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Crise de l’eau : le laboratoire australien (3)

A l’instar des Etats-Unis l’Australie n’a pas ratifié le protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique. Mais à dater de 2006, le caractère aigu de la crise de l’eau qui affecte le continent et la montée en puissance du thème du changement climatique dans l’agenda international dessinent les lignes de force d’une nouvelle stratégie, qui se met en place à un rythme vertigineux, et préfigure ce qui pourrait se passer dans d’autres pays développés à l’horizon des prochaines années.

par Marc Laimé, 6 juillet 2007

Le 12 mai 2006 la commission environnement de la Chambre des représentants de l’Australie rend publique les conclusions de l’audition qu’elle a organisée sur le projet de Charte de développement durable de l’Australie.

Le 29 juillet 2006, les habitants de Toowoomba, ville du Queensland, état du nord-est de l’Australie, s’opposent à une proposition de leur mairesse Mrs Dianne Thorley, qui leur soumettait un projet de consommation de leurs eaux usées retraitées...

Les partisans du projet Water Futures, favorables à ce recyclage destiné à pallier la diminution des ressources en eau, perdent leur bataille. Le référendum s’est en effet achevé sur un résultat de 62 % de votes contre et 38 % de votes en faveur du projet. La population a notamment rejeté le projet en raison de l’absence de garanties scientifiques quant à l’impact du procédé sur la santé.

Des mesures de restriction d’eau étaient déjà appliquées à Toowoomba depuis une dizaine d’années, conséquences de la troisième plus importante sécheresse, « The big dry », jamais enregistrée dans le pays, et qui a déjà généré plusieurs milliards de dollars de dégâts dans les zones rurales. Elle affecte les Etats de l’Est (New South Wales, Victoria et Queensland), ainsi que l’Australie du Sud et la Tasmanie.

Une semaine plus tard, le 8 août 2006, le bureau chargé de l’effet de serre du ministère de l’Environnement publiait un guide sur les puits de carbone intitulé « Planning Forest Sink Projects - A Guide to Forest Sink Planning, Management and Carbon Accounting ».

Il proposait des procédures pour la planification et la gestion des puits de carbone, ainsi que pour la comptabilisation de la séquestration du carbone dans ces puits. Il s’adressait aux personnes qui veulent monter des projets de puits de carbone et aux investisseurs. Et s’inscrivait dans le cadre de la stratégie du gouvernement australien de réduction des émissions de gaz à effet de serre, conformément au protocole de Kyoto qui a fixé pour l’Australie un objectif de réduction de ses émissions de 108 % de 1990 à 2008-2012.


Eau et agriculture

La commission sénatoriale des Affaires régionales et du transport tient à son tour, le 16 août 2006, une audition sur l’impact de la nouvelle politique de l’eau pour le secteur agricole. Qui évoque les questions de la protection des aquifères, les techniques d’irrigation, la prévision et la gestion des sécheresses, la prévision de la demande en eau dans le domaine agricole, les implications pour le secteur agricole du changement climatique.


Dans une déclaration publiée au JO du 12 septembre 2006, les Etats du Qeensland et de South Australia adhèrent au système fédéral de gestion économe de la ressource en eau.

La déclaration modifie une précédente Déclaration de 2005 établissant un label pour garantir une gestion efficace et économe des réseaux d’eau (the Water Efficiency Labelling and Standards Declaration 2005).

Cette modification vise à certifier que les Etats du Qeensland et de South Australia ont adopté des législations conformes à la Déclaration de 2005. Les deux Etats rejoignent donc le système WELS (pour Water Efficiency Labelling and Standards), mis en place par le gouvernement fédéral pour réduire la consommation d’eau des ménages, qui favorise l’achat d’équipements performants permettant d’atteindre ces objectifs.


Dans un communiqué du 11 octobre 2006, une équipe de recherche de l’université Flinders d’Adelaïde annonçait que les Australiens sont de plus en plus favorables à l’utilisation d’eau recyclée, y compris comme eau de boisson…

Ainsi, parmi 2500 personnes interrogées dans le cadre d’une enquête nationale, 96,5 % se disent prêts à l’employer pour la chasse d’eau de leurs toilettes et 96 % pour irriguer les jardins. 73 % l’utiliseraient dans leur machine à laver et 67 % pour se nettoyer les mains.

