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Débat autour des déclarations de Nasrallah

par Alain Gresh, 1er septembre 2006

Les déclarations du secrétaire général du Hezbollah du 27 août affirmant qu’il n’aurait pas ordonné la capture de soldats israéliens s’il avait su quelle serait l’ampleur de la réaction israélienne ont suscité un débat important dans la presse arabe. Ainsi, dès le 29 août, un texte du journal saoudien Al-Watan affirmait que ces déclarations prouvaient la justesse des positions saoudiennes sur la guerre du Liban (le royaume avait, dans les premiers jours, condamné l’action militaire du Hezbollah). Certains ont même affirmé que Nasrallah s’était excusé et avait reconnu sa défaite.Cette interprétation est contestée par le journaliste saoudien Daoud Al-Shiryan, dans le quotidien pan-arabe Al-Hayat du 30 août. « Les déclarations de sayyed Hassan Nasrallah voulaient recadrer le débat entre “le parti de la victoire” et “le parti de la défaite”. Il s’adressait avant tout au parti de la victoire qui sur-interprétait cette victoire. (...) Il s’adresse à ses partisans et leur dit : “il est vrai que nous avons gagné militairement, avons tenu le terrain face à la machine de guerre israélienne, que nos fusées ont atteint le nord d’Israël, que nous avons imposé un état de guerre aux citoyens israéliens qui pensaient pouvoir être à l’abri et que nous avons prouvé à Israël et à d’autres que les problèmes ne pouvaient pas être résolus toujours par la force. Mais le résultat de tout cela a été coûteux. Si nous avions su que la réaction à la capture de deux soldats serait aussi sauvage, nous aurions changé notre position”. » En résumé, poursuit Al-Shiryan, Nasrallah a expliqué que « la victoire avait été obtenue au détriment du peuple et de beaucoup de choses, mais que cela restait quand même une victoire ».

Cette interprétation est reprise par Joseph Samaha, le rédacteur en chef du nouveau quotidien libanais Al-Akhbar, dans la livraison du 31 août. Il dénonce notamment les politiciens libanais qui tentent d’utiliser les déclarations de Nasrallah pour tenter de justifier la sauvagerie de l’attaque israélienne et qui voudraient élaborer une stratégie de défense libanaise fondée, de fait, sur la collaboration avec Israël. Pour Samaha, le sens des propos de Nasrallah était que la capture des deux soldats était « une “erreur”, mais qu’elle nous a sauvé du péché de ne pas comprendre qu’Israël se préparait pour la guerre et attendait seulement le bon moment pour la lancer. Selon Nasrallah, l’alliance américano-israélienne est à l’offensive et souhaite décider du moment de la confrontation, en fonction de ses propores calculs. L’ “erreur” non voulue du Hezbollah a brouillé ces calculs. Et le mal fait a été bien moins grand que le mal que l’on préparait à faire. »

Qui est Nasrallah ? Comme annoncé hier, voici la traduction en français du texte que j’ai publié sur ce blog et qu’un internaute a très aimablement traduit (je reprécise qu’un des buts de ce blog est de faire connaître des documents et des prises de position et que si certains d’entre vous se sentent de les traduire, c’est parfait !). J’en profite pour remercier vivement JG qui passe ses journées à sillonner le cyber-espace et qui m’envoie une masse de documents dont je me sers sans scrupules.

Al-Jazira TV diffuse un documentaire sur la vie de Hassan Nasrallah du Hezbollah

Texte du reportage du 15 août de la télévision qatari par satellite Al-Jazira

Le Canal satellite de Télévision en arabe d’Al-Jazira à Doha - station indépendante de télévision financée par le gouvernement qatari, diffuse le 15 août à 21.10 GMT un programme documentaire intitulé "Hassan Nasrallah : Le principe de résistance ou les changements de politique ? " Le documentaire est produit par One World for Media Productions et présenté par Ahmad Fakhuri. Il passe en revue la formation et l’ascension de Hassan Nasrallah en citant Nasrallah en personne à l’aide d’extraits vidéo de ses anciennes interviews et de ses anciens discours, et les jugements portés par diverses personnalités sur Nasrallah et sa formation politique.

