La guerre d’Afghanistan a été au cœur du sommet de l’OTAN qui vient de se tenir à Strasbourg, Baden-Baden et Kehl, et qui a été marqué par le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’organisation. Deux mois et demi après la prise de fonction de Barack Obama, il est encore trop tôt pour savoir exactement ce que sera la nouvelle politique étrangère des Etats-Unis.
Il y a un changement incontestable du discours. Mais reflète-t-il une évolution de la politique ? Dans un article intitulé « The Words Have Changed, but Have the Policies ? », paru dans l’International Herald Tribune du 2 avril, Peter Baker écrit :
« Ils [les responsables de l’administration Obama] peuvent envoyer 21 000 soldats supplémentaires en Afghanistan, comme Bush l’a fait en Irak ; mais il ne faut pas utiliser le mot “hausse”. Ils peuvent maintenir dans la prison de Guantanamo des gens capturés sur le champ de bataille, mais ceux-ci ne sont plus des “ennemis combattants”. Ils peuvent poursuivre le combat contre Al-Qaida comme leurs prédécesseurs l’ont fait, mais ils ne mènent pas une “guerre contre le terrorisme”. »
« Si ce n’est pas un guerre contre le terrorisme, alors qu’est-ce que c’est ? “Des opérations d’urgence (contingency) à l’extérieur”. Et les attaques terroristes ? Des “désastres provoqués par des hommes”. » (...)
« Ainsi, malgré tout le changement de vocabulaire, Obama a laissé intacte, pour l’instant, l’architecture nationale de sécurité. Il n’a fait aucun pas pour réviser le Patriot Act ou le programme d’écoutes. Il a ordonné la fermeture de Guantanamo d’ici un an, mais n’a pas transféré tous les prisonniers. Le renforcement des troupes en Afghanistan ressemble à celui que Bush a ordonné il y a deux ans en Irak. »
L’éditorial du Washington Post du 4 avril, « New Words for War », revient sur les mêmes questions.
« La secrétaire d’Etat Hillary Rodham Clinton a récemment confirmé l’abandon de la formulation “guerre mondiale contre le terrorisme”. Elle n’a pas expliqué pourquoi. “Je pense que cela va de soi, que c’est évident”, s’est-elle contentée d’affirmer. Cela soulève quelques questions évidentes : est-ce que la nouvelle administration croit que le combat contre Al-Qaida et d’autres groupes extrémistes islamistes ne relève pas de la guerre ? Est-ce que la menace contre les Etats-Unis eux-mêmes est moindre aux yeux d’Obama qu’à ceux de Bush ? Et est-ce que les Etats-Unis attendent toujours de leurs alliés militaires au sein de l’OTAN qu’ils se joignent à cette guerre sans nom, à cet effort “qui va de soi” ? »
Après s’être rassuré sur ces points en citant les différentes déclarations du président Obama, l’éditorialiste poursuit :
« Il semble donc que la “guerre mondiale contre le terrorisme” va continuer – simplement, elle ne portera plus de nom. Obama est très conscient des dégâts causés par l’administration Bush au prestige américain en Europe et à travers le monde musulman, et il a beaucoup parlé cette semaine d’un nouveau commencement. Comme beaucoup l’avaient signalé, la vieille formulation était gênante – la “terreur” désigne un moyen de guerre, pas un ennemi. Le défi pour la nouvelle administration est de décrire cet ennemi et la campagne contre lui de manière à convaincre de son urgence aussi bien les audiences américaine qu’européenne – et d’unir plutôt que de diviser. En ce sens, Obama a fait un bon début à Strasbourg. »
Dans le cadre de ce changement de vocabulaire, un entretien de la nouvelle ambassadrice américaine au Liban, Michele Sison, au site Naharnet (3 avril) nous apprend que la nouvelle administration n’utilisera plus le terme de « processus de paix », mais de « paix au Proche-Orient ».
Leçons américaines de la guerre du Liban
Un article du Washington Post (6 avril), signé Greg Jaffe, « Short ’06 Lebanon War Stokes Pentagon Debate », revient sur le débat qui divise les militaires à Washington : quel bilan tirer de la guerre du Liban de 2006 ? Le département de la défense a envoyé depuis la fin de cet affrontement entre le Hezbollah et Israël une dizaine de délégations auprès de l’armée israélienne pour en tirer toutes les leçons. L’armée américaine doit-elle se préparer à des combats conventionnels ou, au contraire, mettre l’accent sur les moyens de contre-insurrection, y compris les senseurs de détection ? Le secrétaire d’Etat Robert Gates, avec l’appui du président Obama, penche pour ce choix. Ce que confirme un article du même Greg Jaffe, avec Shailagh Murray, le lendemain : « Gates Seeks Sharp Turn In Spending ». Le secrétaire à la défense propose d’arrêter la production de l’avion de combat F-22 et d’autres programmes « lourds ». En revanche, l’accent sera mis sur les véhicules légers résistants aux bombes improvisées (IED), le développement de drones, l’accroissement du nombre de soldats de l’armée de terre, etc. Comme le remarquent les deux journalistes, cette nouvelle politique va se heurter aux intérêts de plusieurs Etats américains où sont concentrées certaines industries militaires.
Les gauches en Egypte, XIXe-XXe siècles
La revue Cahiers d’histoire publie un numéro spécial très fourni, coordonné par Didier Manciaud, sur les gauches en Egypte. « Il s’agit de montrer, explique-t-il dans sa présentation, tant sa richesse que sa diversité sans omettre les oppositions, les contradictions auxquelles les courants de gauche ont été confrontés dans cet important pays du Proche-Orient. Car la gauche égyptienne, les gauches au regard d’une réelle pluralité des sensibilités, des références, a joué un rôle significatif, dynamique et influent à différents moments de la vie politique et sociale de cette société dominée, autour de la problématique centrale ici de “classe et nation”. » On notera, parmi de nombreux textes, des articles de Katérina Trimi-Kirou (« Etre internationaliste dans une société coloniale : le cas des Grecs de gauche en Egypte, 1914-1960 »), de Joel Beinin (« Le marxisme égyptien, 1936-1952 : nationalisme, anti-capitalisme et réforme sociale »), deux articles sur les rapports entre les communistes et les officiers libres, et un portrait par Didier Monciaud d’une figure féminine de la gauche, Soraya Adham. (N° 105-106, juillet-décembre 2008, trimestriel, 26 euros. 6, avenue Mathurin Moreau, 75167 Paris cedex 19.)