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Landes : 15 ans de combat exemplaire contre le cartel de l’eau

Le Conseil général des Landes, présidé par M. Henri Emmanuelli, ancien premier secrétaire du parti socialiste, poursuit depuis 1995 un combat acharné, et exemplaire, contre le syndicat professionnel des trois géants français de l’eau et des services à l’environnement qui lui reprochent de privilégier la gestion publique directe des services d’eau et d’assainissement, en accordant des subventions bonifiées aux collectivités qui gèrent l’eau en régie. Contre toute attente, l’acharnement sidérant d’un cartel tout puissant achoppe sur la détermination sans faille d’un élu, d’un département et d’une population qui défendent farouchement leur droit à décider du mode de gestion d’une ressource vitale. Plus étonnant encore, la justice, comme vient à nouveau de le faire la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans un arrêt notifié le 11 juillet 2008, finit immanquablement, en dépit de revers momentanés, par donner raison à M. Emmanuelli et au Conseil général des Landes. Un combat enfin victorieux en juillet 2011, après que le Conseil constitutionnel ait fini par faire entièrement droit à une requête du Conseil général des Landes, et ait annulé l’article du CGCT voté en 2006, qui interdisait le principe d’accorder des subventions bonifiées aux services gérés en régie.

par Marc Laimé, 30 juillet 2008

Dans un entretien accordé à l’Humanité Grand Sud le 31 mai 2008, M. Henri Emmanuelli résumait l’engagement politique qui sous-tend le combat acharné qu’il mène depuis plus de douze ans contre le cartel de l’eau : « Notre société doit garantir à tous un accès à l’eau potable et à l’assainissement. L’eau n’est pas une marchandise, c’est un bien commun qu’il convient de préserver. Sa gestion dans le cadre du service public demeure fondamentale. Ce sont les principes essentiels de l’action du Conseil général des Landes. »

Le département dispose d’une grande richesse en eau, avec des nappes souterraines nombreuses, des eaux thermales, des lacs, des zones humides et un littoral qui s’étire sur une bande côtière de 106 kilomètres.

Ce sont près de 5000 kilomètres de cours d’eau, 48 millions de m3 d’eau stockés dans des ouvrages de soutien d’étiage ou d’irrigation, 7 aquifères sollicités constituant d’énormes réservoirs, 106 kilomètres de côtes et 108 km2 d’étangs littoraux qui constituent ce patrimoine qui connaît des valorisations multiples.

A peine 3% de l’eau reçue y est consommée pour couvrir des besoins estimés à 300 millions de m3. L’irrigation (environ 210 millions de m3), l’industrie (43 millions de m3), l’eau potable (40 millions de m3), le thermalisme (4 millions de m3) en constituent les principaux usages. A elle seule, l’irrigation, concentrée sur trois mois d’été, représente environ 70% des besoins totaux annuels, et plus de 80% des prélèvements estivaux.

Le patrimoine départemental d’eau douce, très riche et très diversifié, s’avère ainsi fortement sollicité par l’homme. Le département s’est donc très tôt soucié d’en prévenir les conflits d’usage et sa dégradation dans tous ses aspects, en développant une politique de connaissance, de mobilisation et de surveillance de la ressource, et en soutenant des pratiques respectueuses de sa qualité et de sa disponibilité.

Ainsi, comme le relatait le quotidien Le Monde le 3 juillet 2008, « Les chasseurs des Landes se montrent actifs dans la protection de zones humides naturelles. »

Il édite aussi régulièrement un bulletin de situation des aquifères landais.

Axe fort de sa politique environnementale, il consacre au total près de 6,6 millions d’euros par an à la politique de l’eau.

Comme ce patrimoine est sensible aux pollutions, aux aléas climatiques mais aussi aux gaspillages, une politique volontariste de gestion de la qualité de la ressource y a vu le jour : suivi des nappes et des cours d’eau, prévention des pollutions, établissement de périmètres de protection autour des forages d’eau potable, amélioration des pratiques agricoles, gestion des déchets, nettoyage systématique et permanent du littoral...

