La France et l’Afghanistan. Dans le Washington Post du 2 janvier 2007, l’ambassadeur de France aux Etats-Unis répond à une tribune d’Anne Applebaum, qui avait été publiée le 19 décembre sous le titre « ’Old Europe’ Can Gloat, but Then What ? » (La vieille Europe peut jubiler, mais alors ?), à la suite de la décision française de retirer ses troupes spéciales opérant en Afghanistan. L’ambassadeur écrit : « A la suite du récent sommet de l’OTAN en Lettonie, mon pays renforce son déploiement dans la zone de Kaboul, qui est sous commandement français, en envoyant des hélicoptères de manoeuvre et deux sections d’infanterie, tout en maintenant son appui aérien. Le président Jacques Chirac a annoncé que, si nécessaire et au cas par cas, les troupes françaises pourraient être déployées en dehors de la zone de Kaboul, de la même manière que les troupes britanniques. Dans le même temps, l’engagement français dans l’entraînement des forces armées afghanes a été renforcé. »
« La décision de retirer 200 hommes des forces spéciales fait partie de la décision de réduire l’opération Enduring Freedom. Dans ce cadre, 10 000 soldats des troupes américaines ont été transférées à la force ISAF de l’OTAN. La France participe à l’entraînement des troupes spéciales afghanes et a proposé de contribuer à la création d’une force afghane de police militaire. »
« La France est l’un des premiers contributeurs militaires en Afghanistan et son nouveau déploiement militaire s’inscrit dans une stratégie d’aide au développement de cette nation. »
Islamismes sunnites et Hezbollah. Dans la livraison de janvier du Monde diplomatique, un article de Bernard Rougier, maître de conférences à l’université d’Auvergne, intitulé « Islamismes sunnites et Hezbollah ». Alors que l’opposition libanaise se prépare à une escalade de la désobéissance contre le gouvernement Siniora, l’auteur examine les réactions diverses de la mouvance islamiste sunnite dans le monde arabe face au Hezbollah chiite. Cet article est tiré d’un livre qui sera en librairie le 25 janvier : Liban, une guerre de trente-trois jours, sous la direction de Franck Mermier et d’Elisabeth Picard, La Découverte, 208 pages, 13 euros.
Une proposition israélienne oubliée sur les réfugiés palestiniens
Un des problèmes les plus complexes de l’affrontement israélo-palestinien concerne le sort des millions de réfugiés palestiniens. Même si le document est un peu ancien, la carte « Des millions de réfugiés palestiniens au Proche-Orient », publiée par Le Monde diplomatique donne la mesure de l’ampleur du problème.
Dans un « Rebonds » publié le jeudi 4 janvier par Libération, « Palestine, réparer les préjudices », Jean Marguin, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, écrit :
« La résolution 194 de l’ONU (11 décembre 1948) reconnaît aux réfugiés palestiniens le droit au retour sur leurs terres et le droit à indemnisation pour les biens qu’ils ont perdus. Israël, bien qu’ayant implicitement accepté les termes de cette résolution par le fait même de son admission à l’ONU, ne les a jamais reconnus de facto . Toutefois, cette absence de reconnaissance ne devrait pas constituer un point de blocage pour le règlement du problème. Le constat de l’existence des réfugiés est une preuve suffisante de la réalité de l’expropriation. Or un problème d’expropriation ne se règle pas par la violence mais par les voies du droit. Les étapes de la solution sont toujours les mêmes : constat de la réalité de l’expropriation, recherche des responsabilités, évaluation des préjudices matériels et moraux, juste réparation des préjudices, acceptée par les parties contractantes. »
« Les responsabilités ? On a tort de faire porter sur les Israéliens la totalité des responsabilités de l’expropriation des Palestiniens, car les faits générateurs remontent aux années 30 et surtout à l’extermination des Juifs par le régime nazi. Si les Juifs se sont installés sur des terres palestiniennes, c’est aussi et principalement par la volonté des puissances de l’époque, spécialement de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, et dans une moindre mesure, des Etats-Unis et de la Russie. Avec le jugement critique que nous portons désormais sur notre ère coloniale, cette reconnaissance de responsabilité devrait être implicitement acquise. Il serait sans doute préférable, pour l’issue du conflit, qu’elle soit officielle. »
« Pour ce qui est des préjudices matériels, l’UNCCP (United Nations Conciliation Commission for Palestine), commission créée par l’ONU pour appliquer les termes de la résolution 194, a procédé à une évaluation globale de la valeur des terres palestiniennes expropriées mais n’a pas été en mesure, pour des raisons politiques, de prendre en compte la valeur des propriétés individuelles (habitations, troupeaux, entreprises, équipements, etc.). Cette évaluation, très incomplète, conduit à près de 300 millions de dollars de 1951, soit environ 12 milliards de dollars actuels. Des évaluations palestiniennes plus récentes et plus complètes conduisent à plus de 250 milliards, ce qui est probablement plus proche de la réalité. »
L’auteur conclut en disant que la réparation matérielle doit s’accompagner d’une réparation morale avec la reconnaissance d’un Etat palestinien indépendant.