Selon Mrs June Marks, du département de sociologie de l’université Flanders, plus l’application requiert un contact avec le corps, moins les personnes sont favorables à l’utilisation de l’eau recyclée. Ce rejet étant particulièrement lié à des conventions culturelles.

Environ 42 % des personnes ont exprimé une confiance modérée ou importante à l’idée d’utiliser cette eau à partir d’un système de réutilisation indirecte (mélange d’eau recyclée et d’eau conventionnelle, destiné à être bu).

« Cela correspond aux résultats obtenus à Toowoomba, et c’est le signe d’une acceptation plus forte par rapport à ce que nous avons pu constater auparavant », indiquait June Marks.

Lors d’un référendum organisé en juillet 2006, environ 60% des habitants de cette ville du Queensland avaient en effet refusé, nous l’avons vu, qu’un quart de leur eau potable provienne du recyclage des eaux usées, alors que 40% avaient exprimé leur soutien au projet.

Le ministre de l’Environnement annonce ensuite, le 23 novembre 2006, que le gouvernement australien financera à hauteur de 60 millions de dollars un projet de capture et de stockage de dioxyde de carbone dans l’Etat de Western Australia.

Il s’agirait du plus grand projet de ce type au monde. Le financement est pris en charge par le Low Emissions Technology Demonstration Fund du gouvernement fédéral, doté d’un budget global de 500 millions de dollars.
 Le ministre de l’Environnement rendra public le 6 décembre 2006 le rapport réalisé par un comité d’experts indépendants sur l’état de l’environnement en 2006 (State of the Environment 2006).

Il s’agit du troisième rapport de ce type, qui sont publiés tous les cinq ans. Le rapport 2006 met notamment en avant un quadruplement des dépenses du Gouvernement en faveur de l’environnement, un ralentissement du déboisement, une amélioration de la protection de l’environnement marin et un état généralement satisfaisant de l’air urbain.


Des marchés colossaux

Dans un communiqué du 5 décembre 2006, Veolia eau annonçait avoir été retenue pour deux projets qui doivent permettre à l’Australie de lutter contre la sécheresse dont elle souffre de plus en plus.

Le premier concerne une infrastructure de recyclage de l’eau dans le Queensland. Veolia eau interviendra d’abord en qualité de conseil pour le développement de l’ensemble des installations et des infrastructures, puis dans un second temps en tant qu’opérateur. D’un montant global d’un milliard d’euros, l’achèvement du projet est prévu pour fin 2008, avec pour objectif le traitement de 200 000 mètres cubes par jour.

Le même gouvernement confie également au géant français, en partenariat avec John Holland Group, la réalisation d’une usine de dessalement, puis son exploitation et sa maintenance. La production devrait atteindre, d’ici 2009, 125 000 mètres cubes d’eau potable par jour.

« Ce second contrat devrait contribuer au chiffre d’affaires de Veolia eau à hauteur d’un montant cumulé de 210 millions d’euros sur sa durée initiale » de 10 ans, estimait l’entreprise dans son communiqué.

Un article de The Australian, daté du 19 décembre 2006 indiquera ensuite que le gouvernement du Premier ministre John Howard a pour projet d’obliger les Etats à donner l’accès aux eaux usées à des sociétés privées.

M. Greg Hunt, secrétaire parlementaire du ministre de l’Environnement M. Ian Campbell, indiquait que si les Etats (australiens) ne se mettaient pas à davantage recycler les eaux usées, ils seraient confrontés à une concurrence importante. Le gouvernement envisage par ailleurs de mettre en place un système de sanction-récompense données aux Etats, selon qu’ils permettent ou non à des sociétés privées d’accéder aux eaux usées à des fins de recyclage...

Compte tenu de la période de sécheresse qu’est en train de traverser le pays, des milliers d’Australiens sont confrontés à des restrictions d’eau, pour arroser leur jardin ou laver leur voiture. Et M. Greg Hunt considère « honteux » que des milliers de litres d’eaux usées soient déversés dans l’océan chaque année alors qu’ils pourraient être recyclés.