Le Guide de l’eau qu’il édite atteste de ce dynamisme qu’on souhaiterait voir se déployer ailleurs...

Le Guide de l’eau du Conseil général des Landes

Public vs privé

Mais c’est l’engagement résolu du Conseil général en faveur de la gestion publique de l’eau qui a déclenché les foudres du cartel, et donne lieu depuis douze ans à un interminable bras de fer juridique.

Les opérateurs privés, Suez, Veolia et Saur, qui distribuent 75 % de l’eau dans l’Hexagone et y gèrent 60 % des services d’assainissement, s’efforcent en effet par tous les moyens de mettre un terme à la politique volontariste menée par M. Henri Emmanuelli.

Les sociétés fermières présentes sur le département sont :

 la Lyonnaise des Eaux (Suez)

 Veolia

 Sogedo (société régionale)

 Agur (groupe Etchart)

 Saur.

En l’espace d’une décennie, plusieurs dizaines de communes landaises ont en effet décidé de revenir en régie. L’attrait de la gestion publique est tel que les entreprises privées doivent désormais baisser leurs prix de 20 à 30 % si elles veulent conserver leurs contrats lorsque ces derniers arrivent à échéance.

En 2006, 162 communes des Landes sur 331 dépendaient d’une régie municipale ou syndicale pour l’alimentation en eau potable, contre 62 en 1994 !

Trois gros syndicats sont passés en régie en 2006. Une gestion publique qui permet effectivement une maîtrise des coûts : - 23 à - 27% sur les factures des consommateurs.

Au 1er janvier 2008, en matière d’alimentation en eau potable, sur 331 communes landaises :

 173 communes dépendent d’un service en régie : municipale, syndicale ou au SYDEC, ce qui représente 59% de la population totale du département ;

 158 communes dépendent d’un service en affermage, ce qui représente 41% de la population totale du département ;

En matière d’assainissement, sur 194 communes disposant d’un dispositif collectif représentant 211 000 habitants ;

 144 communes dépendent d’un service en régie : municipale, syndicale ou au SYDEC, ce qui représente 79 % de la population totale landaise desservie en assainissement collectif ;

 50 communes dépendent d’un service en affermage, ce qui représente 21 % de la population totale landaise desservie en assainissement collectif.

Une situation dont se félicite M. Henri Emmanuelli : « Le département, s’il a toujours accompagné l’investissement des communes, refuse de contribuer à financer sur fonds publics des équipements qui serviront à enrichir les sociétés privées. Tous les rapports produits depuis des années sont éloquents : le prix de l’eau est plus élevé lorsque le service est assuré par une société privée. Et ce sont les consommateurs qui paient l’addition. Les résultats de l’enquête publique que nous avons menée auprès de la population landaise en 2007 montrent que 83 % des réponses sont favorables à l’action du conseil général en faveur d’une gestion de l’eau par les collectivités plutôt que par les entreprises privées. »

Le dispositif mis en place s’appuie aussi sur le Syndicat mixte départemental d’équipement des communes des Landes (Sydec), qui gère en régie 44 communes en eau potable et 71 communes en assainissement.

Opérateur public doté de moyens techniques et humains étoffés, cet outil apporte aux collectivités une expertise comparable à celle des grandes entreprises. Soit en jouant le rôle de consultant auprès des communes désireuses de reprendre le contrôle de leurs réseaux, soit en assumant la régie de celles qui n’en ont pas la capacité. Il a donc permis d’introduire une véritable concurrence sur le marché de l’eau et de l’assainissement.

« Les élus locaux ont compris la nécessité de gérer au plus près ces services, poursuit M. Emmanuelli. Les différentes délégations des services publics de distribution d’eau potable ou d’assainissement qui se sont déroulé ces dernières années dans les Landes ont montré que la présence d’une concurrence effective, par le biais d’une structure publique départementale, pouvait conduire à des réductions de coûts importantes au bénéfice des usagers. »

Douze ans de guerilla juridique

Une étude effectuée en 1995 à l’initiative du Conseil général, sur le prix de l’eau dans le département avait montré que les usagers dépendant de services d’eau gérés par une société privée devaient acquitter une facture supérieure en moyenne de 70 % à celles des usagers dépendant d’un service en régie.

