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Les enjeux du sommet de Copenhague

Changements climatiques : le grand tournant

par Philippe Rekacewicz, 4 décembre 2009

Organisée par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la conférence de Copenhague (7-18 décembre 2009) regroupe les 193 nations membres, plus d’une soixantaine de chefs d’Etat et nombre d’institutions internationales et d’organisations non gouvernementales qui tenteront de trouver un accord et de nouveaux objectifs pour poursuivre les efforts (modestes) engagés en 1997 lors de la création du Protocole de Kyoto. Ratifié par 175 pays (tous sauf les Etats-Unis…), il viendra à expiration en 2012. Les participants auront deux semaines pour s’entendre sur un nouveau chiffre de réduction pour les émissions de gaz à effet de serre, et surtout sur la répartition des efforts entre les pays riches et les pays pauvres.

Le président des Etats-Unis, M. Barack Obama, qui sera de la fête, a annoncé fin novembre, à la surprise générale, des objectifs chiffrés : une réduction de 17 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 par rapport au niveau de 2005. Cette annonce a déjà été jugée insuffisante par les mouvements écologistes qui ont demandé aux Etats-Unis de faire plus d’efforts. En réponse, Washington s’est dit prêt à s’engager sur 30 % de réduction en 2025 et 42 % en 2030. Quasi simultanément, Pékin dévoilait ses propres chiffres : une réduction de 40 % à 45 % de son « intensité carbonique » (émissions polluantes par unité de PIB) d’ici 2020 par rapport à 2005, soit un objectif beaucoup plus ambitieux. Par ailleurs, l’Union européenne s’est engagée sur une réduction de 20 % et s’est dit prête à aller jusqu’à 30 %.

Les scientifiques, par la voix du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), estiment qu’une réduction de 25 à 40 % d’ici 2020 par rapport au niveau de 2005 est indispensable pour contenir l’élévation de la température à moins de 2 degrés, chiffre au delà duquel les dérèglements climatiques vont s’aggraver de manière irréversible.

Les responsables onusiens restaient pessimistes jusqu’à l’annonce surprise des objectifs chiffrés des deux plus gros pollueurs de la planète.

Comme pour mieux préparer le public à ce sommet qui promet d’être le plus médiatisé de la planète, nombreuses ont été les sorties de livres et de films promettant le chaos — sinon l’apocalypse —, confirmant ou infirmant la réalité du réchauffement climatique. Puis, le spectaculaire piratage du serveur du prestigieux centre de recherche sur le climat de l’université britannique d’East Anglia, avec la mise à disposition du public d’une sélection de courriels qui prétendaient montrer que les scientifiques manipulaient les données. Tout cela aura fait long feu : quelles que soient les tentatives de désinformation des climato-sceptiques, il est indéniable aujourd’hui que les activités humaines contribuent pour une part non négligeable à l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et de ce fait, entraînent un réchauffement global de la planète.

Ci-dessous, une série de cartes, figures et explications essentielles pour comprendre les enjeux du Sommet.

Le système climatique

Quels sont les facteurs à l’origine des changements de climat ?

La science du climat repose pour l’essentiel sur des observations de phénomènes actuels (mesure directe des précipitations, des températures ou de la salinité de l’eau) ou passés (à travers des éléments qui ont capté et conservé les traces d’événements climatologiques, comme la glace, les dépôts sédimentaires ou même les troncs d’arbres). Pour comprendre et prédire les évolutions climatiques de la manière « la moins fausse possible », il est important de bien identifier tous les phénomènes qui contribuent à la variabilité du climat. Ces phénomènes forment un système interconnecté très complexe, dont l’observation permet de déterminer des modèles à partir desquels on peut élaborer des scénarios pour l’avenir du climat.

Des modèles — jamais parfaits — sont élaborés à partir des composantes majeures du système climatique : atmosphère, biosphère, cryosphère et hydrosphère, ainsi que des très complexes transferts d’eau, d’énergie, de particules chimiques entre ces quatre grands ensembles.

S’ajoute à cela la grande inconnue des catastrophes majeures (par exemple une éruption volcanique importante) ou de la manière dont les sociétés humaines modifient le « système terre-atmosphère » par leurs activités industrielles et agricoles. Or, dans les deux cas, les conséquences sur le climat sont radicales.

Processus chimiques et transport sur des longues distances dans l’atmosphère

Ce sont ces processus qui font le lien entre l’atmosphère et tous les autres éléments composant la surface terrestre (océans, terres émergées, biosphère, plantes marines et animaux).

