Sans doute est-il encore trop tôt pour parler de basculement planétaire. Mais les leviers se mettent en place progressivement. Hier à peine considérée – sauf pour sa composante japonaise –, l’Asie devient l’une des clefs du monde contemporain. La Chine s’est hissée au troisième rang mondial pour les richesses produites, le Japon occupe la quatrième place ; encore loin derrière, l’Inde émerge néanmoins ; après le plongeon extraordinaire des années 1997-1998, les quatre « dragons » (Singapour, Corée du Sud, Taïwan et Hongkong – désormais intégré à la Chine) refont surface … Ce qui est vrai du point de vue économique l’est tout autant dans le domaine militaire (sur les dix Etats ayant les dépenses militaires les plus importantes dans le monde, trois sont asiatiques : la Chine, le Japon, l’Inde) ou en termes géopolitiques. Depuis le début du XXIe siècle, le centre de gravité se déplace de l’Occident vers l’Extrême-Orient. Inéluctablement. Cela mérite attention.
La seconde raison de ce blog tient au fait que, dès qu’il est question d’Asie dans les médias français, on a souvent l’impression de débarquer sur une autre planète – d’où ce titre. Les idées reçues et les fantasmes sont légion. Les événements sont décrits en noir et blanc, selon l’endroit où l’on se situe. En blanc pour évoquer les records économiques. En noir pour analyser les stratégies diplomatiques. On a même vu, cette semaine, un hebdomadaire de gauche, peu suspect de xénophobie, Le Nouvel Observateur, titrer en « une » : « Pourquoi la Chine fait peur », annonçant un dossier sur « les dix menaces du nouvel Empire ». Nous ne sommes pas loin du « péril jaune » du XIXe siècle, réactivé dans la seconde moitié du XXe siècle lors de la « perte » des colonies asiatiques, puis avec la montée économique du Japon : Péril jaune, peur blanche, tel était le titre d’un livre de Jacques Decornoy (Grasset, 1970). Il n’a pas vieilli.
Cet espace vise donc à donner des informations, le plus grand nombre d’informations possible sur les pays qui occupent le devant de l’actualité ainsi que sur ceux dont on ne parle jamais, mais qui comptent. Pas de croisade contre (ou pour) tel ou tel pays, mais des faits, des analyses diversifiées pour sortir du prêt-à-penser ; pour aider à comprendre ce qui se passe de l’autre côté du monde ; pour apporter également le regard de journalistes et d’intellectuels de ces pays… J’animerai ce blog ouvert à des journalistes, des chercheurs et des écrivains que vous découvrirez au fil du temps. Encore une information qui semble aller de soi – mais cela va encore mieux en l’écrivant : ce blog entend être porteur des valeurs d’émancipation humaine qui sont celles du Monde diplomatique ; mais il n’engage que ceux qui y écrivent.