Les premières influences

Le documentaire commence par une description de l’environnement politique et social libanais qui a créé Nasrallah. Karim Pakradouni, chef du Parti phalangiste libanais, dit : "Hassan Nasrallah a émergé de l’environnement le plus pauvre du Liban." La mère de Nasrallah dit qu’elle ne l’a pas vu auprès d’elle pendant ces 15 dernières années. Le présentateur dit que Nasrallah a été fortement influencé par l’histoire de l’Imam Musa al-Sadr (Moussa Sader), le leader du chiisme au Liban dans les années 1970 qui a disparu pendant une visite officielle en Libye en 1978. Pakradouni indique que Musa al-Sadr "a libéré le génie du chiisme de la lampe magique". Nasrallah a grandi avec les concepts du Mouvement des Déshérités, fondé par Al-Sadr en 1975. Nasrallah : "J’ai été influencé par sa pensée [d’Al-Sadr] intellectuelle et politique." Voulant poursuivre des études de théologie chiite, Nasrallah s’est rendu à Al-Najaf en Irak à l’âge de 15 ans.

Fakhuri dit que son destin d’échapper à la mort et aux bombes s’est manifesté dès sa montée à bord de l’avion pour l’Irak, puisqu’il y avait deux personnes à bord transportant une bombe, mais qu’il a survécu. Il a fui l’Irak pour revenir au Liban un an et quelques mois seulement après son arrivée car une menace sérieuse pesait sur sa vie. Un clip vidéo montre Nasrallah déclarant : "J’ai été forcé de partir en raison de la pression du régime de Saddam Hussein à ce moment-là. Un grand nombre d’étudiants libanais ont été arrêtés et chassés à coups de pied du pays." Il poursuit en évoquant ses relations avec Abbas Al-Musawi (Abbas Moussaoui), les liens étroits qu’ils ont noués en Irak et l’amitié qu’ils ont continué d’entretenir au Liban. "Al-Musawi jouera finalement un rôle important dans la vie de Hassan Nasrallah et dans son ascension en politique et au sein du parti," déclare Fakhuri. Nasrallah dit qu’Al-Musawi admirait Al-Sadr, et qu’il croyait à ses idées et à sa ligne politique. Il était également proche de l’Imam Muhammad Baqir al-Sadr, ce qui veut dire que "c’était presque une seule école de pensée qui se rassemblait sur des idées, des vues, et des lignes de progrès variées", et c’est ce qui a cimenté les relations entre les trois hommes.

Nasrallah est rentré au Liban en 1979 et il a fondé une école religieuse à Ba’labakk (Baalbek) avec Abbas Al-Musawi, où il était à la fois étudiant et professeur. Il s’est impliqué activement dans le mouvement Amal dans la région de la Biqa’ (Bekaa) "où il a été nommé responsable politique pour la région de la Bekaa et membre du bureau politique du mouvement Amal en 1979, alors qu’il n’avait que 19 ans". Deux incidents ont influé sur le parcours de Nasrallah et la création du Hezbollah : le premier fut la disparition d’Al-Sadr, le fondateur d’Amal ; et la seconde fut le triomphe de la révolution islamique en Iran sous l’Imam Ajatollah Khomeyni. Pakradouni analyse les divisions qui se sont produites après la disparition d’Al-Sadr. Deux tendances ont émergé : la première devait créer le mouvement islamique Amal, et la seconde le Hezbollah. Le Hezbollah entretenait des relations avec l’Iran parce que ses chefs fondateurs avaient étudié à Qom, aussi l’Iran a-t-il consolidé ces relations. Pakradouni résume : "Ainsi la première conséquence de la disparition de l’Imam al-Sadr fut que c’est l’aile islamique - c’est à dire la révolution islamique - du mouvement Amal qui s’est séparée d’Amal. Une partie de cette aile a formé le Mouvement islamique Amal dont l’influence est demeurée limitée et contenue dans la région de la Bekaa ; et [l’autre partie a formé] le Hezbollah qui a reçu l’aide de l’Iran et est devenu de ce fait un grand parti." Fakhuri explique que l’événement principal qui a manifesté toutes ces divergences aux yeux du monde fut l’invasion israélienne du Liban, et les moyens de l’affronter.

