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Afghanistan, « la bonne guerre »

par Alain Gresh, 20 juillet 2008

Samedi 19 juillet, M. Hervé Morin, le ministre français de la défense, et M. Barack Obama, qui devrait devenir le candidat démocrate à l’élection présidentielle américaine de novembre, se sont retrouvés en Afghanistan, pour une « visite surprise ». Ils ne se rencontreront sans doute pas, mais cette coïncidence mérite réflexion.

Depuis plusieurs mois, on entend un nouveau discours selon lequel la guerre d’Irak aurait détourné l’Occident du combat principal, celui de la lutte contre le terrorisme et Al-Qaida, lutte dont le front principal est en Afghanistan.

Dans une tribune du New York Times, reprise dans l’International Herald Tribune du 14 juillet, « Barack Obama : It’s time to begin a troop pullout », le candidat démocrate écrit :

« Terminer la guerre (en Irak) est essentiel pour atteindre nos objectifs stratégiques plus larges, en premier lieu l’Afghanistan et le Pakistan, où l’on assiste à un réveil des talibans et où Al-Qaida dispose de bases sûres (safe heaven). L’Irak n’est pas le front central de la guerre contre le terrorisme et ne l’a jamais été. Comme l’a relevé le président du comité des chefs d’état-major de l’armée américaine, l’amiral Mike Mullan, nous n’aurons pas les moyens suffisants pour finir le travail en Afghanistan tant que nous n’aurons pas réduit nos engagements en Irak. »

« Comme président, je mettrai en œuvre une autre stratégie et commencerai par fournir au moins deux brigades supplémentaires de combat pour appuyer nos efforts en Afghanistan. Nous avons besoin de plus de troupes, de plus d’hélicoptères, d’une meilleure collecte de l’information et de plus d’aide non militaire pour remplir notre mission là-bas. Je ne rendrai pas notre armée, nos ressources et notre politique étrangère otages d’une volonté erronée de maintenir des bases permanentes en Irak. »

Un éditorial publié par l’International Herald Tribune rend hommage le 19 juillet aux positions défendues par le sénateur Obama, sous le titre : « Talking sense on the wars in Iraq and Afghanistan ».

« Obama a affirmé qu’il retirerait toutes les troupes combattantes américaines d’ici 2010, déplacerait au moins 10 000 hommes supplémentaires vers l’Afghanistan, et les utiliserait comme moyen de pression pour persuader les alliés de l’OTAN d’accroître eux aussi leur engagement ; qu’il enverrait plus d’aide non militaire à l’Afghanistan et construirait un partenariat plus solide entre l’Afghanistan, le Pakistan et l’OTAN sur les frontières (pakistano-afghanes) non soumises à la loi. Il a aussi promis 2 milliards de dollars supplémentaires dans le cadre d’un nouvel effort international pour traiter le problème des 4 millions de réfugiés irakiens – une crise que l’administration Bush a ignorée avec inconscience. »

« Nous avons été encouragés par l’aval donné par Obama à la proposition des dirigeants du comité des relations étrangères du Sénat de tripler l’aide non militaire au Pakistan pour la porter à 7,5 milliards de dollars en cinq ans. Les Etats-Unis doivent investir plus dans le renforcement de la démocratie pakistanaise. »

(...)

« Plus les Etats-Unis insistent sur le fait qu’il n’envisagent même pas un retrait, moins les Irakiens sont encouragés à régler leurs différends politiques. Les dirigeants irakiens ont demandé un calendrier de retrait et le prochain président des Etats-Unis doit les prendre au mot. Et les candidats (à l’élection présidentielle américaine) doivent se prononcer sur cet objectif et répondre aux menaces réelles en Afghanistan et au Pakistan. »

« Hervé Morin en visite surprise à Kaboul », selon le site de France 24. Il venait se rendre compte du déploiement des troupes françaises supplémentaires, déploiement qui devrait être achevé fin août. « Le contingent français en Afghanistan compte actuellement quelque 2 000 soldats, dont près d’un millier à Kaboul. Près de 170 militaires servent également à Kandahar (sud), où sont stationnés trois Super-Etendards et trois Mirage 2000D qui apportent un soutien aérien. »

Le ministre a notamment déclaré : « “Il n’y a pas d’autre choix” que la présence militaire internationale. “Partir serait une idée folle, il ne faut pas oublier ce qu’était le régime des talibans, un joug abominable”, a ajouté M. Morin. »

Le déploiement de troupes françaises supplémentaires avait été annoncé par Nicolas Sarkozy au sommet de l’OTAN en avril dernier.

Hervé Morin s’est rendu samedi dans la base avancée de Nijrab, au nord-est de Kaboul, qui accueille l’essentiel des renforts français en cours de deploiement dans le pays.