L’effet de serre

Les activités humaines, en particulier les transports, l’industrie et l’élevage, contribuent à augmenter le niveau des émissions de gaz à effet de serre. Lorsque le rayonnement solaire arrive sur la surface terrestre, une partie est absorbée par les sols. Elle est convertie en chaleur et renvoie un rayonnement infrarouge vers l’atmosphère. Une partie de ce rayonnement est captée par les molécules de gaz à effet de serre et ré-émise vers la terre. Ce processus se répète plusieurs fois, et plus la concentration en gaz à effet de serre est importante, plus la terre et la troposphère se réchauffent.

Ce qui peut refroidir la surface terrestre

Les aérosols en suspension dans l’atmosphère filtrent le rayonnement solaire avant qu’il n’atteigne la surface de la terre. La plus ou moins grande concentration de ces particules peut avoir localement un impact non négligeable sur la température. Par exemple, si la vapeur d’eau agit comme un gaz à effet de serre, la surface des nuages renvoie le rayonnement solaire dans l’espace. L’eau est donc à la fois un facteur de réchauffement et de refroidissement. L’albédo — c’est-à-dire la capacité d’une surface à renvoyer le rayonnement solaire vers l’atmosphère — rends les calculs de réchauffement plus complexes. La fonte rapide de la calotte glaciaire arctique diminuera les surfaces blanches et réfléchissantes, et l’eau et la terre absorberont beaucoup plus de chaleur qu’elles n’en renverront dans l’atmosphère.

Qu’est-ce qui provoque les variations du niveau marin ?

Ce qui contribuera à l’élévation du niveau de la mer au cours des cent prochaines années

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a développé quatre scénarios socioéconomiques (plausibles) décrivant l’évolution des sociétés humaines pour les cent ans à venir, et tenant compte, entre autres, de l’évolution démographique, du développement économique, de l’utilisation de nouvelles technologies et de mesures environnementales. La variante A1 décrit un monde où la croissance économique est très rapide et l’utilisation d’énergie fossile très soutenue. La mondialisation économique, sociale et culturelle s’accentue. La population augmente régulièrement jusqu’au milieu du XXIe siècle pour ensuite décliner lentement.

Le graphique ci-dessus représente, dans l’hypothèse d’une évolution de type A1, la contribution relative de divers événements à l’élévation du niveau de la mer. Contrairement aux idées reçues, on voit que dans ce cas l’expansion thermale joue un rôle plus important dans la hausse du niveau de la mer que la fonte de la calotte glaciaire de l’Arctique (Climate Change 2001, Synthesis report, Contribution of working groups I, II and III to the Third Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Changes, Cambridge University Press, 2001).

Le cycle du carbone

Le carbone est le composant le plus abondant sur terre. Il est en perpétuel mouvement d’échange entre le vivant, la terre, les sédiments, l’océan et l’atmosphère.

Le cycle du carbone est resté stable durant plusieurs millénaires, mais l’industrialisation, depuis un peu moins de deux siècles, a rompu l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et la capacité de la planète à absorber le carbone en surplus dans l’atmosphère (forêts, océans).

Courants marins : la circulation thermohaline (conveyor belt)

Ces courants marins majeurs sont comme d’immenses autoroutes qui sillonnent la planète, composés alternativement de courants chauds (en surface) et de courants froids (qui plongent en profondeur jusqu’à 1 500 mètres). Cette circulation a un impact sur le climat de la terre. La fonte rapide de la calotte glaciaire est susceptible de changer la nature et la direction de ces courants, avec à terme, des changements sur les températures et les précipitations dans certaines régions du globe.

Etat des lieux

Comment sont élaborées les prévisions climatiques ?

Il est difficile de tout anticiper, mais il est nécessaire de bâtir des scénarios « plausibles ». Cela nécessite de bien maîtriser de nombreux indicateurs scientifiques et socio-économiques. Le jeu consiste à deviner ce que deviendront les sociétés, selon des modèles d’évolution « raisonnables » ou « déraisonnables ».

Les quatre scénarios du GIEC posent une question fondamentale : Le XXIe siècle sera-t-il de plus en plus industriel ou de plus en plus environnemental ?

Leur grande faiblesse est la difficulté à prévoir, sur une longue période, l’ampleur des progrès technologiques et de leur éventuelle influence sur les émissions, le réchauffement, les changements... Dans le meilleur des cas, cela pourrait rendre caduques toutes les projections.

Concentration de CO2 entre 1870 et 2100

La concentration de CO2 — relativement stable au cours des deux derniers millénaires — a commencé à augmenter dès le début de la révolution industrielle. Cet accroissement de plus en plus rapide, en particulier dans l’hémisphère nord, est très fortement corrélé à la combustion d’énergie fossile.