 « La solution est de casser les monopoles étatiques qui existent déjà en matière d’eau, à travers une concurrence pour le droit de traiter et de vendre de l’eau recyclée aux secteurs de l’agriculture et de l’industrie », indiquait-il.

De son côté, le gouvernement de l’Etat de New South Wales vient de mettre fin au monopole de Sydney Water et Hunter Water, en ouvrant le marché de l’eau à la concurrence. Le parlement de cet Etat avait en effet adopté en novembre 2006 le Water industry competition act, qui autorise des sociétés privées à vendre des services d’eau potable, recyclée et d’eaux usées…

Rien d’étonnant dès lors d’entendre trois mois plus tard, le 20 mars 2007, M. Malcolm Turnbull, ministre fédéral pour l’Environnement et les ressources en eau, lancer un appel (1) pour un plus grand investissement du secteur privé (2) dans les infrastructures de l’eau...

Restrictions maximales

Avant cela, le 1er janvier 2007, 140 inspecteurs de l’eau sillonnent les rues de Melbourne (Victoria), afin de dénicher de potentiels contrevenants qui enfreindraient les normes de restriction en vigueur dans cet Etat, touché par une très sévère sécheresse.

Depuis le 1er janvier, le niveau 3 a été décrété, qui interdit l’arrosage des jardins excepté deux jours par semaine. Ces restrictions s’ajoutent aux règles d’économie d’eau permanentes qui s’appliquent depuis 2005.

Elles font partie d’un plan présenté le 29 décembre 2006 par le Premier ministre du Victoria, M. Steve Bracks, qui autorise les autorités publiques à réduire la pression de l’eau pendant deux jours aux habitations ayant eu des avertissements pour ne pas avoir respecté les restrictions en vigueur. Les contrevenants devront payer une amende pour avoir de nouveau suffisamment de pression.

D’après le journal local de Melbourne The Age, M. John Brumby, ministre du développement régional et rural du Victoria, a déclaré que les industriels étaient eux aussi soumis à des restrictions, « les plus dures jamais connues ». 

« Si nous n’avons pas de pluie, nous devrons probablement passer au niveau 4 en avril », a indiqué le ministre de l’eau du Victoria John Thwaites, selon un article de The Australian du 2 janvier. Ce niveau correspond à une interdiction totale d’utiliser l’eau à l’extérieur. Selon ABC Newsonline, le porte-parole de l’Australian Conservation Foundation a déclaré que des restrictions plus drastiques ne résoudraient pas le problème et que le gouvernement du Victoria devrait aller beaucoup plus loin.



Le 3 janvier 2007, le nouveau rapport annuel sur le climat du Bureau de météorologie australien, (Annual australian climate statement 2006), désigne le phénomène El Nino comme la cause principale de cette sécheresse.

Dans le Victoria, elle a entraîné des incendies et a engendré de nombreux dégâts agricoles. Pour une partie du nord-est de l’Etat, 2006 a été l’année la plus sèche jamais enregistrée, et actuellement, le taux de remplissage des réserves d’eau alimentant Melbourne est de 38,7%, contre 58,2% un an auparavant.

Pour inciter aux économies d’eau, le gouvernement de l’Etat propose depuis le 1er janvier 2007 une réduction de prix sur les dispositifs de récupération des eaux de pluie permettant d’alimenter les toilettes et la machine à laver.

Il a également investi 300 millions de dollars (180 millions d’euros), dans un projet destiné à acheminer l’eau d’une rivière vers les villes de Bendigo et Ballarat. Selon The Australian, la stratégie de M. Steve Bracks pour la capitale Melbourne serait de traiter ses eaux usées et de s’en servir pour refroidir les centrales électriques. L’eau actuellement utilisée à cet effet servirait alors à alimenter Melbourne.

Le Premier ministre s’est en effet fermement prononcé contre la consommation d’eau issue du recyclage des eaux usées, au moment où un sondage national publié dans The Australian le 26 décembre montrait que 7 Australiens sur 10 souhaitent que les eaux usées recyclées soient utilisées dans les habitations, y compris pour la consommation en tant qu’eau potable, à condition qu’elle soit convenablement traitée.



Selon un nouvel article de The Australian du 19 janvier 2007, le gouvernement de l’Etat du New South Wales s’est engagé à construire une usine de dessalement à Sydney si le pourcentage de remplissage des réservoirs d’eau qui alimentent la ville atteint 30%. Le 18 janvier, il était de 35%.

