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La guerre du Liban et le Hezbollah, un an après

par Alain Gresh, 11 juillet 2007

L’opinion française et la Palestine

Un sondage mondial, réalisé dans 47 pays par l’institut PEW de Washington et intitulé Global Unease with Major World Powers, consacre sa cinquième partie au conflit du Proche-Orient. Même s’il est à prendre avec des réserves, comme tous les sondages, il offre quelques données sur l’état de l’opinion en France, état qui semble échapper aux responsables politiques comme aux médias. 43% des Français éprouvent de la sympathie pour les Palestiniens, 32% pour Israël, 4% pour les deux et 16% pour aucun des deux. 49% des Français pensent que c’est Israël qui est responsable de l’absence d’Etat palestinien (33% pensent que ce sont les Palestiniens qui sont responsables).

Sarkozy et la Tunisie

A l’occasion du voyage de Nicolas Sarkozy en Tunisie, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDH) a publié un communiqué intitulé « Lorsque les droits et les libertés des Tunisiens sont sacrifiés ! », dont voici des extraits :

« Le président français M. Nicolas Sarkozy vient d’effectuer, mardi 10 juillet 2007, une visite éclair “d’amitié et de travail” en Tunisie afin de présenter à son homologue, M. Zine El Abidine Ben Ali, son projet phare d’Union méditerranéenne, un axe majeur de sa politique étrangère dans la région. »

« Pas un mot n’a été soufflé quant à la situation désastreuse des droits humains et les graves violations individuelles et collectives enregistrées au quotidien. La rupture, dans ce cas précis, n’a pas été de mise. Cependant, et lors de la campagne électorale, le candidat Sarkozy avait promis une politique étrangère vigilante quant au respect des droits humains et de la démocratie ! »

« En se rendant en Tunisie, le président français ne peut ignorer les violations récurrentes des droits humains et les atteintes graves aux libertés fondamentales perpétrées depuis des longues années. »

Mais peu d’échos ont été donnés à ces problèmes, le régime tunisien disposant toujours de soutiens importants en France, qui se mobilisent en faveur de cette dictature au nom de la lutte contre le danger islamiste.

La guerre du Liban et le Hezbollah, un an après

« La guerre a commencé, sur le front libanais, depuis le 12 juillet. L’ambassadeur israélien aux Nations unies, Dani Ayalon, qui a confirmé que les Etats-Unis ont donné leur appui total à l’action israélienne au Liban et qu’il continuera, même si un “massacre de masse” avait lieu. Rappelons-nous qu’en 1996, la mort de plus de 100 réfugiés libanais à la suite d’un bombardement avait amené Israël à stopper son opération “Raisins de la colère”. » C’était le premier envoi de mon blog, le 23 juillet 2006, « La guerre a commencé ».

Un an après, la situation à la frontière entre le Liban et Israël reste tendue (malgré la présence de la Finul) et les divisions au sein des forces politiques et de la société libanaises proches d’une guerre civile silencieuse. C’est dans ce contexte que se prépare la réunion de La Celle Saint-Cloud, entre le 14 et le 16 juillet. Celle-ci est précédée par bien des cafouillages du côté français. Lors d’une rencontre le lundi 9 juillet 2007 avec la famille des trois soldats israéliens capturés (deux par le Hezbollah et l’autre par le Hamas), Nicolas Sarkozy avait demandé que « le Hezbollah arrête ses actions terroristes » (le Crif affirmait sur son site qu’il avait même dit que le « Hezbollah est une organisation terroriste »). Il a déclaré qu’il faisait de la libération des trois soldats « une affaire personnelle », mais n’a eu aucun mot pour évoquer les prisonniers libanais en Israël ni les crimes de guerre commis par l’armée israélienne au Liban (ou en Palestine) - lire ci-dessous.

Cette déclaration a semé le trouble : si le Hezbollah est une organisation terroriste, pourquoi l’invite-t-on en France ? Le lendemain, David Martinon, porte-parole de l’Elysée, a rectifié le tir : le Hezbollah, a-t-il précisé, n’est « pas inscrit sur la liste européenne des organisations terrorises » et la France « n’a pas l’intention » de demander son inscription sur cette liste.

Cette cacophonie souligne surtout la difficulté de la France d’être à la fois partie prenante du conflit interne libanais – par son soutien souvent sans nuances au gouvernement Siniora – et médiatrice. Et jette quelques doutes sur la réunion de La Celle Saint-Cloud, dont on ne peut pourtant que souhaiter le succès tant l’impasse libanaise est porteuse de dangers.

Je signale, autour du débat sur le Hezbollah, le documentaire de 53 minutes que diffuse France 5 ce dimanche 15 juillet à 12h27, Le mystère Hezbollah, réalisé par Jean-François Boyer et auquel j’ai contribué.

La guerre du Liban a surtout été marquée par des crimes de guerre que j’ai déjà évoqués à plusieurs reprises et que les médias comme l’Union européenne ou les Etats-Unis ont tendance à passer sous silence. Le droit humanitaire est pourtant indivisible, même si certains n’hésitent pas à prôner des mesures qui reviennent à bafouer le droit international.

Le quotidien libanais anglophone The Daily Star du 7 juillet explique, dans un article de Mohammed Zaatari, « Israeli cluster bombs and mines have killed 30, maimed 205 », que, depuis la fin de la guerre, les bombes à sous-munitions répandues par l’aviation israélienne et les mines ont fait 30 morts et plus de 200 mutilés.

« Il y a environ 922 sites sur lequel nous travaillons dans le sud, a déclaré Dalya Farran, la porte-parole de l’UN Mine Action Coordination Center. Sur certains, nous avons fini de travailler. 96 équipes regroupant 1 300 experts font tout ce qu’elles peuvent pour finir leur mission aussi vite que possible. »

122 500 mines et bombes non explosées ont été désamorcées. La porte-parole a aussi évoqué le refus israélien d’identifier les lieux sur lesquels les bombes à sous-munitions ont été répandues.

Rappelons l’article du New York Review of Books que je citais dans mon envoi du 1er novembre 2006 : « The attack on Human Rights Watch » (l’offensive contre Human Rights Watch), écrit par Aryeh Neier, un ancien président de l’organisation et président de The Open Society Institute. Neir écrivait : « Selon Jan Egeland, secrétaire général adjoint de l’ONU, Israël a lâché plus de 90% de ces bombes dans les soixante-douze heures entre le moment où la résolution sur le cessez-le-feu a été acceptée et le 14 août, date de son entrée en vigueur. Il a rapporté que les Nations unies avaient identifié 359 cibles de ces bombes qui ont reçu 100 000 petits projectiles non explosés, qui continueront à tuer et à blesser des civils durant une longue période. »

Le Hezbollah a utilisé deux arguments pour justifier son action du 12 juillet, qui a abouti à la capture de deux soldats israéliens : le sort de quelques Libanais maintenus dans les prisons israéliennes depuis de longues années et le statut des fermes de Chebaa, considéré par lui (et par le gouvernement de Beyrouth) comme territoire libanais occupé par Israël, considéré par Tel-Aviv comme syrien. Des informations ont été publiées ces derniers jours par la presse israélienne (lire « UN denies requesting control over Shaba Farms », de Barak Ravid, Haaretz, 11 juillet). Selon elle, les cartographes des Nations unies auraient bien déterminé que ces territoires étaient libanais ; en revanche l’ONU a démenti avoir proposé que les fermes de Chebaa passent sous contrôle de la Finul.

Alain Gresh

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