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Initiatives européenne et des Nations unies pour la paix au Proche-Orient

par Alain Gresh, 18 novembre 2006

Argentine, la piste iranienne. J’avais évoqué dansmon blog du 27 octobre, l’inculpation par le procureur argentin de l’ancien président iranien Hachemi Rafsandjani et plusieurs responsables de l’Iran et du Hezbollah soupçonnés d’avoir organisé l’attentat contre un centre communautaire juif à Buenos-Aires en 1994. Dans un article « Argentine Report Casts Doubt on Iran Role in ’94 Bomb »(un rapport argentin jette le doute sur le rôle de l’Iran dans l’attentat de 1994) publié par l’agence Inter Press Service du 15 novembre, Gareth Porter revient sur l’affaire. Selon l’auteur, le rapport même publié par le procureur sape le motif essentiel attribué à l’attentat : celui-ci aurait été provoqué par la décision argentine prise en 1992 de suspendre sa fourniture de matériel nucléaire à l’Iran. Or le rapport du procureur montre que Buenos-Aires n’a jamais arrêté totalement sa coopération nucléaire avec Téhéran et que l’Argentine continuait de livrer de l’uranium faiblement enrichi. De plus, des négociations sérieuses étaient en cours entre les deux pays pour reprendre une coopération plus importante. Dans ce contexte, poursuit Gareth Porter, l’Iran n’avait aucun intérêt à commettre un attentat en Argentine. L’auteur rappelle aussi que le mandat d’arrêt international est désormais utilisé par le président Bush pour pousser la Russie et la Chine à accepter le vote d’une résolution des Nations unies imposant des sanctions contre l’Iran.

Le comptage des morts (surtout américains) en Irak.« By whom the toll is counted » (Celui qui dresse le bilan), une enquête de Richard Fausset, dans le Los Angeles Times du 15 novembre. Le quotidien dresse un portrait de White qui, depuis trois ans et demi, tient bénévolement sur son blog la sinistre comptabilité des morts américains (et de ceux de la coalition) en Irak. Le ministère de la défense américain tient aussi un site, mais moins bien fait et qui est actualisé plus lentement (l’adresse donnée est celle du ministère de la défense, je n’ai pas trouvé le lien direct au nombre de victimes en Irak). C’est la raison pour laquelle le site de White est largement utilisé par les journalistes. « White a aussi essayé de dresser le bilan des civils irakiens tués à partir des informations de presse. Mais il sait que le comptage n’est pas très précis et ses chiffres remontent seulement à janvier 2005. Il a recensé 19 526 civils tués. »

Islam et terrorisme. Un point de vue intéressant de Margaret Beckett, Secrétaire au Foreign Office (ministre britannique des Affaires étrangères), « Contre le terrorisme islamiste, les musulmans sont le meilleur rempart », dans Le Figaro du 17 novembre.

« Le Foreign Office dispose désormais d’une équipe de porte-parole, unanimement respectés, parlant arabe et ourdou, qui travaillent avec les médias du monde arabe et musulman pour faciliter le dialogue et la compréhension mutuels. »

« Nous apportons également notre soutien aux délégations de musulmans britanniques qui se rendent dans des pays comme le Pakistan, l’Égypte et l’Indonésie. Les membres de ces délégations ne sont pas là pour faire l’apologie de la politique extérieure de la Grande-Bretagne, mais simplement pour donner à leurs coreligionnaires une vue exacte, non déformée, des avantages et des inconvénients qu’il y a à vivre en Grande-Bretagne, de nos jours. Ils leur disent, par exemple, qu’ils ont un rôle à jouer dans une démocratie vivante et ils ont de multiples occasions d’exprimer leurs vues sur la politique du gouvernement. »

« Les communautés musulmanes sont les meilleurs ambassadeurs potentiels de la Grande-Bretagne, ce qui ne diminue en rien leur capacité à parler au nom de leur propre foi. Elles constituent un des meilleurs moyens pour nous de combler le fossé que les terroristes essaient de creuser. Quand des musulmans s’expriment contre l’extrémisme, leurs propos ont beaucoup plus de poids et sont bien plus difficiles à réfuter que s’ils venaient d’un ministre britannique. »

Initiatives européenne et des Nations unies pour la paix au Proche-Orient.