Une feuille de route, « Desalination blueprint design », a déjà été produite, qui prévoit la construction de l’usine en l’espace de 26 mois. Le gouvernement a préféré cette solution à celle d’un système de recyclage des eaux usées pompées dans les réservoirs qui utiliserait environ 60% d’énergie de moins qu’une usine de dessalement.

Selon lui, le coût lié au réseau de canalisations nécessaire au transport de l’eau recyclée, soit 2 milliards d’euros, serait nettement supérieur à celui de l’usine de dessalement.

Sydney Water, la société publique qui gère l’eau de Sydney, avait avancé un coût 70% supérieur. Un chiffre que dément la société rivale, Sydney Services, qui accuse Sydney Water d’avoir gonflé le prix du recyclage… Le gouvernement a déjà lancé un appel d’offres, ainsi qu’une campagne de publicité visant à promouvoir la technologie du dessalement.



Dans l’Etat du Victoria, le ministre de l’eau M. John Thwaites annonce le 16 janvier 2007 qu’une étude de faisabilité concernant la construction d’une usine de dessalement d’environ 600 millions d’euros était en cours. Il avait pourtant annoncé avoir abandonné l’idée du dessalement, qui apparaissait trop coûteux et consommateur d’énergie.

Un plan de dix milliards d’euros

Radio Australie dévoilait pour sa part le 26 janvier 2007 le plan présenté par le Premier ministre M. John Howard, doté de 10 milliards d’euros destinés à financer une augmentation massive des investissements dans les infrastructures d’irrigation, des dispositifs d’économie d’eau pour les exploitants agricoles et de vastes opérations de prospection dans le Nord du pays.

La pièce maîtresse du programme de M. John Howard — la gestion de la rivière Murray-Darling —, suscite cependant le mécontentement des gouvernements des États de la fédération australienne.

Le système fluvial de la Murray-Darling, le plus important du pays, est actuellement co-géré par quatre États. Mais le Premier ministre juge non viable cette organisation et estime que la gestion de ce qui représente l’une des plus importantes réserves d’eau australiennes doit revenir au gouvernement fédéral.

Le nouveau ministre de l’environnement et des ressources en eau, M. Malcolm Turnbull, affirme pour sa part que le plan en 10 points annoncé par le Premier ministre permettra à l’Australie de se doter du meilleur système de gestion des ressources en eau de la planète.

Dès le 29 janvier le Premier ministre de l’état du Queensland, M. Peter Beattie annonce que la chute dramatique du niveau des barrages n’a pas laissé d’autre choix à son gouvernement que de distribuer de l’eau usée recyclée par le biais du réseau de distribution publique dès 2008 dans le sud-est de l’état, l’une des régions australiennes qui enregistre le plus fort taux de développement urbain.

« Nous n’aurons pas de pluie, nous n’avons pas le choix. », déclarait-il à l’antenne de l’Australian Broadcasting Corporation Radio. Ajoutant que son gouvernement allait organiser un referendum sur ce projet.

Les agriculteurs australiens et la plupart des villes font face à la plus grave sécheresse survenue depuis un siècle. Certaines régions n’ont pas reçu de pluie depuis dix ans.

Mais le Premier ministre de l’état de South Australia, M. Mike Rann, déclarait lui que si son Etat utilisait déjà des eaux usées recyclées pour l’agriculture, il ne la distribuerait pas pour la consommation domestique

Néanmoins le Premier ministre australien, M. John Howard, félicitait M. Beattie et annonçait que de l’eau usée recyclée serait également distribuée à Sydney dans un proche avenir.

Dans ce contexte la conférence et l’exposition Ozwater 2007, organisées du 4 au 8 mars 2007 à Sydney par l’Association australienne de l’eau abordaient très logiquement toutes les questions relatives à la gestion de l’eau auxquelles l’Australie est confrontée : les principales réformes nationales, le changement climatique et ses effets probables, les progrès technologiques, les priorités de la recherche, le défi des ressources humaines indispensables à l’industrie de l’eau, les projets phares, le recyclage de l’eau, le dessalement, les comptes de l’eau, le contrôle, etc.