Le problème des réfugiés palestiniens, de leur « droit au retour », a été soulevé lors du sommet de Camp David entre Yasser Arafat, Ehoud Barak et William Clinton, en juillet 2000. Il a été au centre des négociations de Taba de janvier 2001, négociations qui se tenaient quelques jours avant les élections israéliennes qui allaient amener Ariel Sharon au pouvoir (sur ces négociations vous pouvez lire l’article Proche-Orient, la paix manquée, que j’ai écrit dans Le Monde diplomatique de septembre 2001 et qui est disponible sur le cédérom). Lors de ces débats, la délégation israélienne formula, pour la première fois, des propositions jugées importantes par les Palestiniens car elles reconnaissaient une responsabilité de l’Etat d’Israël dans la création du problème des réfugiés. Le Monde diplomatique fut le premier journal à publier ces propositions en septembre 2001.
La proposition israélienne sur les réfugiés palestiniens Taba, le 23 janvier 2001
« Non papier » (Pour ceux qui ne le savent pas, le "non papier" est une formulation diplomatique pour parler d’un document non officiel. AG)
*Réponse privée au texte sur les réfugiés palestiniens [texte remis par la délégation palestinienne] du 22 janvier 2001.*
*L’importance accordée à la résolution du problème des réfugiés.*
1. Le problème des réfugiés palestiniens est central dans les relations israélo-palestiniennes. Sa solution globale et juste est essentielle pour créer une paix durable et moralement irréprochable.
*Le récit.*
2. L’Etat d’Israël exprime solennellement sa tristesse pour la tragédie des réfugiés palestiniens, leurs souffrances et leurs pertes, et sera un partenaire actif pour terminer ce terrible chapitre qui a commencé il y a 53 ans, contribuant pour sa part à la réalisation d’une solution juste et globale du problème des réfugiés palestiniens.
3. Pour toutes les parties directement ou indirectement responsables de la création du statut de réfugié palestinien, ainsi que pour tous ceux pour qui une paix juste et durable dans la région est un impératif, il incombe de prendre sur eux la responsabilité de contribuer à la résolution du problème des réfugiés palestiniens de 1948.
4. Malgré son acceptation de la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies de novembre 1947, l’Etat d’Israël naissant a été entraîné dans la guerre et l’effusion de sang de 1948-1949, qui ont fait des victimes et provoqué des souffrance des deux cotés, y compris le déplacement et l’expropriation de la population civile palestinienne qui est devenue réfugiée. Depuis lors, ces réfugiés ont vécu des décennies sans dignité ni citoyenneté ni propriété.
5. En conséquence, la solution au problème des réfugiés doit exprimer les besoins et les aspirations de ces réfugiés, en tenant compte des réalités depuis la guerre de 1948-1949. Ainsi, le désir de retour devra être mis en œuvre d’une manière compatible avec l’existence de l’Etat d’Israël patrie du peuple Juif, et la création de l’Etat de Palestine, patrie du peuple palestinien. Les fondements.
6. Un règlement juste du problème des réfugiés palestinien, en accord avec la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies doit conduire à l’application de la résolution 194 de l’Assemblé générale des Nations unies (Position palestinienne).
*Le retour, le rapatriement et la réinstallation.*
7. Depuis 1948, les aspirations des Palestiniens se sont exprimées dans le double principe du « Droit au retour » et de la création d’un Etat palestinien indépendant, tirant leur base du droit international. La réalisation des aspirations du peuple palestinien, comme il est reconnu dans cet accord, inclut l’exercice de leur droit à l’autodétermination et une solution juste et globale pour les réfugiés palestiniens, fondée sur la résolution 194 de l’Assemblé générale des Nations unies qui assure leur retour et garantit le bien-être et la sécurité des réfugiés, répondant au problème des réfugiés dans toutes ses dimensions.
8. En ce qui concerne le retour, le rapatriement et la réinstallation, chaque réfugié devra s’inscrire dans l’un des programmes suivants, remplissant ainsi la clause de la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies :
a. Vers Israël - dans la limite convenue de XX [le document ne comporte aucun nombre.- NDLR] réfugiés, la priorité étant accordée aux réfugiés palestiniens qui vivent actuellement au Liban. L’Etat d’Israël reconnaît son engagement moral pour la résolution rapide du problème de la population réfugiée des camps de Sabra et de Shatila.
b. Vers le territoire israélien échangé. Dans ce cas, les infrastructures devront être préparées pour accueillir des réfugiés dans les zones souveraines de l’Etat d’Israël qui devront passer sous souveraineté palestinienne dans le cadre d’un programme de développement d’ensemble.
c. Vers l’Etat de Palestine : les réfugiés palestiniens peuvent exercer leur retour sans aucune restriction vers l’Etat de Palestine, patrie du peuple palestinien, en accord avec ses lois et sa législation nationales.
d. La réhabilitation dans les pays hôtes actuels. Dans ce cas, la réhabilitation doit être immédiate et totale.
e. La réinstallation dans un pays tiers : la réinstallation volontaire dans un pays tiers qui exprime sa volonté et sa capacité à absorber les réfugiés palestiniens. Définition d’un réfugié.