La création du Hezbollah

En 1982, l’armée israélienne, sous le ministre de la défense Sharon, a envahi le Liban avec l’objectif d’éliminer la résistance palestinienne basée à Beyrouth-Ouest. On voit Nasrallah déclarer : "Après l’invasion israélienne du Liban, Al-Sayyid et de nombreux frères ont dit que l’heure de la résistance était venue." Le programme passe en revue les alliances politiques libanaises à ce moment-là, et note que l’avocat Nabih Birri (Nabih Berri), Chef de mouvement Amal, a rallié le Groupe national libanais de salut, ainsi que Walid Junblatt (Walid Joumblatt), chef du parti socialiste progressiste libanais, et Bashir Al-Jumayyil (Bashir Gemayel), commandant des forces libanaises, ce qui a irrité l’Iran. Pour l’Iran, c’était un groupe américain contraint de négocier avec Israël. "Des divergences en ont résulté au sein d’Amal, et certains de ses cadres et responsables se sont retirés du mouvement, parmi lesquels Shaykh Raghib Harb, Subhi al-Tufayli, Abbas al-Musawi, et Hassan Nasrallah, qui a alors créé le Hezbollah."

Nasrallah déclare : "Nous ne sommes pas partis de rien, parce que nous avions des activités culturelles, intellectuelles, et politiques, et d’importantes relations avec les bases populaires et militantes." En outre, le triomphe de la révolution islamique en Iran a eu une forte influence parce que "nous étions en interaction avec cet événement et cet important développement historique". La résistance islamique a estimé que l’occupation israélienne du Liban était "une cible qui méritait d’être attaquée. L’attaque qui a eu le plus grand retentissement fut l’opération qui a détruit le quartier général du commandement militaire israélien à Tyr". Le programme détaille l’opération : Une voiture Peugeot a pénétré dans le quartier général du commandement militaire israélien à Tyr et a transformé le bâtiment de huit étages en amas de décombres. Beaucoup d’Israéliens ont été tués et blessés et l’auteur de l’opération est resté inconnu. Le 11 mai 1985, Nasrallah a révélé dans un discours l’identité de l’auteur et assumé la responsabilité du Hezbollah dans l’incident.

Jusqu’à ce jour-là, Nasrallah était demeuré loin des projecteurs des médias ; il était seulement responsable du Hezbollah dans la Bekaa. En 1985, il a déménagé à Beyrouth et assumé de nombreuses responsabilités au sein du parti. "Mais l’importance de l’homme a commencé de croître quand en 1987 il a été nommé sécrétaire général exécutif du Hezbollah et membre du Conseil consultatif du parti, l’organe le plus élevé de la direction du parti." En 1986, le Hezbollah est entré en conflit ouvert pour contrôler la secte chiite. Il y avait divers conflits internes au parti, comme avec le Parti communiste, le Parti populaire syrien, et des affrontements avec le Chiisme d’Amal à Jabal Amil, Al-Nabatiyah, et Iqlim al-Tuffah qui conduisirent à la signature d’un accord à Damas, sous le patronage de la Syrie et de l’Iran, pour le partage des régions sous l’influence chiite entre le Hezbollah et Amal, dirigé par Birri, qui s’opposait fortement à l’établissement, encouragé par l’Iran, d’une république islamique au Liban.

