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Lettre de Silwan

La pierre de Fakhri Abou Diab

Silwan est un des villages arabes de Jérusalem-Est où la colonisation se développe le plus rapidement. De surcroît, 88 maisons du quartier de Boustan, au sud, sont menacées de destruction. M. Fakhri Abou Diab fait figure de leader de la résistance palestinienne locale. La cinquantaine, nationaliste et pacifiste convaincu, il a toujours privilégié la lutte politique. Or, nous apprend Meïr Margalit, secrétaire général du Comité israélien contre la démolition de maisons (ICAHD), ce non-violent a été arrêté lors des récentes émeutes de Jérusalem. Un événement symbolique.

par Meïr Margalit, 12 mars 2007

Si Fakhri Abou Diab a jeté une pierre, cela veut dire que la situation est devenue désespérée. Il est un de ceux qui ont mené la lutte, dans le quartier de Boustan à Silwan, contre la municipalité de Jérusalem qui prévoyait d’y démolir 88 maisons. Il a été arrêté pour avoir pris part aux manifestations qui ont eu lieu il y a quelques semaines autour de l’Esplanade des Mosquées (Mont du Temple), et accusé d’avoir jeté une pierre sur la police. Si Fakhri doit être arrêté, comme l’a dit le juge lors de l’audition pour le prolongement de sa garde à vue, c’est parce qu’il représente un « danger pour l’ordre public ». La vérité, c’est que le juge a raison.

Fakhri menace en effet l’ordre public israélien, mais pas pour les raisons avancées par la police. Fakhri est dangereux car il connaît le droit, et parce qu’il se bat pacifiquement. Il a toujours mené dans la légalité son combat pour la défense des droits élémentaires des résidents palestiniens de Jérusalem. S’il recourt avec modération à la presse internationale, il a incité de nombreuses organisations de paix israéliennes et internationales à travailler avec lui pour aller à la rencontre des diplomates aussi bien que du grand public, et ainsi mieux faire connaître le drame qui est en train de se jouer à Boustan et dans de nombreux autres villages voisins de Jérusalem.

Pour cette raison, et non pas parce qu’il a jeté des pierres, Fakhri est un danger. Paradoxalement, les Israéliens craignent plus des gens comme lui que les terroristes. Il s’exprime dans un langage que tout le monde comprend, et dénonce des injustices dont les Israéliens préfèrent ne pas entendre parler.

Si Fakhri a jeté une pierre, la menace n’est pas la pierre elle-même, mais le fait qu’une telle personnalité ait pu en jeter une. Israël a dépassé toutes les limites en s’attaquant à un site aussi important et sensible. Si quelqu’un comme Fakhri n’a pu se retenir de jeter une pierre, cela veut dire que la cité est au bord du gouffre. Fakhri est un responsable municipal, un messager de la co-existence et de la paix ; s’il a ressenti le besoin de jeter une pierre, il faut voir cet acte comme un symbole très inquiétant. La pierre n’a guère pu blesser la police, mais heurte violemment la société israélienne. Si Fakhri a jeté une pierre, c’est le signe que les dernières fondations sur lesquelles reposent les espoirs de la co-existence sont en train de s’effondrer. Il ne resterait alors qu’un vide abyssal dans lequel nous tomberions tous — Juifs et palestiniens — si nous ne répondions pas très vite au message de Fakhri.

Meïr Margalit

* Meïr Margalit est secrétaire général du Comité israélien contre la démolition de maisons (ICAHD) — www.icahd.org.

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