix, proviseure du lycée Turgot (Paris IIIe) et son adjointe ; et, sous le couvert du Comité ornais de défense de la laïcité, deux enseignants du collège Jean-Monnet de Flers.

Le 9 septembre, Mme Louise Arvaud a l’honneur d’ouvrir le feu. Elle dresse un tableau apocalyptique de son établissement en butte à l’antisémitisme des élèves musulmans, qui maltraitent les juifs. « Je ne voudrais pas vous paraître — comment dire ? — opposée à la religion musulmane, ce n’est pas du tout ça, mais c’est l’expérience qui me montre que c’est toujours par rapport à des parents et des enfants de confession musulmane que j’ai des problèmes. Quand je punis un enfant, pour quelque raison que ce soit, pour un méfait bénin ou plus grave, à l’intérieur de l’établissement, j’ai les parents d’origine musulmane — enfin, quand je dis les parents —, les pères qui débarquent dans mon bureau, avec les oncles, avec les grands frères, avec le petit frère, avec toute la fratrie… »

Elle est suivie le 12 septembre par Martine Rupé et Roland Clément. Ils racontent les événements du collège de Flers qui avaient défrayé la chronique en 1999 et abouti à l’exclusion de deux élèves de sixième. Leurs déclarations témoignent d’un profond désarroi du corps enseignant, confronté à des problèmes qu’il n’a pas les moyens de résoudre et qu’il analyse à travers une grille de lecture simpliste, celle d’un affrontement entre intégrisme et laïcité.

Le même jour, la commission reçoit des enseignants du lycée La Martinière Duchère, près de Lyon. Avec leurs collègues, ils avaient organisé une grève au printemps 2003 pour obtenir l’exclusion d’une jeune fille, la seule sur 2 500 élèves à porter un… bandana. Enfin, le 14 octobre, la directrice du lycée Turgot et son adjointe dénoncent la dégradation de la situation dans leur établissement, le recul de la laïcité, la montée des incidents communautaires : « Nous avons le sentiment d’être assiégés. Nos élèves se distinguent eux-mêmes par la religion. […] Nous faisons face à une manifestation agressive de la religion : “Il va falloir vous soumettre ; à terme c’est nous qui gagnerons.” » Sans doute la directrice craignait-elle qu’on lui imposât bientôt la religion musulmane et le foulard.

Tous ces témoignages allaient dans le même sens : non seulement ils étaient favorables à la loi, mais ils donnaient une image effrayante de la vie dans les collèges et les lycées. Etait-ce bien le reflet de la réalité ? Pour le vérifier, la commission aurait pu entendre d’autres témoins, issus des centaines d’établissements où le problème du foulard ne se pose pas ou est réglé, dans le calme, par la discussion. Mais il n’en a rien été.

Rémy Schwartz a écarté d’un revers de main l’argument d’une manipulation : « Nous avons nous-mêmes, en fonction de nos connaissances, cherché à entendre des chefs d’établissement, non pas de Louis-le-Grand ou d’Henri-IV, mais d’établissements où il y a eu des difficultés. » Il n’a pas répondu à la vraie question : pourquoi la commission n’a-t-elle entendu ni les voix dissidentes qui existaient dans les établissements auditionnés, ni celles qui s’élèvent dans des collèges et lycées à problèmes où les enseignants règlent, sur le terrain, les difficultés ? Ni consulté des sociologues qui travaillent depuis des années sur ces questions ?