Il est difficile d’échapper à l’impression de désespoir qui émane de Gaza et des exactions israéliennes quotidiennes. L’envoyé spécial du Figaro à Gaza a ainsi écrit un article, « Les armes expérimentales de Tsahal en accusation », dans le quotidien du 16 novembre. Selon le journaliste, « un rapport d’experts italiens, récemment rendu public, a révélé l’utilisation par Israël de ces armes expérimentales, ces derniers mois, dans la bande de Gaza. Selon ces experts, qui se fondent sur des témoignages de médecins à Gaza et des analyses en laboratoire, ces armes sont similaires aux DIME (Dense Inert Metal Explosive) utilisées par l’armée américaine, qui provoquent une explosion très puissante et meurtrière, mais dans un rayon très limité. L’équipe d’experts italiens avait déjà révélé, il y a plusieurs mois, que les forces américaines en Irak avaient utilisé des bombes au phosphore contre les insurgés de Faloudja » (...)

« Les médecins font état d’un nombre anormalement élevé d’amputations et de corps entièrement brûlés. Le docteur Jouma Saka, chirurgien à l’hôpital Chiffa, fait défiler sur son ordinateur les photographies insoutenables de corps d’hommes, mais aussi de femmes et d’enfants brûlés ou déchiquetés. "Nous n’avions jamais vu cela auparavant, affirme-t-il. Certaines victimes arrivent ici sans que nous comprenions de quoi elles souffrent. À la radio, on ne voit pas le moindre éclat métallique. Mais lorsqu’on ouvre les patients, on trouve de terribles dégâts. Une poudre se répand dans leur corps et calcine les organes et les tissus. On retrouve des fois, des reins ou des intestins entièrement carbonisés. Ce sont de nouveaux types d’armes au tungstène et au phosphore. Des armes expérimentales, interdites par la convention de Genève." »

C’est dans ce contexte, que Jacques Chirac et le premier ministre espagnol José Luis Zapatero, avec le soutien de Romano Prodi, le premier ministre italien, ont annoncé qu’ils préparaient le lancement d’une initiative européenne sur le Proche-Orient. Cécile Chambraud, l’envoyée spéciale du Monde (18 novembre) au sommet franco-espagnole de Gérone, en rend compte dans un article « MM. Chirac et Zapatero tentent de relancer le processus de paix au Proche-Orient »

« Telle que l’a exposée le président socialiste du gouvernement espagnol, cette initiative repose sur trois propositions : la cessation immédiate de tout type de violence entre Israéliens et Palestiniens, "terrorisme compris" ; la constitution d’un gouvernement d’union nationale en Palestine ; et l’échange de prisonniers, parmi lesquels le soldat israélien capturé avant l’été et "plusieurs dizaines de députés et de ministres palestiniens". »

« Ces trois étapes franchies, une rencontre entre le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, et le président palestinien, Mahmoud Abbas, ouvrirait la voie au déploiement d’une "mission d’observation" à Gaza, a ajouté le chef de l’exécutif espagnol, et, si l’opération prospérait, une conférence internationale pourrait être organisée "à moyen terme". »

« M. Zapatero a précisé que Javier Solana, le haut représentant de la politique européenne de sécurité, est informé de cette initiative. Il a souligné que les trois "puissances méditerranéennes" qui la soutiennent - la France, l’Espagne et l’Italie - ont aussi en commun de participer à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Il a fait valoir que, dans la région, "la situation est arrivée à un tel degré de détérioration qu’elle rend nécessaire une action urgente de la communauté internationale". »

L’Agence France-Presse précisait que Marc Otte, l’émissaire européen pour le Proche-Orient, qui a remplacé Miguel Angel Moratinos (devenu ministre des affaires étrangères espagnol), et qui, contrairement à son prédécesseur, brille depuis par son absence totale de la scène politique et diplomatique, a déclaré qu’« il faut être prudent sur une telle initiative, l’examiner et voir quelle sera sa légitimité dans un cadre européen ». Une manière étonnante de prendre ses distances à l’égard d’une initiative qui ne brille pourtant pas par une audace démesurée...

