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Incertitudes sur la levée du blocus de la Palestine

par Alain Gresh, 18 septembre 2006

Crimes de guerre, définition. Les discutants sur ce blog confondent souvent les niveaux. Il est important de rappeler qu’il existe une « définition » juridique des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du génocide, donnée par les statuts de la Cour pénale internationale de 1998. Comme je l’ai écrit, cela ne dispense pas d’une analyse politique des situations mais qui, jamais, ne peut « justifier » un crime.

Sarkozy. Voici des extraits du discours de politique étrangère, le premier du genre, prononcé par Nicolas Sarkozy, président de l’UMP, ministre de l’intérieur et futur candidat à l’élection présidentielle du printemps 2007. Le texte intégral est sur le site de l’Union pour la majorité présidentielle.

« Le régime iranien, par son soutien au Hezbollah, par les propos inacceptables de son président sur l’Holocauste et l’existence d’Israël s’est mis lui-même au ban des nations. La perspective d’un tel régime doté d’armes aussi destructrices que des missiles nucléaires est terrifiante. Elle ouvrirait la voie à une course aux armements meurtrière dans la région car d’autres pays pourraient souhaiter sauter le pas. Elle serait aussi une menace constante pour l’existence d’Israël. L’Histoire nous a montré les conséquences de la complaisance face à l’agression et au fondamentalisme. Nous devons faire preuve de la plus grande fermeté et d’unité pour régler cette question. La diplomatie doit être notre arme principale mais il faut laisser toutes les options ouvertes. » (...)

« Il est donc de notre devoir de tenter de mettre fin ensemble aux conflits qui mettent le feu aux poudres au Moyen Orient. Nous ne pouvons pas accepter de rester impuissants devant la montée des tensions et l’agressivité de certaines forces régionales. Or l’expérience des derniers mois montre que lorsque nous travaillons ensemble, Américains et Français, nous sommes efficaces. Ainsi en a-t-il été avec le vote de la résolution 1559 du conseil de sécurité de l’ONU sur le Liban, qu’ensemble, Américains et Français, nous avons inspirée. C’est cette unité et cette détermination qui nous ont permis de soutenir la réaction nationale des Libanais et de provoquer le départ des troupes syriennes. Aujourd’hui, je me réjouis du vote de la résolution 1701 et soutiens sans réserve la décision du président Chirac d’envoyer 2000 soldats au Liban pour servir au sein de la FINUL. On peut juger maladroite et disproportionnée l’intervention israélienne au Liban. La vérité est qu’il n’y a eu qu’un agresseur et c’est le Hezbollah. Israël avait le droit et le devoir de défendre ses citoyens. Le Hezbollah, quant à lui, a décidé de prendre en otage le peuple libanais dans une aventure insensée. »

Incertitudes sur la levée du blocus de la Palestine

Le Fatah et le Hamas ont accepté la formation d’un gouvernement d’union nationale. Les principes de base de l’accord entre les deux formations sont ceux du « document des prisonniers », un texte mis au point par les prisonniers politiques palestiniens de toutes les tendances politiques et comprenant les trois points suivants : acceptation de la création d’un Etat sur les territoires occupés en 1967 (et donc reconnaissance de facto d’Israël) ; arrêt de toute action violente en dehors de ces territoires ; l’OLP (dans laquelle le Hamas n’est pas représenté) serait la seule instance autorisée à négocier avec Israël.

Cet entente pourrai-t-il permettre la levée du blocus que connaît la Palestine depuis la victoire du Hamas aux élections de janvier 2006 ? C’est ce que semblait penser Philippe Douste-Blazy, le ministre français des affaires étrangères, qui a déclaré, lors d’une visite à Ramallah, selon une dépêche de l’AFP du 14 septembre : « La formation d’un gouvernement palestinien d’union nationale qui prendrait en compte les objectifs de la communauté internationale constituerait une évolution majeure (...) Si elle se confirme, elle doit entraîner un réexamen de la politique de la communauté internationale vis-à-vis du gouvernement palestinien en matière d’aide et de contacts, et être mise à profit pour donner une impulsion nouvelle, pour relancer le processus de paix. » La formulation était encore floue, mais, au moins, c’était une ouverture... Une réunion ministérielle du Quartette, qui réunit les Etats-Unis, l’Union Européenne, la Russie et l’Onu, doit se tenir le mercredi 20 à New York, en marge du sommet des Nations unies sur cette question de la levée du blocus.