Le lendemain de sa clôture, le 9 mars 2007, la commission de l’eau de l’Etat du Queensland annonçait de nouvelles restrictions, proposant de passer, à compter du 10 avril, du niveau 4 au niveau 5.

Ces niveaux définissent les mesures de restriction d’utilisation de l’eau applicables aux entreprises et aux particuliers. Le niveau 5 restreint très fortement l’arrosage des pelouses, le lavage des véhicules et l’alimentation des piscines avec de l’eau potable.


La bataille de Murray Darling

Puis dans un article du 21 mars de The Australian, Mrs. Karlene Maywald, ministre de la sécurité de l’approvisionnement en eau de l’Etat du South Australia, annonçait qu’un certain nombre de lacs, lagunes et zones humides pourraient être temporairement déconnectés de la Murray River, le deuxième plus long fleuve d’Australie, d’ici au mois d’octobre 2007.

Une telle opération permettrait en effet, selon elle, d’économiser jusqu’à quatre milliards de litres d’eau par an, qui normalement s’évaporent. Si la sécheresse qui touche le pays depuis plusieurs années se poursuit, cela pourrait donc être une action capitale en termes de préservation des ressources pour 2007-2008. Selon The Australian, le dispositif doit être mis en place si les réserves en eau ne sont pas suffisamment réalimentées.

La commission en charge des services et des transports régionaux du Sénat fédéral annonçait ensuite le 9 avril 2007 qu’elle allait prochainement remettre son rapport sur les différentes options possibles pour pallier au manque d’eau dans le sud-est du Queensland. Elle devrait notamment donner un avis sur les impacts environnementaux qui résulteraient de la construction de nouveaux barrages.

50 000 agriculteurs menacés

Mais sans plus attendre le Premier ministre M. John Howard avertissait le jeudi 19 avril que la sécheresse historique qui sévit en Australie est telle que le gouvernement allait suspendre les irrigations dans la principale région agricole du pays s’il ne pleut pas rapidement.

Le monde rural est confronté à "une situation dangereuse sans précédent", déclarait-il. Avertissant que les allocations en eau des agriculteurs du bassin de Murray-Darling (Nouvelle-Galles-du-Sud) seraient supprimées si d’importantes chutes de pluies n’intervenaient pas dans un délai de six à huit semaines.

Le Premier ministre invitait même les Australiens à prier pour qu’il pleuve sur les deux fleuves enlacés Murray et Darling, au long desquels se succèdent des milliers de vergers, de vignobles et de pâturages...

Ce bassin, dans le sud-est de l’Australie, s’étend sur plus d’un million de kilomètres carrés, recouvrant la majeure partie de l’Etat de Nouvelle-Galles-du-Sud et une large part du Victoria, du Queensland et de l’Australie méridionale.

La région, qui abrite 72 % des terres irriguées du pays et la plupart des vignobles, est considérée comme le grenier de l’Australie. Elle fournit 40 % de la production agricole nationale.

M. John Howard reconnaissait qu’une telle mesure aurait des effets dévastateurs pour le monde rural, puisque sans irrigation les 50 000 fermiers qui dépendent de ces rivières et qui fournissent 40 % de la production nationale seront condamnés.

Mais ces quantités d’eau étaient, à ses yeux, indispensables aux communautés urbaines qui risquent des restrictions critiques, du fait de cette sécheresse inédite, puisque réservoirs et barrages ont atteint leur plus bas niveau, leur étiage ne dépassant pas 6 % de leurs capacités…

« Compte tenu de la nécessité de fournir aux zones urbaines un minimum d’approvisionnement en eau , il est peu probable qu’il en reste assez pour l’irrigation », précisait-il.

La Fédération nationale des agriculteurs a indiqué qu’elle souhaitait s’entretenir d’urgence avec le gouvernement au sujet de cette mesure sans précédent.

Dès le lendemain, cette annonce suscitait des désaccords.

D’après le Herald Sun, le bassin Murray-Darling, qui alimente quatre Etats, abrite 75 % des cultures et des pâturages irrigués du pays. Les irriguants ont immédiatement réagi à l’annonce faite par M. John Howard, considérant qu’une augmentation des prix des produits alimentaires pourrait être observée si la mesure était appliquée.