Turgot est, si l’on peut dire, un cas d’école. Quelques mois après la promulgation de la loi, le 27 mars 2004, un documentaire sur cet établissement « Quand la religion fait la loi à l’école » est diffusé sur France 3. Le reportage a été parrainé par la directrice et reflète son point de vue, déjà exprimé devant la commission Stasi. Les réactions sont plus que vives : le 1er avril, deux cents élèves font grève et descendaient dans la rue, avec nombre de professeurs, pour dénoncer l’image donnée de leur lycée comme foyer de communautarisme et d’affrontements entre juifs et musulmans. Quatre enseignants ont fait circuler un texte intitulé « Quand la loi du marché s’impose à l’école », qui évoquait la « vision cauchemardesque » de l’établissement proposée par le documentaire. Leur appel se terminait ainsi : « Une explication publique est exigible de tous ceux qui ont participé à la construction médiatique de cette image falsifiée. Que les réalisateurs du film, que les journalistes des rubriques de télé qui lui ont fait écho, que les fonctionnaires de l’administration qui ont autorisé et alimenté le tournage aient le courage intellectuel de venir parler en direct avec ceux qui vivent au quotidien la vie réelle d’un lycée parisien. Ils entendront alors une parole plus collective, plus sensible, plus vraie, mais certainement moins “vendeuse”. »

Cette parole plus collective, la commission Stasi ne l’a pourtant pas entendue. Il ne s’agit pas ici de décider laquelle des deux analyses de la situation au sein du lycée Turgot s’approche le plus de la réalité, mais de s’interroger : pourquoi la commission n’en a-t-elle écouté qu’une ? Pourquoi avoir choisi la principale du collège Beaumarchais du XIe arrondissement et non les parents d’élèves de cet établissement, qui ne partagent pas une telle vision ? Ou encore, pourquoi ne pas avoir consulté des responsables du collège voisin, où l’on rencontre des problèmes similaires mais où la position du chef d’établissement diffère totalement de celle de Mme Arvaud ? Pourquoi n’avoir auditionné que les enseignants de La Martinière Duchère alors que, au moment de la crise dans ce lycée, des professeurs de toute la région lyonnaise réfléchissaient aux tensions qui touchaient leurs établissements et en offraient une vision beaucoup plus nuancée ?

Pour résumer, on dénombre ainsi quatre interventions de terrain sur l’enseignement pour une seule voix. On ne peut échapper à l’idée d’une mise en scène — voulue ou non, peu importe. La responsabilité de l’équipe permanente est totale : soit elle n’a pas mesuré à quel point les « témoignages » étaient unilatéraux et n’a pas essayé de proposer d’autres points de vue, et a alors fait preuve d’incompétence ; soit elle a simplement entériné ces choix parce qu’elle partageait entièrement la vision des témoins.

En réalité, un a priori des responsables de la commission, Schwartz comme Stasi, était clair : la France fait face à une menace islamique, à une offensive coordonnée qui vise « nos » valeurs, « nos » institutions, voire l’Occident tout entier. Prétendant entamer sa réflexion sans idées reçues, la commission a accepté comme allant de soi que la France soit l’objet d’une agression (terme utilisé par Jacques Chirac à Tunis en décembre 2003), notamment à l’école, qui s’inscrit plus largement au sein d’une « menace islamique » mondiale.

Cette vision a priori permet de donner sens à tous les témoignages recueillis par la commission : une femme musulmane demande à être examinée par une gynécologue, c’est une intégriste ; une jeune fille porte le foulard, elle est un « petit soldat » de Ben Laden ; le regroupement des prisonniers selon leur communauté — décidé par les administrations pénitentiaires — s’est développé depuis plusieurs décennies, c’est la preuve que l’intégrisme avance. Qu’importe le nombre d’incidents, ils « augmentent » sans que jamais aucun chiffre ne vienne corroborer ces affirmations — pourtant, durant le grand débat sur l’école lancé par Luc Ferry, 6 % seulement des 15 000 réunions ont abordé le problème du foulard, qui arrive en huitième position parmi les vingt-deux points proposés. Devinette : quels sont les sept autres problèmes qui ont mobilisé la communauté scolaire et que les médias et les responsables politiques n’ont alors pas évoqués ?