« Hervé Morin rencontre les renforts déployés dans l’est de l’Afghanistan » :

« “A travers votre mission en Afghanistan, c’est une partie de notre sécurité qui se joue, une partie de la stabilité du monde, de la lutte contre le terrorisme et le narco-trafic”, a-t-il déclaré aux militaires français. »

Ainsi donc, la sécurité du monde occidental se jouerait en Afghanistan. C’est le discours qu’a tenu, à plusieurs reprises, le président Nicolas Sarkozy et que j’ai reproduit dans mon article « Enquête sur le virage de la diplomatie française » (Le Monde diplomatique, juillet 2008).

Le 20 juillet, Yahoo reproduisait cette dépêche de Reuters : « L’Isaf admet avoir tué accidentellement quatre civils afghans ».

« Les forces internationales de l’Isaf, commandées par l’Otan, ont tué accidentellement quatre civils afghans au cours de la nuit de samedi à dimanche, lors d’une attaque au mortier, a annoncé l’alliance. Selon les autorités afghanes, plus de 60 civils afghans ont péri ce mois-ci dans l’est du pays lors de frappes aériennes de la coalition internationale, et parmi eux se trouvaient nombre de femmes et d’enfants. »

On évoquera évidemment une bavure. En oubliant que ces « bavures » sont dans la logique des guerres coloniales, comme je le rappelais dans un envoi du 3 juin 2007, « Afghanistan, Irak : quand la mort vient du ciel ».

Gafsa, Tunisie

Dans Le Monde daté du 19 juillet, Florence Beaugé publie un article intitulé « Le président Ben Ali annonce un plan en faveur de la région de Gafsa ».

« Dans un discours, M. Ben Ali a dénoncé “les irrégularités commises par les responsables de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG)” lors d’un concours d’embauche “ayant suscité la désillusion et la déception des jeunes concernés”. Le chef de l’Etat faisait allusion aux manifestations qui ont suivi l’affichage, le 5 janvier, des résultats de ce concours suspecté d’avoir bénéficié aux notables locaux ou aux proches du parti au pouvoir. Plus de 1 000 candidats avaient brigué les quelques 80 postes proposés. »

Mais il est peu probable que les mesures annoncées par M. Ben Ali aient les effets escomptés et ramènent le calme à Gafsa, qui a connu six mois d’une véritable révolte populaire. Lire « Révolte du peuple des mines » (aperçu), par Karine Gantin et Omeyya Seddik, dans Le Monde diplomatique de juillet (en kiosques).

Palestine, motion proposée au Congrès du PS

Sous le titre « Palestine, l’exigence du courage politique », une motion a été présentée dans le cadre de la préparation du Congrès du Parti socialiste qui doit se tenir au mois de novembre à Reims.

Présentation du texte par ses signataires : « Plus que toutes les autres questions internationales, la question du conflit israélo-palestinien nous interpelle profondément. Soixante ans après la partition de la Palestine, décidée par l’ONU, qui a conduit à la création de l’Etat d’Israël, l’Etat palestinien n’a toujours pas vu le jour. Membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, pays des Droits de l’Homme s’étant montré capable à certaines époques de faire entendre une voix indépendante, la France peut influer sur le cours de l’Histoire. C’est toute une conception de la justice internationale qui est en cause, et qui est en train de céder la place au fait accompli et à la loi du plus fort. Sur ce sujet essentiel pour l’avenir du monde, nous attendons du Parti Socialiste... »

Parmi les propositions :

Dans l’immédiat, nous attendons de l’Union Européenne :
— qu’elle refuse toute nouvelle installation de colons ;
— qu’elle exige la levée du blocus de la Bande de Gaza ;
— qu’elle exige la mise en œuvre immédiate de l’accord de 2005 sur la circulation ;
— qu’elle œuvre à la libération des prisonniers politiques ;
— qu’elle contribue à l’organisation d’une conférence internationale, pour le règlement du conflit, sur le fondement des résolutions de l’ONU.

« L’Union Européenne doit rappeler fermement à Israël que les relations privilégiées permises par les accords d’association sont conditionnées au respect du droit international. Mais il faudrait qu’elle ait le courage politique d’appliquer ses propres décisions. En tout état de cause, les négociations sur l’accord de rehaussement des relations Israël-UE doivent être suspendues tant qu’Israël ne respecte pas ses propres engagements, et que les bases d’un règlement pacifique et mutuellement accepté du conflit ne sont pas concrètement mises en œuvre. »

« On ne peut pas dissocier la relation UE-Israël des exigences minimales de respect des normes internationales pour la résolution du conflit. »

Alain Gresh

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