Nous continuons notre cheminement à travers l’exposition « Frontières » qui présente à quelques mètres de distance deux cartes qui à première vue abordent deux sujets différents. Mais lorsque le visiteur pose son regard alternativement sur l’une et sur l’autre, ce qu’il voit est en fait une violente collision. La collision entre un monde pauvre mais hospitalier, celui qui accueille l’essentiel de la population réfugiée de la planète, et celui réfractaire d’un monde riche mais égoïste qui se referme sur lui même, s’entoure d’un dispositif militarisé brutal pour freiner les flux migratoires. Les deux cartes « s’encastrent » l’une dans l’autre. Alors qu’un monde s’ouvre, l’autre rejette.
Les sanctuaires du monde
C’est étrange, cette peur paranoïaque de l’invasion, cette volonté de se « protéger » coûte que coûte des quelques millions d’êtres humains en détresse qui, chaque année, prennent le chemin de l’exil vers des contrées riches qu’ils imaginent être terre d’espérance.
Mais les riches ont décidé que cette humanité là était indésirable. Ils renforcent leurs frontières, dressent toujours plus de barrières et de murs infranchissables, appliquent une véritable « stratégie de guerre » (l’expression est d’Alain Morice), pour contenir cet envahisseur si menaçant.
Mais les riches considèrent que fermer leur territoire n’est pas suffisant pour juguler le flux des migrants. Ils complètent le dispositif par des lois criminalisant l’immigration, par des accords de coopération militaire avec les pays dit de « transit » ; ce sont les zones tampons de ces nouveaux sanctuaires du monde. D’autres grands pays s’y mettent aussi : le Brésil, la Chine ou la Russie ont créé une « sanctuarisation intérieure » en mettant en place une politique de limitation des migrations économiques des régions pauvres vers les zones de fortes croissance.
Réfugiés : Quand la frontière protège
Pourquoi choisir l’Afrique de l’Est pour illustrer un sujet aussi tragique ? Car nul part ailleurs au monde la circulation des personnes fuyant les guerres, la famine, ou l’insécurité n’est aussi intense. Les chiffres donnent le vertige.
De l’Angola au Soudan et à la Somalie, des millions de personnes se croisent sur les chemins de l’exil, traversent des frontières au-delà desquelles ils ont la vie sauve, mais perdent, parfois pour de longues années, leurs droits et leur citoyenneté. Et les autres ? Combien sont-ils en tout ? 20, 50 ou 80 millions ? Personne n’est capable de le dire aujourd’hui, les statistiques se contredisent. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s’occupe de 20 millions de personnes, mais ce chiffre n’inclut pas l’essentiel des populations déplacées - entre 20 et 30 millions de personnes selon les estimations – qui ne relèvent pas du mandat du HCR (elles n’apparaissent d’ailleurs pas dans les statistiques de l’institution).
Le Comité des Etats-Unis pour les réfugiés et les migrants (USCRI) ainsi que le Centre d’études pour les personnes déplacées du Conseil Norvégien pour les réfugiés (IDMC) publient annuellement des estimations imparfaites. Souvent hors de portée des organisations humanitaires, elles demeurent la plupart du temps sans assistance ni protection.
Les Palestiniens vivant dans les camps en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ont le statut de réfugiés et sont comptabilisés comme tel par l’UNRWA. Que dire, enfin, des réfugiés « écologiques » ? Ils fuient la désertification, la déforestation, les accidents industriels ou les catastrophes naturelles et seraient, selon les Nations unies, entre 25 et 30 millions. On en parle beaucoup plus depuis quelques années avec l’émergence du débat public sur les conséquences humaines et environnementales liées aux changements climatiques, mais ces réfugiés « oubliés » des statistiques existent en nombre important depuis plusieurs dizaines d’années.
Lire aussi :
Exposition « Frontières »
http://www.museum-lyon.org/expo_tem...
International organization for migration
http://www.iom.int
Migration information source
http://www.migrationinformation.org
Dossier de la BBC : Migrant world
http://news.bbc.co.uk/2/hi/talking_...
Migration forcée
http://www.migrationforcee.org
Le Monde diplomatique
Des millions de réfugiés, un fardeau pour le Sud, par Philippe Rekacewicz.
Vingt, trente millions ou plus ?, février 2006.
Migrations économiques dans les années 1990, février 2006.
Vers la sanctuarisation des pays riches, octobre 2006.