9. Voir article 6 du texte palestinien comme une Position palestinienne.
*Réparations et réhabilitation.*
10. Chaque réfugié pourra s’adresser, pour les programmes de réparation et d’assistance, à la réhabilitation dans les conditions indiqués dans les articles XX. Dans ce but, une commission internationale et un fonds international seront créés (Articles ci-dessous) qui auront la pleine et entière responsabilité pour l’application de la résolution du problème des réfugiés dans tous ses aspects, y compris la collecte et la vérification des réclamations, et de l’attribution et de la dépense des ressources. Les programmes respecteront les principes suivants :
a. Ces programmes devront accorder des réparations financières et en nature pour le déplacement (souffrance morale - basée sur la position palestinienne) et les pertes matérielles, et permettre une croissance économique des communautés. Le double objectif d’une justice historique pour chacun et d’un développement économique commun devra guider l’élaboration de ces programmes.
b. Les programmes de réparation devront être conçus selon un double critère, individuel d’une part et selon la nature des réclamations, les demandes individuelles étant traitées selon une procédure rapide (comme détaillé dans l’article XX ci-dessous), et devront être gérés selon un registre complet et définitif des réclamations de biens pour être compilés par une émanation spéciale de la commission et du fonds internationaux.
c. Les programmes de réhabilitation et de réparation feront partie intégrante des efforts nécessaires pour promouvoir le développement économique et la cohésion sociale à la fois des individus concernés, et des communautés et sociétés dans lesquelles ils vivent ou se réinstallent, permettant ainsi différentes modalités pour l’assistance (à détailler).
d. Les réparations pour les pays hôtes seront en accord avec l’article XX ci-dessous.
e. La communauté internationale et l’Etat d’Israël seront les principaux donateurs du fonds international jusqu’à un plafond convenu pour chacun. Les biens immobiliers israéliens qui resteront dans l’Etat de Palestine après le retrait israélien seront transférés pour devenir les biens du Fonds international remplaçant ainsi un montant de XX $, constituant une part intégrale de la totalité de la contribution de XX$.
*Les pays hôtes.*
11. Les pays ayant accueilli les réfugiés recevront une réparation pour les coûts significatifs qu’ils ont supporté en accueillant les réfugiés. Les coûts et investissements futurs de réhabilitation seront évalués selon les détails de cet accord, à travers des arrangements bilatéraux entre les pays hôtes et la Commission internationale.
*La Commission internationale.*
12. La Commission internationale sera constituée de l’Etat de Palestine, des pays hôtes, d’Israël et des membres de la communauté internationale, y compris des Nations unies, de la Banque mondiale, de l’Union européenne et du G-8, comme de toute autre institution appropriée. La Commission internationale aura la pleine et entière responsabilité concernant la résolution du problème des réfugiés dans tous ses aspects. Le mandat, la structure et le mode d’opération de la commission internationale seront détaillés dans cet accord.
*United Nation Reliefs and Works Agency for Palestinian Refugees in the Near East (UNRWA)*
13. La fin progressive de l’UNRWA devra se faire selon un calendrier précis pour être accepté par les deux parties et ne devra pas excéder cinq ans. L’étendue des services de l’UNRWA devrait évoluer de façon appropriée selon l’avancement de la réalisation de cet accord (la première phase inclura le transfert des services et des fonctions administratifs de l’UNWRA vers les gouvernements des pays-hôtes et les modalités pour le transfert des fonctions appropriées vers la Commission internationale de même que l’interruption du statut des camps de réfugiés palestiniens - Nouveau texte palestinien qui sera suggéré).
*La priorité des réfugiés libanais.*
14. La préférence dans tous les programmes ci-dessus doit être accordée aux réfugiés palestiniens du Liban.
*Les anciens réfugiés juifs*
15. Bien que le sujet des réparations aux anciens réfugiés juifs par les pays arabes ne fait pas partie de l’accord bilatéral israélo-palestinien, en reconnaissance de leurs souffrances et pertes, les parties s’engagent à coopérer dans la recherche d’une solution juste et équitable à ce problème.
*La fin des réclamations*
16. Les parties acceptent que les modalités ci-dessus constituent une réalisation complète et finale de l’article 11 de la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies du 11 décembre 1948 et considèrent que l’application convenue de ces programmes et les mesures détaillés ci-dessus constituent un règlement total et irrévocable du problème des réfugiés palestiniens dans toutes ses dimensions. Aucune autre réclamation ou exigence soulevée concernant ce sujet ne pourra être faite par les deux parties. Après l’application de ces articles, il n’y aura plus aucun individu ayant le statut de réfugié palestinien.