Une lecture totalement différente des mêmes témoignages pourrait être faite : les manifestations de communautarisme s’inscrivent dans une politique discriminatoire et, plus largement, de liquidation des acquis sociaux et des services publics, dont les musulmans ne sont absolument pas responsables. Pour prendre un exemple particulièrement sensible, les témoignages sur la situation des femmes musulmanes peuvent être analysés comme partie prenante de la violence faite aux femmes dans notre société, même si elle comporte des aspects particuliers. L’Enquête nationale sur les violences à l’égard des femmes en France (Enveff) va dans ce sens, mais il est peu probable que les membres de la commission aient pris le temps de la lire.

Les membres de la commission sont trop intelligents pour ne pas avoir mentionné les problèmes sociaux, parfois longuement, pour les reléguer ensuite. Emmanuel Terray, après avoir cité la commission — « Certaines situations sociales rendent peu crédibles les droits, et de ce fait disposent mal ceux qui en sont victimes à assumer leurs devoirs. Mais on ne saurait s’en prévaloir pour déclarer les exigences de la laïcité illégitimes et renoncer à les affirmer au prétexte qu’existe l’injustice sociale. » —, note : « Le tour est joué : l’injustice sociale, dont l’éradication était présentée tout à l’heure comme une condition nécessaire de la laïcité, est à présent métamorphosée en un simple prétexte, que l’on est en droit d’écarter sans autre forme de procès. On peut donc la déclarer hors jeu — et poursuivre son chemin. »

Et il citait cette phrase ubuesque du rapport : « La grandeur des principes ne saurait être en aucun cas démentie par la bassesse des pratiques. » Il concluait : « Comme la proposition réciproque n’est pas moins vraie — la grandeur des principes n’empêche en rien la bassesse des pratiques — on pourrait continuer de même de proclamer les principes et d’abandonner les pratiques à leur bassesse. »

(...)

Dans ce contexte, il n’était donc pas nécessaire d’auditionner des sociologues, qui auraient donné une vision complexe de la réalité des communautés musulmanes en France. Ils auraient mis en lumière les motivations très diverses des jeunes filles qui portent le foulard, et surtout le fait que nombre de filles d’origine musulmane qui ne le portent pas sont favorables au libre choix — comme beaucoup de jeunes lycéens et lycéennes. La commission a préféré prétendre que, pour celles qui ne portent pas le foulard, celui-ci « stigmatise “la jeune fille pubère ou la femme comme seule responsable du désir de l’homme”, vision qui contrevient fondamentalement au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. » Cette vision est d’ailleurs celle de M. Stasi lui-même, telle qu’il l’a exprimée dans un entretien à Ouest-France, en violation de la neutralité qu’il aurait dû observer jusqu’à la fin des travaux : « Même s’il y a plusieurs explications au voile, c’est objectivement un signe d’aliénation de la femme. »

Dans le rapport, il est stipulé que « l’avis du Conseil d’Etat [de 1989 sur les signes religieux] a le mérite d’avoir permis de faire face à une situation explosive ». « Explosive » ? Les rédacteurs ont perdu le sens de la mesure, alors même que le nombre de filles qui porte le foulard est limité et que, dans la grande majorité des cas, des solutions de compromis sont trouvées (l’argument selon lequel il y aurait quatre fois plus de cas que les 1 500 recensés, ne repose sur aucune étude ni donnée. Pourquoi pas cinq ou six fois plus ?).

L’hôpital, prochain terrain de lutte ?

La commission a aussi entériné une grave dérive supplémentaire, à savoir celle de l’extension du périmètre des problèmes de l’école à toute la société. « Si une décision, une loi ou des mesures devaient être prises aujourd’hui, il conviendrait de ne pas les cantonner aux seules écoles mais de les étendre au monde du travail. C’est un des points les plus importants que je voulais signaler aujourd’hui. » Ainsi s’exprimait le directeur central des renseignements généraux Yves Bertrand devant la commission Debré, le 9 juillet 2003. Une recommandation conforme à « la vision policière » de l’islam qui est celle des renseignements généraux et des services de police et que la commission Stasi va reprendre à son compte.

