Ce sera un grand jour. Encore une fois, les médias vont nous révéler ce que personne n’ose dire. Courageusement, la chaîne culturelle Arte prend un risque incroyable, s’attaquer aux tabous sur l’islam, refuser le “politiquement correct”. Le 28 août, en effet, avec l’aide de Charlie-Hebdo et de Libération, Arte consacre une soirée à « Ces musulmans qui disent non à l’islamisme ». « Nous ne les écoutons pas assez, dit la présentation de la soirée, et surtout, nous ne leur donnons pas assez la parole. C’est donc à eux que cette “Thema” est consacrée. À eux surtout qu’elle est confiée. À tous ces musulmans qui disent non à l’islamisme et oui à la démocratie. Ce soir, les démocrates musulmans – et eux seuls – s’expriment. » Parmi ces gens à qui “nous ne donnons pas la parole”, Mohamed Sifaoui, à qui est consacré un reportage entier. Quiconque “google” le nom de Sifaoui constatera que cet homme à qui on ne donne pas assez la parole a produit de nombreux documentaires, participe à la plupart des débats télévisés sur l’islam et écrit des livres tellement “dissidents” qu’ils sont régulièrement salués par la presse. Tout le monde le sait, en France on ne peut critiquer l’islam.
Le documentaire consacré à Mohamed Sifaoui a été réalisé par Antoine Vitkine et Fabrice Gardel. Qui est Antoine Vitkine ? Un membre du Cercle de l’Oratoire, qui édite la revue Le Meilleur des mondes, revue des néoconservateurs français. Se côtoient dans le Cercle, André Glucksman, Pascal Bruckner et Romain Goupil, de solides soutiens de l’intervention américaine en Irak, ainsi que Jacques Tarnero, Pierre-André Taguieff et Stephane Courtois. Dans ces conditions, on peut être sûr de l’objectivité du propos et du portrait qu’il dresse de Mohamed Sifaoui, « un homme en colère ». Ayant échappé à la mort en Algérie, affirme la présentation, ce « journaliste indépendant » est « installé désormais à Paris avec sa famille, il passe sa vie à enquêter sur les islamistes, en prenant parfois de réels risques physiques – il a par exemple infiltré une cellule terroriste ».
On ne saura rien, bien évidemment, sur les relations qu’entretient le dénommé Sifaoui avec les généraux algériens, ni de son témoignage en faveur du général Khaled Nezzar dans un procès à Paris en juillet 2002 contre un ancien officier algérien, Habib Souaïdia, auteur d’un livre sur La sale guerre (La Découverte), qui met en cause l’armée algérienne dans nombre d’exactions commises durant la décennie 1990. « Mohammed Sifaoui, qui collabora à une première version du témoignage de Souaidia, s’en est directement pris à ce dernier, qu’il a qualifié de “mythomane professionnel”, et à son éditeur, François Gèze, qu’il a accusé de “manipulation”. Sifaoui a rendu hommage à Nezzar “pour avoir arrêté le processus électoral de 1991 (et ainsi évité) à l’Algérie (de devenir) un autre Afghanistan”. »
Pour ceux qui veulent en savoir réellement un peu plus sur le personnage, lire « Les croisades de Sifaoui », publié par la revue en ligne Bakchich.
Mais il faut dire que le grand exploit de Mohamed Sifaoui est d’avoir infiltré une cellule terroriste. Pour ceux qui ignorent les risques de ce travail d’investigation, je reproduis ci-dessous un extrait de mon livre, L’Islam, la République et le monde, réédité par Hachette en 2005.
« J’ai infiltré une cellule terroriste »
Enfin un journaliste d’investigation ! Enfin une enquête qui nous plonge dans les réseaux du djihad ! Tintin a trouvé un rival en la personne de Mohammed Sifaoui, qui nous entraîne au pays des islamistes, comme son courageux prédécesseur nous faisait découvrir le Congo et ses grands enfants d’habitants. Point de départ de ce périple périlleux, le procès de Boualem Bensaïd et Smaïl Belkacem, inculpés pour leur participation à des attentats à Paris en 1995.
Durant les débats, à l’automne 2002, Sifaoui reconnaît dans le public un copain de lycée, Karim Bourti. Résumé des retrouvailles : salut, salut, qu’est-ce que tu deviens ? Moi, je suis terroriste, mais surtout ne le dis à personne… N’écoutant que son courage et faisant semblant d’épouser leur cause, notre enquêteur se joint aux « terroristes », prétendument pour réaliser une cassette de propagande. « Les infidèles, c’est pire que des animaux. Alors franchement les tuer, c’est pas bien grave », proclame Karim, qui n’a pourtant pas mauvais cœur. Ayant décidé d’aller voir un gars à la prison de Bois-d’Arcy, un certain Nacer Mamache, il embarque notre nouveau Tintin et deux autres copains – dont Reda, ancien vendeur de drogue et… assassin de Massoud. Mais les Pieds nickelés doivent rebrousser chemin : ils ont oublié qu’il fallait un permis de visite. Sur la route du retour, Karim dit aux deux autres, qui veulent partir en Afghanistan : « Mais non ! C’est ici qu’on va taper ! Il faut terroriser ceux qui n’adhèrent pas à l’islamisme. »
Autre scène. Karim est attablé dans un café maure de Belleville, où « on ne trouve ni femme ni alcool ». Avec lui, voici Lotfi Otman, amnistié en Algérie, qui raconte comment, grâce à quelques incantations, il a obtenu un visa français. Lotfi, « ancien trafiquant de drogue en Italie, reconverti dans le terrorisme », raconte son itinéraire en rigolant. Tout cela à visage découvert, face caméra, café identifiable. Les trois compères échangent quelques propos bien sentis :
« La prochaine étape, c’est le monde.
– Il faut terroriser les ennemis de Dieu.
– Les juifs sont des porcs, des adorateurs de singes.
– On est quand même fiers d’être terroristes. »
Tout est à l’avenant. La conclusion est brève : Karim est de nouveau en prison – il sera libéré en juillet 2004, l’accusation de participation à une entreprise terroriste n’ayant pas été retenue –, d’autres membres du réseau circulent à Paris et Sifaoui est toujours journaliste…
Pourquoi a-t-il interrompu son enquête ? « Parce qu’on m’a demandé de prendre la tête du réseau parisien. » Un des objectifs était la tour Eiffel. Mais que fait la police ? Heureusement, Sifaoui-Tintin a permis d’éviter le pire. On respire. Pas trop, cependant, car « ils » sont encore tapis dans l’ombre. Mais cela nous promet de prochains épisodes aussi palpitants…
C’est Zone interdite, l’émission de M6, qui, le 23 mars 2003, diffuse ce reportage, quelques jours après le début de l’attaque des Etats-Unis contre l’Irak. Le journaliste présente ce « document inquiétant, une plongée sans précédent dans l’un de ces réseaux, un voyage avec ces fous d’Allah, qui parlent pour la première fois à visage découvert ». Nous avons pourtant déjà vu ces images dans l’émission Complément d’enquête, sur France 2, le 27 janvier 2003. Mais peut-être que le journaliste de M6 ne considère pas France 2 comme une chaîne de télévision…
PS. Depuis ce travail, les quelques personnes mises en cause ont été arrêtées et condamnées comme petits délinquants. Encore une preuve que la police française ne fait pas son travail et qu’elle laisse filer de dangereux terroristes...