Pakradouni explique les divergences entre les objectifs d’Amal et ceux du Hezbollah : Amal a voulu intégrer le chiisme dans la formule libanaise - c’est-à-dire qu’il était un mouvement correctif ; tandis que le Hezbollah était un mouvement doctrinal dont l’objectif était de faire passer le système libanais dans son ensemble d’une République libanaise à une République islamique. En 1989, Nasrallah a décidé de se rendre en Iran pour y étudier et il est entré à l’école religieuse de Qom, mais il a dû en revenir un an plus tard sur la décision du Conseil de la Choura (conseil consultatif) du Hezbollah et l’insistance de membres du Hezbollah. Nasrallah a exprimé son goût très vif pour les études et la vie universitaires : "J’espère un jour avoir l’occasion de retourner à la vie des cours et de l’université. Mais c’est seulement un souhait, pas plus." Le Hezbollah a élu son premier secrétaire général, Al-Tufayli de Subhi, qui a assumé la fonction pendant deux ans avant qu’Abbas Al-Musawi ne soit élu pour lui succéder. Nasrallah a été extrêmement affecté par l’assassinat de "son professeur, son inspiration, et son compagnon d’armes Abbas Al-Musawi". Al-Musawi a été assassiné par Israël alors qu’il dirigeait le Hezbollah depuis neuf mois.

En 1992, Nasrallah a été élu secrétaire général du Hezbollah. Il s’est alors employé à mettre un terme à tous les conflits internes au Chiisme. Pakradouni explique que Nasrallah a découvert l’islam et la révolution grâce à l’Iran, mais qu’ "il a découvert la politique, ses intérêts, la lutte pour ses intérêts et pour la cause du Moyen-orient, et la manière d’affronter Israël grâce à la Syrie".

Les fusées Katyusha et l’ "arme du martyre"

La fusée katyusha a été utilisée pour la première fois par le Hezbollah en 1992 et, depuis lors, elle a été une arme importante dans l’équation de la lutte, en même temps que le martyre qui est devenu l’une de ses armes de base. George Hawi, sécrétaire général du Parti communiste libanais, déclare : "L’arme du martyre est l’arme de la personne opprimée, l’arme du patriote qui n’a pas d’autre arme que son sacrifice pour la patrie." Une séquence d’un discours de Nasrallah le montre s’adressant à une foule à propos de l’ "arme du martyre, l’une des armes les plus puissantes de la nation". Il dit : "Les Etats-Unis d’Amérique et la technologie militaire dans le monde ont trouvé la parade à toutes les armes. Mais jusqu’à maintenant, quand l’arme du martyre s’attache à une personne, aucune arme ne peut rien contre elle." Le 14 septembre 1997, Nasrallah a reçu la nouvelle du "martyre" de son fils Hadi dans un violent affrontement militaire entre le Hezbollah et les forces israéliennes à Iqlim al-Tuffah. Nasrallah, commentant la mort de son fils, déclare qu’il s’agit d’une séparation provisoire jusqu’à ce qu’ils soient de nouveau réunis.

Le documentaire se poursuit en expliquant qu’en 1996 Israël exécutait son Opération Raisins de la Colère au Sud-Liban quand a eu lieu le premier "massacre de Qana", conduisant à la signature par le Hezbollah et Israël de l’Entente d’Avril qui stipulait que les secteurs résidentiels ne devraient pas être bombardés ou utilisés dans des opérations militaires. "Mais le Hezbollah a continué d’attaquer les positions militaires et l’armée israélienne a continué de recevoir des coups douloureux."

L’utilisation des médias - la cellule vidéo du Hezbollah

Ensuite, le documentaire montre l’intérêt de Nasrallah pour l’usage des médias en tant qu’arme. Israël a rapporté dans le magazine israélien de l’armée que le Hezbollah avait intégré "une cellule vidéo" à sa Division de Support des Opérations pour filmer les opérations militaires du Hezbollah. Nasrallah explique que le Hezbollah a effectué des opérations qui ont coûté des vies israéliennes, ce qu’Israël a officiellement nié par la suite. "Nous avons tendu un guet-apens médiatique à Israël. Le lendemain, nous avons diffusé à la télévision et distribué aux agences d’information le film qui montrait que des combattants de Hezbollah perçaient la position d’Al-Dabshah et plantaient le drapeau [du Hezbollah]."