Evolution des émissions de CO2 par grandes régions

Sur un total d’environ 28 milliards de tonnes en 2007, l’Asie représente 11 milliards de tonnes, c’est à dire 40 % des émissions mondiales ! Après plus d’une décennie de croissance à deux chiffres, les émissions asiatiques représentent l’équivalent des émisions nord-américaines et ouest-européennes cumulées.

Evolution de la température au XXe siècle

L’évolution des températures moyennes montre un réchauffement de la planète de quelques dizièmes de degrés. Ce réchauffement n’est pas uniforme : il est beaucoup plus important dans un hémisphère nord très industrialisé que l’hémisphère sud.

Evolution de la température au XXIe siècle

Petite histoire de la température et de la concentration en CO2 au cours des 400 000 dernières années... et des temps géologiques

Au cours des 400 000 dernières années, le climat de la terre a été d’une grande instabilité, et a connu des changements assez « rapides »... à l’échelle géologique. Plusieurs fois, la terre a pu se réchauffer de quelques degrés en l’espace d’une dizaine de milliers d’années « seulement ». Le climat est passé plusieurs fois de tropical à glaciaire. Au cours des 10 000 dernières années, la température a été plus stable, mais les variations ont quand même été suffisamment importantes pour influer sur les sociétés humaines. Ainsi, la période du réchauffement médiéval a permis aux Vikings d’accoster sur les côtes du Groënland (en danois, « terre verte »), avant que le petit âge glaciaire sonne le glas de cette société, affectant aussi l’ensemble des sociétés européennes.

Cette figure très célèbre montre une très forte corrélation entre le niveau de concentration de CO2 et les changements de température. Depuis le début de la révolution industrielle, la part anthropique (due à l’humain) des émissions de CO2 est de plus en plus importante. Elle pourrait nous ramener dans une nouvelle période de forte instabilité, semblable à la période pré-glaciaire.

Emissions de CO2 par habitant pour certains pays

En volume, les émissions asiatiques dépassent celles des Européens ou des Américains ; mais si on les rapporte au nombre d’habitants, les pays riches (Etats-Unis, Australie, Japon) continuent d’être les plus gros pollueurs de la planète.

Possibles conséquences

Le changement climatique menace la productivité céréalière en Afrique

Le réchauffement climatique ouvre les routes maritimes dans la région arctique

Ceux que la mer menace

Les outils politiques

Objectifs du protocole de Kyoto pour 2012

En 1997, à Kyoto (Japon), les principaux pays du monde ont adopté un protocole contraignant qui exigeait des pays riches, pour la période 2008-2012, une réduction de leur émissions de gaz à effet de serre de 5,2 % par rapport à leur niveau de 1990. L’Allemagne s’était engagée à réduire ses émissions de 21 %, le Royaume-Uni de 12,5 %. L’Espagne, elle, était autorisée à les augmenter de 15 % (chiffre largement dépassé car les émissions ont augmenté en 2008 de plus de 50 %).

Pour être appliqué, le protocole de Kyoto devait être ratifié par des pays dont les émissions cumulées représentaient au moins 55 % du total pour 1990. Ce qui fut fait en février 2005, après la ratification par la Russie. En 2009, seuls les Etats-Unis n’ont pas ratifié le protocole.

Bien que l’objectif de -5,2 % reste très inférieur à ce qui serait nécessaire pour stabiliser la concentration de CO2 dans l’atmosphère, le protocole de Kyoto est une étape importante de la lutte contre le réchauffement climatique.

Dans le Monde diplomatique

 « Deux obstacles sur le chemin de Copenhague (décembre 2009, en kiosques)
par Riccardo Petrella

La Conférence des Nations unies sur le climat, qui se tiendra à Copenhague du 7 au 18 décembre, a pour objectif de définir des règles contraignantes pour lutter contre le réchauffement planétaire. « Réunion de la dernière chance » pour certains, elle suscite cependant moins d’espoirs que d’inquiétudes…

 « En Indonésie, palmiers à huile contre forêt (décembre 2009, en kiosques)
par Cédric Gouverneur

La forêt de l’île de Sumatra se réduit. Principal prédateur : la monoculture de palmiers à huile. Utilisée dans l’alimentation et les cosmétiques, l’huile de palme a trouvé un nouveau débouché : l’ester méthylique d’huile végétale, un agrocarburant.

 

L’Atlas de l’environnement
Réchauffement et dérèglement climatiques, montée des océans, désertification et déforestation, catastrophes écologiques, maladies environnementales… L’Atlas de l’environnement analyse, en 42 doubles pages, dont plus de 100 cartes et graphiques, d’abord « ce qui menace la planète », ensuite « ce qui peut la sauver ».
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Philippe Rekacewicz

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