Un argument que continuait à balayer en 2008 l’une des avocates du cabinet Bredin Prat, le conseil des majors de l’eau : « Cela ne signifie rien. Les contraintes techniques, les conditions d’exploitation et les risques financiers ne sont pas les mêmes. »

Le Conseil général avait également été surpris par « l’homogénéité » des zones de services respectives des sociétés concernées. Un constat qui l’avait conduit à attirer l’attention des élus concernés. Il s’agissait de les inciter à gérer ces services de manière plus claire et maîtrisée, dans le cadre d’un vrai service public.

Le département décidait donc en 1996 de majorer ses aides aux communes qui géraient leurs services d’eau et d’assainissement en régie, sous la forme d’une bonification de 10%.

Mais, sous la pression des grands groupes, le préfet de Landes demandait au Tribunal administratif de Pau d’annuler cette décision, au motif qu’elle créerait une tutelle du département sur les collectivités, et porterait atteinte à la « liberté du commerce et de l’industrie » ...

Le Tribunal administratif de Pau, puis la Cour administrative d’appel de Bordeaux, suivaient l’argumentation du représentant de l’Etat.

Mais le 28 novembre 2003, réuni en assemblée plénière, le Conseil d’Etat donnait finalement raison au département.

Le Conseil Général décidait donc en 2004 de remettre en œuvre cette bonification pour les communes en régie.

Le contentieux est réactivé depuis lors à intervalles réguliers par les délibérations successives du Conseil général qui portent sur les aides financières accordées aux communes qui optent pour des régies publiques de l’eau et de l’assainissement.

En février 2004, les conseillers généraux décident donc de majorer de cinq points le taux de subvention alloué aux travaux engagés par des collectivités ayant choisi le public. Et de diminuer d’autant celui des travaux réalisés dans un cadre privé.

Pour la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FPEE), qui regroupe Veolia, Suez et Saur, cette modulation des aides en fonction des modes de gestion affecte directement le prix payé par les usagers. Elle dénonce dès lors une discrimination et une distorsion de la concurrence, dénie toute valeur aux comparatifs avancés par le Conseil général, et attaque à nouveau cette délibération...

« En 2004, le Conseil d’État a reconnu que la modulation des aides ne portait nullement atteinte au droit des communes à choisir leur mode de gestion », relève aujourd’hui le cabinet Lyon-Caen, en charge de la défense du département.

Mais il y a plus, enfin pire. Non seulement le cartel multiplie les procédures, mais il va également s’ingénier à entraver l’action du Conseil général, en s’appuyant sur un amendement déposé dans le cadre de l’examen parlementaire de la future Loi sur l’eau et les milieux aquatiques qui sera finalement adoptée le 31 décembre 2006...

L’amendement scélérat

M. André Jarlier, maire de Saint-Flour et sénateur du Cantal (UMP), dépose donc fort opportunément en avril 2005 un amendement (alinéa 5), à l’article 26 de la loi sur l’eau (LEMA), qui commence ses navettes entre l’Assemblée et le Sénat, amendement qui prohibe bien évidemment nos fameuses bonifications, pourtant validées par le Conseil d’Etat en 2003.

L’amendement scélérat va être adopté en séance nocturne à l’Assemblée dans la nuit du 12 au 13 décembre 2006. M. Henri Emmanuelli avait réussi à obtenir que PS, PC et Verts se mobilisent afin de contraindre le gouvernement et l’Assemblée, conformément au règlement de cette dernière, à procéder à un vote qui verra finalement l’amendement scandaleux adopté par la majorité de droite, à la fureur de M. Henri Emmanuelli, qui prédit en séance publique à Mme Nelly Olllin, alors ministre de l’Ecologie, que son nom demeurerait entâché par cette manoeuvre indigne.