Le gouvernement israélien a, bien entendu, immédiatement rejeté, par la voix d’un haut responsable, cette « annonce précipitée ». « M. Zapatero parle d’une cessation des violences. La belle idée. C’est exactement comme dire que pour arrêter la guerre, il faut faire la paix. C’est du niveau du café du commerce" », a asséné ce responsable israélien sous le couvert de l’anonymat. L’Autorité palestinienne a en revanche réagi favorablement à l’idée d’une nouvelle conférence de paix sur la région. La radio annonçait ce 18 novembre au matin que le Djihad islamique, l’un des groupes palestiniens les plus radicaux, avait accepté l’idée de cessez-le-feu, à la condition que l’armée israélienne cesse ses incursions à Gaza et arrête les assassinats ciblés.

En plus de l’initiative de l’International Crisis Group pour la paix au Proche-Orient, dont j’ai déjà parlé dans un blog précédent, « Vers une solution globale du conflit du Proche-Orient », une autre initiative a été lancée, celle l’Alliance des civilisations, sous l’égide des Nations unies, comme le précise un communiqué de l’organisation : « Un Groupe de sages créé l’année dernière par le secrétaire général de l’ONU, a remis un rapport. Coprésidé par l’ancien directeur général de l’UNESCO, l’Espagnol Frederico Mayor, et le ministre et professeur de théologie turc, Mehmet Aydin, le Groupe de haut niveau a tenu sa première réunion de travail en novembre dernier à Majorque en Espagne. Parmi les 19 membres du groupe de haut niveau figurent l’ancien président iranien Seyed Mohamed Khatami, l’ancien ministre des Affaires étrangères français Hubert Védrine et le conseiller spécial du roi Mohammed VI du Maroc André Azoulay. Destinée à combattre les divisions entre les cultures, notamment islamiques et occidentales, qui menace de manière potentielle la paix dans le monde, l’Alliance des civilisations a été lancée par le Secrétaire général le 14 juillet 2005. Le Premier ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero et le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan sont à l’origine de cette initiative. »

Ce rapport est disponible en anglais sur le site de la BBC. Il est commenté par Hubert Védrine, ancien ministre des affaires, qui y a contribué, dans un entretien audio. Selon un article publié sur le site de la BBC, « Myth and reality feed West-Muslim gulf » (mythes et réalités creusent le fossé entre l’Occident et les musulmans), de Sarah Rainsford, le rapport « évoque un climat de peur mutuelle et de suspicion, qui est exacerbé par l’occupation et le terrorisme. Il affirme que la situation en Irak et en Afghanistan alimente le sentiment général de colère et d’hostilité chez les musulmans. Mais il souligne que le conflit israélo-palestinien est la cause principal du ressentiment ».

« "Aucun autre conflit n’a une telle charge symbolique et émotionnelle parmi des gens qui vivent très loin du champ de bataille", a déclaré Kofi Annan de la tribune. "Aussi longtemps que les Palestiniens vivront sous occupation et seront victimes quotidiennes de la frustration et de l’humiliation, aussi longtemps que des Israéliens sauteront dans des autobus ou dans des dancings, les passions continueront à être enflammées partout". » Les auteurs du rapport proposent la tenue d’une conférence internationale et surtout le retour aux Nations unies comme cadre pour régler le conflit israélo-arabe. Une demande légitime, mais dont on peut se demander qui contribuera à la faire accepter tant que les Etats-Unis et Israël continueront à s’y opposer...

On en a une nouvelle preuve avec la nouvelle résolution adoptée par les Nations unies. Selon l’AFP, « l’Assemblée générale de l’ONU a demandé vendredi 17 novembre, à une écrasante majorité, la fin de toutes les formes de violence entre Israël et les Palestiniens, dont les opérations militaires d’Israël à Gaza et les tirs de roquettes sur Israël. L’Assemblée a fait cette demande dans une résolution -non contraignante- adoptée par 156 voix contre 7, avec 6 abstentions. L’Union européenne a voté pour, les Etats-Unis, Israël, l’Australie, Nauru, Palau, la Micronésie et les îles Marshall ont voté contre, le Canada s’est abstenu. La résolution demande l’établissement d’une mission d’enquête sur la bavure de l’artillerie israélienne qui a tué 19 Palestiniens, surtout des femmes et des enfants, le 8 novembre à Beit Hanoun, dans le nord de Gaza ». Qui peut croire que le gouvernement israélien acceptera une telle commission ?

Alain Gresh

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