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Une longue guerre contre le terrorisme ?

par Alain Gresh, 29 avril 2007

Le New York Times du 24 avril 2007 publie un article de Michael R. Gordon, « U.S. Command Shortens Life of ‘Long War’ as a Reference ». « Quand l’administration Bush a cherché à expliquer sa stratégie de lutte contre le terrorisme, elle a souvent affirmé que les Etats-Unis étaient impliqués dans une "guerre de longue durée" (“long war”) contre les extrémistes islamistes. Ce terme a été utiisé par le général John P. Abizaid, alors qu’il était à la tête du Central Command. Il indiquait que le pays était impliqué dans une lutte de longue haleine qui allait bien au-delà de la guerre en Irak et qui était autant politique que militaire. C’était une épreuve de force contre l’"islamofascisme", comme le président Bush l’avait définie. Ce serait aussi un défi historique qui durerait des générations, comme les batailles contre le communisme. » Il fallait donc tous s’unir contre « le fascisme islamique ».

Désormais, il semble, selon Michael R. Gordon, que ce concept de « guerre longue » soit en question. « Depuis qu’il a pris la tête du Central Command, l’amiral William Fallon a pris ses distances avec ce concept. Des militaires affirment que des conseillers culturels sont inquiets : ce concept de guerre longue aliène le soutien des opinions au Proche-Orient en suggérant que les Etats-Unis maintiendraient pour un temps indéfini des troupes dans la région. » Mais, précise le journaliste, il n’est pas sûr que la Maison Blanche et le Pentagone aient abandonné le concept. En janvier encore, le secrétaire à la défense Robert Gates utilisait le terme de « guerre longue ».

Selon le magazine américain Harper’s du mois de mai (qui n’est pas encore disponible en ligne) et qui publie tous les mois une page de statistiques souvent originales, le pourcentage d’Indonésiens et de Pakistanais qui affirment que les attaques contre les civils sont parfois justifiés pour défendre l’islam est de 8%, alors que le pourcentage d’Américains qui disent que des attaques contre des civils sont parfois justifiées est de 24%.

Selon un rapport d’Europol sur le terrorisme, intitulé EU Terrorism situation and trend report 2007, les pays de l’Union européenne ont subi, en 2006, 498 attaques terroristes : 424 provenant de groupes séparatistes, 55 de groupes d’extrême gauche, 1 d’un groupe d’extrême droite, 1 d’un groupe islamiste et 17 non identifié. 706 suspects (dont 188 en France) ont été arrêtés, dont 257 islamistes et 226 séparatistes.

Un autre rapport, du département d’Etat celui-ci, offre une autre image. Il devrait être publié la semaine prochaine et indique une augmentation de près de 30 % des attentats terroristes dans le monde en 2006, selon « Annual terrorism report will show 29% rise in attacks »,, un article de Warren P. Strobel et Jonathan S. Landay, pour McClatchy Newspapers. 14 338 attaques auraient eu lieu en 2006 (contre 11 111 en 2005), l’augmentation de 29% étant provoquée par la violence en Irak et en Afghanistan : en fait, 45% des attaques ont eu lieu en Irak. Le département d’Etat a envisagé de différer la publication du texte, qui pourrait être utilisé par la majorité démocrate au Congrès pour dénoncer l’échec de la stratégie de Bush, mais a finalement décidé de le faire.

A ceux qui doutent du caractère ambigu du terme terrorisme, un petit article de l’hebdomadaire britannique The Economist, 28 avril, « The Good Terrorist ». Celui-ci évoque le cas de Luis Posada Carriles, arrêté aux Etats-Unis pour être entré illégalement sur le territoire. C’est un exilé cubain accusé, entre autres, d’avoir fait exploser une bombe dans un avion civil de la compagnie Cubana, provoquant la mort de 73 personnes. Posadas vient d’être libéré, alors même que les procureurs le décrivent comme un criminel non repenti et un cerveau du terrorisme. Il est vrai que Posadas a passé l’essentiel de sa vie à travailler pour le compte de la CIA. Il n’est donc pas « un terroriste » mais « un combattant de la liberté ».

Nicolas Sarkozy : « Rappelez-moi votre prénom »

A voir sur Zalea TV, un documentaire d’une heure et demie, intitulé Sarkozy et moi, qui questionne les grandes orientations de Nicolas Sarkozy en matière d’immigration, de sécurité et d’économie. On y trouvera, à la cinquantième minute environ, ce témoignage de Karim Rissouli, journaliste politique à Europe 1. Il raconte son voyage avec Nicolas Sarkozy au Mali et au Bénin, en mai 2006. Durant le trajet du retour, dans l’avion officiel, Sarkozy, en tenue décontractée, discute avec une vingtaine de journalistes. La journaliste de l’AFP lui demande s’il compte aller au Proche-Orient avant l’élection présidentielle. Il répond en disant que durant son voyage en Israël, il avait promis d’aller dans les territoires palestiniens. Mais qu’avec ce qui se passe maintenant (sous-entendu la victoire du Hamas), il ne peut pas y aller. Karim Rissouli le relance et lui demande si, justement, ce n’est pas parce qu’il y a une impasse politique qu’il faudrait y aller. Sarkozy s’arrête, le regarde et lui demande : « Rappelez-moi votre prénom » (alors qu’il le connaît très bien). En filigrane, poursuit Rissouli, « il veut dire : rappelez-moi votre prénom d’origine maghrébine qui me parle de la Palestine et qui forcément est de parti pris ». C’est très humiliant, reprend Rissouli, qui remarque qu’aucun de ses confrères n’a réagi et que certains rigolent. Sur le soutien de Sarkozy à la politique du gouvernement israélien durant sa visite en Israël en décembre 2004, on pourra lire mon envoi « Nicolas Sarkozy, Al-Qaida, Israël et le Proche-Orient (I) ».

La famille Chirac hébergée par Hariri.

Information stupéfiante révélée par Le Figaro du 25 avril, « Les Chirac hébergés par la famille Hariri ». Selon le quotidien, « dans trois semaines au plus tard, Jacques et Bernadette Chirac éliront domicile au cœur du très huppé Carré rive gauche. Contraint de délaisser les palais de la République, le couple présidentiel a en effet jeté son dévolu sur un appartement de 180 m² situé 3, quai Voltaire, qui appartient à la famille de l’ex-premier ministre libanais Rafic Hariri, assassiné à Beyrouth en 2005. Cette résidence devrait lui être prêtée à titre « très provisoire ». Déjà, quelques meubles, cartons et caisses de vin y ont été déposés par les services de l’Élysée ». Comment, dans ces conditions, prendre au sérieux le « dernier combat du président Chirac », c’est-à-dire la mise en route rapide du tribunal international pour juger les assassins de Rafic Hariri, dernier combat qu’évoque Nathalie Nougayrède dans Le Monde du 26 avril ? Le mélange entre intérêts privés et affaires d’Etat est bien problématique et ne sert pas à rehausser l’image de la France dans le monde.

Alain Gresh

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