Mais la position des Etats-Unis ne semble pas avoir évolué. Une dépêche de l’AFP du 14 septembre, rapporte les propos du porte-parole du département d’Etat, Sean McCormack, à propos du Quartette :

« Comme dans tout effort multilatéral, il y aura divers pays, divers groupes, qui vont arriver à la table des négociations avec des idées diverses. C’est normal. Ce qu’il faut, c’est trouver des points de convergence (...) et c’est ce que nous avons réussi à faire jusque là. A ce stade, nous ne voyons aucun changement qualitatif dans la situation du gouvernement palestinien, notamment sur la question de savoir s’il répond aux critères énoncés par le Quartette dans sa déclaration de Londres. »

Rappelons que le Quartette avait lié l’aide internationale aux Palestiniens à l’engagement du Hamas à respecter le principe de non violence, à ce qu’il reconnaisse Israël et qu’il accepte les accords passés.

Sous la pression américaine, Mahmoud Abbas vient de suspendre les négociations avec le Hamas et il doit rencontrer mercredi George W. Bush. Celui-ci estime que le document des prisonniers ne répond pas aux critères du Quartette.

Pendant que « la communauté internationale » palabre, la situation des Palestiniens ne cesse de se détériorer. C’est ce qu’indiquent plusieurs rapports des institutions internationales. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a publié le 12 septembre un rpport intitulé Une intensification de l’aide et une action urgente s’imposent pour éviter une effondrement de l’économie palestinienne. Le communiqué qui accompagne le rapport mesure les conséquences de la suppression de l’aide internationale.

« La cessation de la plus grande partie de l´aide internationale versée à l’Autorité palestinienne à la suite des élections palestiniennes de début 2006 fait qu’un recul économique plus fort est escompté pour l´année en cours que celui qui avait été enregistré en 2002. Les projections font prévoir un chômage, une pauvreté et des tensions sociales sans précédent. La CNUCED estime que le revenu national brut disponible (RNBD) réel par habitant ne dépassera pas 1 200 dollars environ par personne en 2007, un niveau sans précédent depuis une génération, si le niveau de l´aide est réduit de 30 % par an sur la période 2006-2008. Les pertes cumulées sur cette période sont estimées à 3,5 milliards de dollars en PIB potentiel et à 328 000 emplois potentiels perdus. Avec une réduction plus forte encore de l´aide annuelle ? de 50 % ?, la perte de PIB est estimée à 5,4 milliards de dollars sur la période, et les pertes d´emplois potentiels à 531 000. S´ajoute à cela l´affaiblissement des capacités de gestion et des capacités techniques du Gouvernement palestinien, dont le développement et le renforcement étaient l´une des priorités du soutien des donateurs depuis 1994. Ces capacités sont également essentielles au fonctionnement souverain de l´État palestinien envisagé. »

« D’après le rapport, même avec un scénario plus optimiste d´accroissement de l´aide, de plus grande mobilité et de reprise des transferts par Israël des recettes fiscales à l´Autorité palestinienne, il est peu probable que l’économie palestinienne parvienne à une croissance soutenue. Les projections du RNBD par habitant pour la période 2006-2008 donnent un niveau inférieur au niveau de 1999, avec des taux de chômage restant élevés. Ce qui est réellement nécessaire pour éviter une telle situation, d’après le rapport, c’est non seulement des niveaux soutenus d´aide internationale, mais aussi des mesures visant à fournir aux décideurs tout un éventail d´instruments leur permettant de remettre l´économie sur la voie d´un redressement et d´un développement durables. »

Cette analyse est corroborée par le dernier rapport de la Banque mondiale sur la Cisjordanie et Gaza, disponible seulement en anglais. Dans sa préface, A. David Craig met en garde : l’année 2006 risque d’être la pire dans l’histoire des Palestiniens si la situation n’évolue pas (si, notamment, les aides ne sont pas débloquées) : les revenus des habitants chuteraient de 40% et le taux de pauvreté atteindrait les 67%.

Alain Gresh

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