Nasrallah, orateur éloquent, a noué une forte relation avec les médias et a réussi grâce à la télévision Al-Manar du Hezbollah ou à d’autres organes de médias à créer "un état de pression militaire ou psychologique sur Israël, aboutissant au retrait israélien du Sud-Liban en mai 2000." On voit de nouveau Nasrallah prononcer un discours ardent, le drapeau libanais déployé derrière lui : "Ce peuple, cette nation, ces sacrifices sont le camp qui, pour la toute première fois, a restauré l’intégrité d’un territoire arabe en utilisant la force et la résistance et a infligé la première défaite historique à cet ennemi sioniste agressif."

Les relations avec la Syrie et l’Iran

Passant aux relations de Nasrallah avec la Syrie et l’Iran, le documentaire note que bien qu’il ait souvent déclaré avec insistance que le Hezbollah n’était pas un agent de la Syrie et de l’Iran, Nasrallah a toujours reconnu les rôles de la Syrie et de l’Iran dans le succès triomphal du retrait d’Israël du Sud-Liban. Fakhuri ajoute que la question de l’identité des Fermes de Shab’a (Chebaa) au Sud-Liban continue d’être la matière d’un conflit pour déterminer si ces territoires sont syriens ou libanais. Edmond Rizq, un ancien député et ministre libanais, explique le conflit au sujet des Fermes de Chebaa. Il dit que la Syrie a reconnu que ces fermes étaient des territoires libanais, mais que le Liban et la Syrie ont dû conclure un accord formel selon les protocoles du droit international pour confirmer que les fermes étaient libanaises, et fixer la frontière de la région. Il se demande également pourquoi l’armée libanaise ne pourrait pas se déployer au Sud Liban, vu qu’une armée est censée se déployer le long des frontières et protéger son pays.

Le rôle du Hezbollah dans le gouvernement

Le documentaire dit que Nasrallah tenait toujours à mener des batailles politiques parallèlement à l’action militaire. En 1992, le Bloc de Fidélité à la Résistance est entré au Parlement libanais après avoir été élu lors des premières élections qui ont suivi la fin de la guerre civile au Liban. En 2005, le Hezbollah est entré pour la première fois au gouvernement libanais avec un certain nombre de ministres dans le gouvernement du premier ministre Al-Sanyurah. Ceci a provoqué beaucoup de discussions et de débats au sujet du rôle du Hezbollah dans le gouvernement avec ses alliés d’Amal. Le journaliste syrien Michel Kilu analyse le rôle du Hezbollah dans la politique libanaise actuelle. Il dit que le Hezbollah a joué beaucoup de rôles qui étaient acceptables, parce qu’ils étaient couverts par divers accords. Mais depuis l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafiq al-Hariri, ces rôles ont revêtu un aspect négatif et deviennent plus conflictuels au Liban qu’avec les ennemis du Liban et le monde arabe.

Le passage de la pensée politique à la pensée militaire

Nasrallah dit que le Hezbollah a toujours répété que l’usage des armes était une méthode visant à résister à l’occupation et devait être dirigée contre l’ennemi envahisseur et occupant. "On ne devrait pas diriger d’armes contre un adversaire politique. Il n’y a aucune justification pour diriger des armes contre un adversaire politique. Du moment que vous croyez avoir raison, que vous avez votre propre doctrine, pensée, ligne, programme, et crédibilité, pourquoi donc devriez-vous craindre votre adversaire politique au point de devoir le tuer ? " C’est à ce point qu’en est restée la question de la légitimité des armes du Hezbollah dans un pays qui a connu une guerre civile et où tous les autres partis ont jeté leurs armes et ont repris la lutte par l’activité politique. Edmond Rizq explique que le Hezbollah a libéré le Sud et qu’il devrait se joindre à l’activité politique du reste du pays, comme les forces libanaises, par exemple. Kilu indique qu’il note que Nasrallah avait pris récemment des positions non convaincantes, bien qu’il soit un homme intelligent ! Il semble glisser vers la pensée militaire au sein du parti et favoriser la puissance et les armes. "Si cette tendance se poursuit, elle nuira considérablement au leadership du Hezbollah, en particulier à l’importance de Hassan Nasrallah."

