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Urgence humanitaire en Syrie

par Alain Gresh, 17 septembre 2013

L’accord auquel sont parvenus les Etats-Unis et la Russie sur les armes chimiques en Syrie est incontestablement un pas en avant. Il permet d’éviter des bombardements sur ce pays, dont les premières victimes seraient des civils. Il est un pas vers l’élimination de la région des armements chimiques et de destruction massive. Encore faudrait-il que l’autre pays qui dispose de ces armements au Proche-Orient, à savoir Israël, signe la convention sur les armes chimiques et accepte la discussion sur son arsenal nucléaire.

Mais, au moment où les grandes puissances discutent d’un projet de résolution à l’ONU, il est plus que nécessaire de mettre au centre des préoccupations la formidable crise humanitaire que connaît ce pays. Plus de deux millions de réfugiés, des millions de personnes déplacées, la destruction de nombreuses infrastructures… Les mesures allant dans le sens de l’allègement des souffrances doivent également être défendues par la communauté internationale.

C’est le sens de l’appel de 55 médecins du monde entier (PDF), originaires de 25 pays, « Laissez-nous soigner en Syrie ». Dans une lettre ouverte publiée par The Lancet et reprise aujourd’hui par la presse internationale, ils mettent en garde : l’infrastructure sanitaire du pays « a atteint le point de rupture ». Ils demandent au gouvernement syrien et à l’opposition armée de lever les restrictions totales qui pèsent de manière injustifiée sur l’accès humanitaire dans le pays.

En voici le texte :

« Le conflit en Syrie a débouché sur l’une des pires crises humanitaires depuis la fin de la Guerre froide. Plus de 100 000 personnes ont été tuées, pour la plupart des civils, beaucoup d’autres ont été blessées, torturées. Des millions ont fui, des familles ont été divisées et des communautés entières déchirées. Ne laissons pas les discussions sur une intervention militaire occulter notre devoir de les aider.

En tant que médecins du monde entier, nous sommes horrifiés par l’ampleur de cette urgence. Le manque d’accès aux soins pour les civils et le ciblage délibéré des hôpitaux et du personnel médical nous consternent. Il ne s’agit pas de conséquences inévitables ou tolérables de la guerre. Ce sont des trahisons inadmissibles du principe de neutralité médicale. Il est de notre devoir professionnel, éthique et moral de dispenser des soins à quiconque en a besoin. C’est pourquoi, quand nous ne pouvons le faire nous-mêmes, nous nous devons d’exprimer notre soutien envers ceux qui risquent leur vie à notre place.

L’accès indispensable des civils aux services de santé est presque impossible : 37 % des hôpitaux ont été détruits, 20 % sont sérieusement endommagés. Les dispensaires de fortune deviennent des centres de traumatologie à part entière, peinant à faire face à l’afflux de blessés. Quelque 469 professionnels de santé sont emprisonnés. Avant la guerre, Alep comptait 5 000 médecins, il n’en resterait que 36.

L’augmentation exponentielle du nombre de malades est une conséquence directe du conflit, mais elle résulte aussi de la détérioration du système de santé public syrien, autrefois sophistiqué, et de l’absence de soins curatifs et préventifs appropriés. D’horribles blessures restent sans soins, des femmes accouchent sans aide médicale, adultes et enfants sont opérés sans anesthésie. Les victimes de violences sexuelles n’ont personne vers qui se tourner. La population syrienne est exposée aux épidémies d’hépatite, de rougeole, de typhoïde et de diarrhée aiguë. Dans certaines zones, les enfants nés depuis le début du conflit n’ont pas été vaccinés. Les patients atteints de maladies chroniques comme le cancer et le diabète ne peuvent recevoir leurs traitements vitaux de longue durée.

Confronté à d’énormes besoins et à des conditions dangereuses, le personnel médical syrien est pourtant celui qui dispense l’essentiel des soins aux civils. Les restrictions gouvernementales, conjuguées à la rigidité du système international d’aide humanitaire, aggravent la situation. En conséquence, de vastes régions de la Syrie sont complètement coupées de toute forme d’assistance médicale.

Les professionnels de santé sont tenus de soigner du mieux qu’ils le peuvent quiconque en a besoin. Toute personne blessée ou malade doit pouvoir accéder à un traitement médical. C’est pourquoi, en tant que médecins, nous demandons d’urgence que nos confrères en Syrie soient autorisés et aidés à sauver des vies et à soulager les souffrances sans crainte d’attaques ou de représailles.

Nous appelons le gouvernement syrien et toutes les parties au conflit à respecter la neutralité médicale et à ne pas attaquer les hôpitaux, les ambulances, les médicaments, le personnel médical et les patients ; le gouvernement syrien doit traduire en justice les auteurs de ces violations conformément aux normes internationales.

Les gouvernements alliés des parties au conflit doivent exiger que celles-ci cessent leurs attaques contre l’aide médicale et qu’elles permettent son acheminement jusqu’aux Syriens, par-delà les lignes de front et à travers les frontières syriennes.

L’ONU doit intensifier son soutien aux réseaux médicaux syriens, tant dans les zones gouvernementales que dans celles contrôlées par l’opposition, où, depuis le début du conflit, le personnel médical risque sa vie pour apporter des soins indispensables. »

Université populaire

« Islam, islamismes et Occident »
Place et perception de l’islam du Moyen-âge au XIXe siècle

Samedi 5 octobre 2013 (10h30-18h)

Programme :

  • Séance 1 (10h30-12h30)

Le musulman vu par les chrétiens européens au Moyen âge : partenaire économique, rival militaire, hérétique dangereux, avec John Tolan, professeur d’histoire à l’Université de Nantes et directeur du projet ERC « RELMIN : Le statut légal des minorités religieuses dans l’espace euro-méditerranéen (Ve-XVe siècles) ».

  • Séance 2 (14h-16h)

Le tournant des Lumières, avec Henry Laurens, professeur au collège de France et membre de l’iReMMO.

  • Séance 3 (16h15-18h)

L’Empire ottoman, l’Europe et l’islam : 1789-1918, avec Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’EHESS et auteur de Histoire de la Turquie de l’Empire à nos jours (Tallandier, 2013).

Contact et inscription : universite-populaire@iremmo.org

Participation : 20 euros pour la journée (12 euros pour les étudiants et les demandeurs d’emploi).

Lieu : iReMMO 5, rue Basse des Carmes, 75005 Paris (M° Maubert Mutualité)

Alain Gresh

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