Dans un communiqué en date du 13 décembre 2006, M. Henri Emmanuelli dénonce le procédé :

« En refusant ce matin d’invalider l’amendement de circonstance introduit par le sénateur Jarlier au projet de loi sur l’eau, le gouvernement et sa majorité prennent le parti des trois groupes privés qui se partagent 80% de la gestion de l’eau sur notre territoire.

« Cet amendement ayant opportunément été introduit en avril 2005, les entreprises de l’eau s’en sont aussitôt saisies en le produisant comme argument à l’encontre du Conseil général des Landes pour la quatrième procédure qu’elles lui intentent.

« Cette incessante bataille judiciaire se poursuit alors même que le Conseil d’Etat, réuni en séance plénière le 12 décembre 2003, a rendu un arrêt donnant sans ambiguïté raison au Conseil général.

« Alors que les enjeux financiers considérables liés aux pratiques tarifaires des entreprises de l’eau sont mis au jour, qu’il s’agisse par exemple des communautés urbaines de Lyon ou de Bordeaux, la validation de l’amendement Jarlier – en contradiction avec l’arrêt du Conseil d’Etat comme avec le rapport très critique de la Cour des Comptes de décembre 2003 – donne le signal alarmant d’une soumission de la puissance publique aux intérêts privés, au détriment de l’intérêt général des consommateurs. »

Un bras de fer sans précédent

Ne désarmant pas, le Conseil général des Landes adopte de nouvelles délibérations dès le 23 mars 2007, toujours au même principe, mais qui modifient le régime des subventions du département.

Ces nouvelles délibérations réservent les aides départementales susceptibles d’être accordées aux communes rurales et à leurs groupements pour la réalisation d’études et de travaux en matière d’alimentation en eau potable et d’assainissement aux seules communes et groupements gérant leurs services d’eau et d’assainissement en régie.

Immédiatement, le syndicat patronal du cartel, la Fédération des entreprises de l’eau (FP2E), saisit à nouveau la justice administrative en référé, ce n’est jamais que la quatrième fois.

Le 3 août 2007, le Tribunal administratif de Pau suspend l’exécution des délibérations du Conseil général.

Qui porte immédiatement l’affaire en appel devant le Conseil d’Etat.

Celui-ci, dans un nouvel arrêt rendu le 4 février 2008 (voir Annexes ci-après), balaie à nouveau l’allégation selon laquelle des aides départementales aux études en matière de gestion de l’eau portent atteinte aux intérêts d’entreprises délégataires !

Une affirmation qui devrait, selon le Conseil être étayée plus sérieusement que ne l’a fait jusqu’ici le cartel.

Le Département demandait donc au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance du 3 août 2007, par laquelle le juge des référés avait suspendu l’exécution des délibérations du Conseil général du 23 mars 2007.

Pour la FP2E, l’existence même de ces délibérations a conduit plusieurs collectivités à résilier des conventions de délégations de service public ou à envisager de le faire.

Selon le Conseil d’Etat, le juge des référés s’est fondé sur les allégations de la fédération professionnelle requérante relatives aux risques qui feraient courir à ses adhérentes ces délibérations et sur une liste de collectivités, produite par la fédération, qui auraient résilié une DSP, « ou qui avaient envisagé de le faire. »

Le Conseil d’Etat annule néanmoins l’ordonnance : aucun élément ne permet de corroborer ces allégations, ni d’établir la réalité de mutations de DSP à des régies, pas plus que la preuve d’un lien de cause à effet entre ces mutations et les délibérations attaquées.

Un revers

Toutefois, le jugement sur le fond du bien-fondé de la délibération prise en mars 2007 par le Conseil général qui conditionne les subventions au statut des services de distribution de l’eau (seules les régies en bénéficient) demeurait pendant.

Le tribunal administratif de Pau devait en effet se prononcer à nouveau, sur le fond, à la suite d’une nouvelle requête introduite en juillet 2007 contre la même délibération par la FP2E...

« Au-delà de l’analyse juridique, cet épisode met à nouveau en lumière l’acharnement des entreprises de l’eau contre l’action du département des Landes, qui a mis un terme à des situations d’abus dans lesquelles elles ont accumulé pendant des années ce que certains ont appelé pudiquement des "surprofits" », déclarait le 21 février 2008 M. Henri Emmanuelli.