D’après le quotidien de Melbourne (Etat du Victoria) The Age, la fédération des agriculteurs du Victoria (VFF) avait été mise au courant depuis le mois de février qu’il n’y aurait plus d’allocation d’eau à partir de juillet s’il ne pleuvait pas assez.

VFF estime que le Premier ministre aurait dû, depuis lors, apporter une assistance pratique adéquate. Elle soutient la décision du Premier ministre du Victoria, M. Steve Bracks, qui a refusé de signer l’accord national proposé par John Howard en matière de gestion d’eau, alors que les autres Etats du bassin Murray-Darling l’ont déjà accepté.

Dans une lettre adressée au Premier ministre M. John Howard, M. Steve Bracks, Premier ministre de l’Etat du Victoria, exposait ensuite ses exigences concernant le plan national sur l’eau, le 29 mai 2007.

Selon The Australian, les deux hommes devaient se rencontrer pour en parler, sachant que la gestion du bassin Murray-Darling, fortement affecté par la sécheresse, demeure un sujet de mésentente majeur.

Le Victoria est le seul des Etats concernés à ne pas avoir donné son accord, M. Steve Bracks accusant en effet le Commonwealth de vouloir acquérir un contrôle total du bassin. Il lui demande donc de donner une garantie montrant notamment qu’il n’utilisera pas la législation nationale pour restreindre l’autorité du Victoria dans la gestion des terres. Selon M. Steve Bracks, les discussions avec M. John Howard ne seront productives que si le Commonwealth exprime clairement ses intentions à long terme au sujet du bassin.


Incertitudes

« Je pense que les gouvernements, les bureaucrates et les ingénieurs spécialistes de l’eau sont en train de paniquer. Ils proposent des réservoirs encore plus grands, des canalisations encore plus grosses, déclarait le 11 septembre 2006 à la correspondante du quotidien français Libération en Australie le Dr Stuart Blanch, du World Wildlife Fund (WWF). A quoi cela sert-il si les réservoirs restent à moitié vides ? ».

Le Conseil international des céréales (CIC), le 27 mai 2007, puis le département de l’agriculture américain (USDA), le 11 juin 2007, estimaient que la production de céréales serait, au cours de la saison 2007-2008, inférieure à la consommation, malgré un recul de celle-ci. Pour le CIC, le déficit serait de 3 millions de tonnes pour le blé. Selon l’USDA, les réserves mondiales de froment tomberont à 112 millions de tonnes au printemps 2008, leur plus bas niveau depuis trente ans, car la campagne précédente avait été marquée par une très mauvaise récolte mondiale due à la sécheresse, notamment en Australie, où la production avait été divisée par deux.

Constat identique avec les vendanges achevées au début du mois de juin 2007, qui témoignaient d’une baisse de la production australienne de 25% par rapport à l’année 2006.

Dans un nouveau rapport publié le 14 aout 2007, la Water Services Association of Australia (WSAA), qui regroupe 30 membres et 31 membres associés qui fournissent de l’eau à 15 millions d’australiens, insiste sur l’inéluctable diversification des ressources en eau, que ce soit à travers le dessalement ou le recyclage des eaux usées.

Car, selon elle, Canberra, Sydney ou Darwin n’échapperont pas à la crise de l’eau à laquelle le pays doit faire face, liée au changement climatique et à la forte hausse de population qui s’annonce pour les années à venir.

Aussi la mise en place de nouvelles infrastructures pourrait entraîner des investissements d’environ 30 milliards de dollars australiens (17,8 milliards d’euros) dans les 5 à 10 prochaines années. Les prix de l’eau appliqués dans les villes seront donc fortement augmentés, lors même qu’en 2006/2007, un foyer australien payait en moyenne 321,62 dollars australiens (190,8 euros), 581,74 dollars (345,2 euros) en comptant la part dédiée à l’assainissement. Le rapport précise toutefois que les prix resteront inférieurs à ceux des autres services publics domestiques comme l’électricité.





Marc Laimé

Le numéro hors-série du Monde 2, « Demain la terre », de juillet-aout 2007, publie un portfolio de 6 pages, titré « L’Australie a soif », dédié au reportage réalisé en décembre 2006 en plein hiver austral par Tamara Dean, photographe pour le Sydney Morning Herald.

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