Jacques Chirac a d’ailleurs validé la proposition sur les hôpitaux : « A l’hôpital, rien ne saurait justifier qu’un patient refuse, par principe, de se faire soigner par un médecin de l’autre sexe. Il faudra qu’une loi vienne consacrer cette règle pour tous les malades qui s’adressent au service public. » Martin Winckler, médecin et écrivain, rappelait au contraire que le patient a le droit de récuser son soignant. Selon l’article 6 du code de la déontologie médicale : « Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit. » Et selon l’article 7 : « Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances. Il ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne examinée. »

Martin Winckler ajoutait : « On a beaucoup entendu des femmes françaises, blanches, non voilées, invoquer le droit de pouvoir consulter des gynécologues femmes afin de ne pas obligatoirement être examinées par des hommes. Cette revendication cesserait-t-elle d’être légitime pour les femmes voilées ? » « On ne voit donc pas pourquoi — à moins que la religion (musulmane essentiellement) soit un motif de perte des droits civiques... — une femme voilée, lorsqu’elle entre à l’hôpital, n’aurait pas le droit de récuser tel soignant pour en choisir un autre. Quel que soit son motif. Or, non seulement, c’est son droit le plus strict, mais ce droit est clairement inscrit dans la loi. Le Petit Dictionnaire des droits des malades (Seuil, 2003) de Claude Evin, précise à ce sujet : “le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de l’institution sanitaire”. »

Conclusion

Près de dix ans après la création de la commission Stasi, nous assistons à une nouvelle offensive qui vise à interdire aux femmes portant le foulard de travailler dans nombre de lieux où elles seraient en contact avec le public... Même le fait que la France ait été condamnée par la Commission des droits de l’homme de l’ONU en janvier 2013 à revoir, sous les six mois, la loi d’interdiction des signes religieux à l’école, ne semble pas décourager les législateurs. On risque d’assister dans les mois qui viennent à une extension des discriminations envers les populations qualifiées de « musulmanes ». Mais, ce sera, bien sûr, au nom de « la grandeur des principes qui ne sauraient en aucun cas être démentis par la bassesse des pratiques ».

Conférence débat

Eric Rouleau, mémoires vives d’un journaliste diplomate

Le jeudi 11 avril à l’Institut du monde arabe, dans la salle du Haut conseil, à 18 heures 30.

Journaliste, écrivain, et diplomate français, Eric Rouleau, né en 1926 le 1er juillet en Egypte, est l’un des témoins dynamiques de la scène diplomatique du Proche-Orient et du Maghreb. Il en interviewa les principaux acteurs : Hassan Al-Banna, Nasser, Yasser Arafat, Kadhafi. il est nommé ambassadeur de France en Tunisie de 1985 à 1986, poste qui lui permit de consolider les contacts franco-palestiniens. Il sera ensuite nommé, de 1988 à 1991, ambassadeur en Turquie. Éric Rouleau est membre du comité de parrainage du Tribunal Russel sur la Palestine. Outre ses papiers éclairants dans le journal Le Monde, il est l’une des grandes plumes du mensuel Le Monde diplomatique.

Son dernier livre, Dans les coulisses du Proche-Orient – Mémoires d’un journaliste diplomate, paru aux éditions Fayard, nous livre un vécu, un témoignage et les clefs de lecture d’une histoire rythmée d’espoir et de ruptures.

Avec :

Leila Shahid, de 1994 à novembre 2005 déléguée générale de l’Autorité palestinienne en France ; depuis, elle occupe ce poste auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg ;

Alain Gresh ;

Yves-Aubin de La Mussezière, diplomate français, expert des pays arabes ;

Denis Bauchard, ancien diplomate et spécialiste du Moyen-Orient. Il est également l’auteur de Le nouveau monde arabe : enjeux et instabilités paru en 2012 aux éditions André Versailles.

Séance animée par : Christophe Ayad, grand reporter au journal Le Monde.

Alain Gresh

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