Et, de fait, en avril 2008, le Tribunal administratif de Pau examinait donc (une fois de plus !) l’instance introduite « sur le fond », on s’en souvient, par la FP2E, en juillet 2007, et qui invoquait le tristement célèbre « amendement Jarlier », pour demander l’annulation des délibérations du Conseil général prises en mars 2007.

Revers momentané pour les Landes, si le tribunal rejetait pour l’essentiel l’argumentaire des entreprises, et stipulait notamment que notre tristement célèbre amendement, et donc la Loi sur l’eau du 30 décembre 2006 interdisant la modulation était inopérante, il n’en annulait pas moins, une fois de plus, la délibération attaquée, datant de mars 2007, aux motifs notamment que le nouveau système d’aide « à conditions » retenait un taux trop élevé, puisque la bonification était passée de 10% à 30%, qu’il n’établissait pas un plafond pour ces aides, et que le champ d’application de la mesure pouvait sembler par trop étendu.

Toujours résolu, le Conseil général commençait aussitôt à étudier un nouveau dispositif, pour tenir compte des observations du Tribunal administratif de Pau.

Le tout trois mois avant une nouvelle étape de ce chemin de croix judiciaire, puisque l’activisme du cartel a conduit à ce que la logique apparente soit parfois malmenée, ce qui ne facilite pas la compréhension de notre ténébreuse affaire...

Une nouvelle victoire juridique

Car la Cour administrative d’appel de Bordeaux examinait le 10 juin 2008 le recours de la FPEE, qui demandait une nouvelle fois l’annulation de la décision... votée en 2004.

Mais le commissaire du gouvernement, M. Olivier Gosselin, concluait au rejet de la requête de la FPEE. Ce magistrat indépendant, dont les avis sont généralement suivis par la juridiction, jugeait certes « pertinent » le raisonnement économique des opérateurs privés. « L’impôt départemental compense les insuffisances des régies », assurait-t-il. Mais il reprochait à ces mêmes opérateurs de se contenter de « remarques trop générales », et de ne pas démontrer leurs assertions. Ce qui les rendait à ses yeux peu convaincantes sur le plan juridique.

Dans un arrêt notifié le 11 juillet 2008, la Cour administrative d’appel de Bordeaux confirmait le jugement du Tribunal administratif de Pau, qui avait rejeté le recours de la FP2E contre la délibération du Conseil général du 3 février 2004.

Fort de l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 novembre 2003 qui lui était favorable, le Conseil général avait, nous l’avons vu, décidé de confirmer le principe de modulation des taux de subventions accordés pour les travaux d’alimentation en eau potable et d’assainissement collectif aux collectivités en fonction du mode de gestion. 



Dans son arrêt, la Cour administrative d’appel de Bordeaux réaffirme notamment la pertinence d’une étude selon laquelle les tarifs pratiqués par les services publics dont la gestion est affermée sont « très sensiblement » supérieurs à ceux des services gérés en régie.



La Cour souligne également que « l’intérêt des usagers a été dans son ensemble pris en compte par le Conseil général ».

Selon la juridiction, la modulation des subventions « n’est pas de nature à entraver la liberté de choix du mode de gestion de leur réseau par les collectivités bénéficiaires. »



Enfin, la Cour relève que le Département des Landes « n’a pas porté atteinte au libre exercice de l’activité professionnelle des sociétés fermières, ni méconnu le principe d’égale concurrence entre opérateur public et opérateur privé, ni introduit une distorsion des règles de concurrence nationales et communautaires qui ne serait pas justifiée par une nécessité d’intérêt général. » 



Cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux conforte donc la politique du Conseil général, qui a toujours soutenu les communes dans leurs investissements, mais qui refuse de contribuer à financer sur fonds publics des équipements servant à enrichir les sociétés privées qui en assurent la gestion.

