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Intermède syro-libanais

par Alain Gresh, 15 août 2009

Aujourd’hui, le 15 août, le quotidien libanais Al-Akhbar, publie en supplément Le Monde diplomatique en arabe. Il en assurera la distribution au Liban et en Syrie. Le Monde diplomatique en arabe est déjà distribué en Egypte, en Palestine (grâce au soutien de lecteurs français), en Arabie saoudite, à Qatar, dans les Emirats arabes unis, au Koweït, au Yémen.

Je rappelle que le quotidien Al-Akhbar a été créé par le journaliste Joseph Samaha en pleine guerre israélienne contre le Liban, en août 2006. Joseph mariait un engagement sans failles aux côtés des forces de la résistance et une analyse sans concessions des contradictions du système politique libanais. Il aurait sans doute apporté une contribution au dernier revirement de la politique intérieure, le virage de Walid Joumblatt, le dirigeant du Parti socialiste progressiste, membre de l’Internationale socialiste et pilier du 14 mars, la coalition qui s’est formée après l’assassinat du premier ministre Rafik Hariri. Joumblatt a annoncé qu’il quittait le 14 mars, malgré la victoire de cette coalition aux élections législatives de juin 2009. Joumblatt affirme pourtant qu’il soutiendra la création d’un gouvernement d’union nationale sous la direction de Saad Hariri. Mais fait-il partie de la majorité ? de l’opposition ? Personne ne le sait plus vraiment.

Ce revirement appelle deux remarques. Ceux qui pensent que les clivages au Liban sont fondés sur des visions idéologiques, sur le clivage entre « démocrates » et « islamistes » (ou agents de la Syrie et de l’Iran) se trompent. Les divisions suivent des lignes complexes, souvent confessionnelles, et l’idée que l’on peut diriger ce pays en dressant la moitié de la population contre l’autre moitié est illusoire. Joseph Samaha le rappelait avec insistance.

D’autre part, le virage de Joumblatt confirme que, avec le départ de George W. Bush, une page s’est tournée dans la région. L’objectif de renversement du régime syrien a été abandonné par Washington et le Liban a sans doute perdu sa place centrale dans la stratégie américaine. Joumblatt en prend acte.

La réconciliation souhaitée par Joumblatt avec la Syrie ne sera pas facile, comme il le reconnaît lui-même. Il a usé de termes insultants à l’égard du président Assad, comme dans son discours du 14 février 2007 : « Ô tyran de Damas, ô toi le singe inconnu de la nature, le serpent dont tous les serpents ont peur, toi le requin vomi par l’océan, toi la bête sauvage du désert, toi la créature qui est seulement une moitié d’homme, toi qui est le produit d’Israël au détriment des cadavres du Liban-Sud, toi le menteur et l’archi-tueur, toi le criminel qui verse le sang au Liban et en Syrie, nous reprenons sur toi les mots du grand poète Nizar Qabani : “Tous les vingt ans vient un homme armé pour massacrer l’unité dans le berceau et pour tuer les rêves”. »

Un dernier mot concernant les rumeurs de nouvelle guerre au Liban. Le secrétaire général du Hezbollah, dans un discours du 14 août, a affirmé que la guerre n’était pas pour demain, mais a réitéré ses menaces : en cas d’agression, aucune ville israélienne ne sera à l’abri. Un thème qu’avait repris l’éditorialiste d’Al-Akhbar Ibrahim Al-Amine, le 7 août 2007, et qui se résume ainsi : dans la prochaine guerre, si l’armée israélienne bombarde Dhahiyyeh (le quartier sud de Beyrouth), le Hezbollah bombardera Tel-Aviv.

Alain Gresh

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