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Après le sommet arabe de Riyad, une dernière chance pour la paix ?

par Alain Gresh, 4 avril 2007

Un appel solennel lancé non seulement à l’Etat d’Israël mais aussi aux Israéliens de saisir l’occasion et de revenir à des négociations directes et sérieuses. Le sommet des pays arabes, qui s’est déroulé à Riyad les 28 et 29 mars, a adopté une déclaration pour l’établissement d’une paix globale au Proche-Orient et pour une normalisation entre Israël et l’ensemble des pays arabes, prévoyant : le retrait de l’armée israélienne de tous les territoires arabes occupés en 1967 ; la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale ; une solution juste et agréée (agreed-upon) du problème des réfugiés palestiniens, en accord avec la résolution 194 votée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1948 ; la sécurité pour tous les Etats de la région ; les tensions au Liban se sont aggravées depuis la guerre des 33 jours de l’été 2006 ; plusieurs dirigeants arabes ont appelé à une mobilisation contre « le péril chiite ». La montée en puissance de l’Iran a avivé ces craintes. Face à cette « menace », les Etats-Unis pensent qu’il est possible de tisser une alliance entre les pays arabes « modérés » (Arabie saoudite, Egypte et Jordanie notamment) et Israël. Mais comment y arriver sans créer un « horizon politique » pour les Palestiniens dont la cause reste centrale pour tout le monde arabe ?

Le voyage de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice dans la région, à la fin du mois de mars, devait tenter de résoudre cette quadrature du cercle. Son échec est, pour l’instant, patent. Il est vrai que le prestige des Etats-Unis est en chute libre, y compris auprès de ses alliés, et que Washington refuse la moindre pression sur le gouvernement israélien. M. Ehoud Olmert, le premier ministre le plus impopulaire qu’ait jamais connu Israël, a fermement refusé toute négociation avec M. Mahmoud Abbas sur le statut final (frontières, Jérusalem, réfugiés). Et Mme Rice s’est contentée de lancer un appel aux Arabes – qui, au même moment, rappelaient leur offre de paix –, les invitant à… s’ouvrir un peu plus à Israël. Un éditorialiste du journal Al-Rayah, de Qatar, remarque ironiquement : « Nous ne devrions pas être surpris si Rice demande que les Palestiniens évacuent Gaza pour que la paix s’étende dans la région. »

Cette paralysie et ce parti pris américains ont amené l’Arabie saoudite à tenter de définir une diplomatie un peu plus autonome à l’égard de l’« ami américain ». Ainsi, Riyad a parrainé l’accord de La Mecque entre le Hamas et le Fath, qui a débouché sur la formation d’un gouvernement d’union nationale palestinien. Le roi, lors de l’ouverture du sommet arabe, a dénoncé pour la première fois une « occupation étrangère illégale » en Irak. Il aussi ouvert un dialogue avec Téhéran et avec le Hezbollah. Enfin, il a voulu montrer sa mauvaise humeur au président Bush en annulant la visite qu’il devait effectuer à la Maison Blanche en avril.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la relance de l’initiative de paix arabe. M. Olmert s’est borné à répondre qu’il était prêt à s’asseoir à la même table que l’Arabie saoudite et les pays arabes modérés. « Israël veut la normalisation des relations avec les Arabes, et rien d’autre. Mais que donnera-t-il en échange ? », s’interroge M. Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe. « La normalisation contre la normalisation » a toujours été le slogan de la droite israélienne, qui refuse de rendre l’ensemble des territoires arabes occupés en 1967. Une nouvelle fois, M. Olmert a agité la menace du « droit au retour » des réfugiés palestiniens. Pourtant, la déclaration de Riyad ne fait pas allusion à ce droit et évoque seulement une solution « juste et agréée » du problème des réfugiés, ce qui, très clairement, évoque la nécessité d’un accord avec Israël.

Le Proche-Orient, une nouvelle fois, hésite entre guerre et paix. Un général israélien a annoncé que l’Iran, la Syrie et le Hezbollah se préparent à une guerre possible des Etats-Unis contre l’Iran à l’été ; le nouveau chef de l’armée israélienne a déclaré que le renforcement du Hamas à Gaza nécessitait « une solution de notre part » ; la tension au Liban reste vive. Si la main offerte par le monde arabe à Israël n’est pas saisie, le résultat ne fait malheureusement aucun doute : plus de guerres et plus de chaos dans une région déjà dévastée…

Alain Gresh

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