Tant la décision du Tribunal administratif de Pau datant d’avril dernier, relatée ci-dessus, qui annulait certes la délibération attaquée en date de mars 2007, mais ne rejetait pas catégoriquement le bien fondé de l’action du Conseil général, que la toute récente décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux le 11 juillet 2008 ne mettent peut-être pas un terme à ce feuilleton où, une fois n’est pas coutume, le public n’en finit pas de marquer des points en écornant les bénéfices et les dividendes des majors de l’eau.

Le Conseil général des Landes vient d’annoncer, comme le rapportait la Gazette des communes du 28 juillet 2008 que, prenant note des observations émises par le Tribunal administratif de Pau, il conditionnerait désormais ses soutiens, selon qu’ils s’appliquent aux études ou aux travaux. Le système remodelé doit être adopté à la fin 2008, pour entrer en vigueur début 2009.

Epilogue

Issue aussi heureuse qu’inattendue du bras de fer juridique qui durait depuis 1995, le Conseil général des Landes, qui avait saisi à l’été 2011 le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité, a obtenait le 7 juillet 2011 l’abrogation de l’amendement scélérat voté nuitamment lors de l’adoption de la LEMA du 30 décembre 2006, amendement qui prétendait lui interdire d’accorder des subventions bonifiées aux communes ayant opté pour la gestion en régie. Un démenti cinglant aux prétentions du Cartel de l’eau qui s’acharnait contre Henri Emmanuelli depuis plus de 15 ans !

Cette disposition législative qui interdisait de moduler les aides départementales aux communes selon le mode de gestion qu’elles choisissent pour leur service d’eau et d’assainissement a en effet finalement été abrogée par le juge constitutionnel, décision qui pourrait favoriser la gestion en régie de l’eau.

Contrairement à une autre décision arrêtée en juin 2011, par laquelle il réaffirmait une vision restrictive du principe constitutionnel de la libre-administration des départements, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution l’article L.2224-11-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), car « la disposition attaquée restreignait la libre administration des collectivités territoriales, en l’espèce des départements ».

L’article L.2224-11-5 interdisait depuis décembre 2006 de moduler les aides publiques octroyées aux communes en fonction du mode de gestion du service d’eau potable et d’assainissement choisi.

A l’origine de la décision du juge constitutionnel, le contentieux devant le Conseil d’Etat entre la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), et le département des Landes qui accordait depuis 1995 des subventions bonifiées aux communes qui avaient opté pour une gestion en régie de leur service d’eau. 


Le Conseil d’Etat avait déjà donné raison en 2003 au département des Landes, avant que l’amendement scélérat déposé en décembre 2006 par le sénateur (alors UMP) du Cantal, Pierre Jarlier, ne vienne à nouveau entraver ses capacités d’intervention.

Depuis lors plusieurs passes d’armes avaient continué à opposer la FP2E au département présidé par Henri Emmanuelli devant la justice administrative.

Au cours du dernier examen contentieux de la légalité de la décision départementale, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avait été soulevée par le département au nom du principe de libre-administration des collectivités locales.

Dans sa décision du 7 juillet 2011, le Conseil constitutionnel retient cet argument et abroge donc l’article L.2224-11-5 du CGCT.

Les départements pourront donc désormais moduler leurs aides publiques octroyées aux communes en fonction du choix qu’elles feront entre gestion déléguée par concession, gestion déléguée par affermage ou gestion en régie, qui pourrait donc être favorisée par les départements.

Le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011
Le communiqué d’Henri Emmanuelli

Annexes

L’arrêt du Conseil d’Etat du 12 décembre 2003

« Le prix de l’eau sous la pression de l’exploitation privée »

Dossier de presse du Conseil général des Landes à télécharger, 7 juillet 2006

La décision du Conseil d’Etat du 4 février 2008

« Nouveau revers en Conseil d’État pour la Fédération des entreprises de l’eau »

Communiqué du Conseil général des Landes, 13 février 2008

« Le Conseil d’Etat confirme-t-il sa jurisprudence de 2003 sur les aides aux collectivités en régie ? »

Commentaire publié par le site « Eau dans la ville », 4 mars 2008

Marc Laimé

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