Hawi dit que les martyrs, les prisonniers, et le peuple opprimé sont ceux qui ont le "vrai charisme", ceux qui ont payé pour les victoires politiques. La "gloire d’Al-Sayyid Nasrallah, et ce que sa position a de positif, c’est qu’il est en harmonie avec cette atmosphère et qu’il tient à faire triompher la cause de la libération." On voit Nasrallah expliquer qu’à l’époque de la création du Hezbollah, l’objectif était le "martyre. Nous nous sommes toujours demandés pourquoi nous étions encore vivants. Comme mouvement, ce n’est pas notre objectif d’être des martyrs, mais de triompher. Mais dans le cadre de ce mouvement dont l’objectif est la victoire, le martyre continue d’être le souhait personnel du membre du parti". Le programme conclut en mettant en valeur la personnalité charismatique, la voix, l’éloquence, l’utilisation de la rhétorique, et la présence de Nasrallah. Le narrateur dit que plus grandes sont les menaces et les pressions, plus brillante est la facture de ses discours et de sa politique. C’est comme si d’avancer dans l’inconnu était devenu son passe-temps et comme si l’inconnu était le nouveau nom donné à la libération et à la résistance.

Source : Al-Jazira TV, Doha, en arabe, le 15 août 2006 à 21.10 GMT

Un article éclairant

Amira Hass est une des journalistes israéliennes les plus courageuses. Elle écrit dans le quotidien Haaretz. Elle y a publié, le 30 août, un article intitulé : « Can you really not see ? » (est-ce que vous ne voyez vraiment pas ?). Elle s’adresse dans ce texte, non à ceux qui pensent que la dépossession des Palestiniens est le résultat d’un décret de Dieu ou des ultra-nationalistes pour qui seuls priment les intérêts des Israéliens juifs. Elle s’adresse à tous les autres, historiens et mathématiciens, chercheurs et intellectuels, qui haïssent l’extrême droite israélienne et même le parti Kadima au pouvoir et qui ne disent rien contre le racisme en Israël : « Pouvez-vous être tous en faveur de lois de discriminations systématiques ? Des lois qui disent que les Arabes de Galilée ne seront pas compensés de la même manière pour les dommages de guerre que leurs voisins juifs ? » Et elle poursuit : « Se peut-il que vous ignoriez ce qui se passe à quinze minutes de vos universités et de vos bureaux ? Est-il possible que vous souteniez un système dans lequel des soldats hébreux, dans des checkpoints au cœur de la Cisjordanie, laissent des dizaines de milliers de personnes attendre pendant des heures sous un soleil brûlant ? » Et, dit-elle, vous ne pouvez pas ne pas savoir, toutes les informations sur ces faits sont disponibles : « Se peut-il que tous ceux qui sont indignés par chaque swatsika peinte sur une tombe juive en France ou pour tout titre antisémite d’un journal local en Espagne ne savent pas comment accéder à ces informations et ne sont pas horrifiés et outragés ? »

Une troisième génération d’islamistes ?

A la suite de l’enlèvement à Gaza de deux journalistes de la chaîne américaine FoxNews par un groupe jusque-là inconnu, le quotidien saoudien Al-Watan a publié le 31 août un article sur « la troisième génération » de militants islamistes qui émerge en Palestine et qui conteste désormais le Hamas et le Djihad islamique. L’auteur la caractérise ainsi : elle n’a pas de base de masse ; elle rejette tout compromis ; elle a un programme qui dépasse la Palestine ; elle ne se sent pas liée par les règles du jeu politique ; elle ne vise pas seulement les Israéliens ; ses revendications ne concernent pas seulement la Palestine ; elle peut bouleverser la carte politique palestinienne. Je pourrais reprendre ici la remarque d’un journaliste israélien à propos de son gouvernement et des élites israéliennes : « Ils n’ont pas voulu l’OLP, ils ont eu le Hamas ; ils ne veulent pas le Hamas, ils auront le Djihad isamique ; ils ne voudront pas du Djihad, ils auront Al-Qaida. »

Alain Gresh

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