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La « Bande des quatre », version Chine moderne

par Martine Bulard, 28 janvier 2010

Quatre vétérans, hauts dirigeants du Parti communiste chinois (PCC), ont écrit une « lettre ouverte aux dirigeants du Parti et du gouvernement » pour protester contre la condamnation à onze ans de prison de Lu Xiaobo, un signataire de la Charte 08 réclamant un système démocratique à l’occidentale (lire « Des papys du Parti réclament la libération de Liu Xiaobo », Aujourd’hui la Chine, 25 janvier 2010). L’initiative est venue de l’ancien patron du très officiel Quotidien du peuple Hu Qiwei, connu pour ses critiques contre les dirigeants actuels — un habitué des « samizdat », diffusés parmi les anciens, explique un ancien diplomate chinois à Paris. Et la lettre a été cosignée par Li Pu, ex-directeur général de l’agence de presse Chine nouvelle (Xinhua), par Dai Huang, ancien reporter de l’agence, étiqueté « droitier » en 1957 et « qui a terriblement souffert jusqu’à la mise en pratique des réformes et de l’ouverture », précise ce diplomate, et par He Fang, ancien secrétaire du numéro un du PCC avant la Libération Zhang Wentian, membre honoraire de l’Académie des sciences sociales.

Comme on le voit, il ne s’agit pas de « troisièmes couteaux », et il faut remonter aux événements de 1989 pour retrouver une telle remise en cause publique. C’est au nom du respect de la Constitution chinoise qu’ils condamnent le verdict : « Si le juge viole la Constitution et ne connaît pas l’histoire du Parti, expliquent-ils, cela ternira l’image du pays et du Parti et il sera difficile de montrer que la Chine est un pays régi par la loi et une société harmonieuse ».

Bien sûr, l’impact de la Charte 08 reste ultramarginal dans la société chinoise. Certains partisans du changement ont même refusé d’apposer leur signature au bas du texte (1). Parmi eux, l’avocat des droits de la personne Li Jinsong : « Je n’aime pas le ton de cette charte, qui a l’air de dire : on a trouvé les valeurs ultimes qui doivent présider au destin de l’humanité. » Ou encore Wang Lixiong, qui a lancé un appel en faveur d’une autre politique au Tibet et estime « insuffisant de s’inspirer du seul modèle occidental pour assurer la transition vers la démocratie. (…) Cette charte n’est pas en phase avec la nature de la société chinoise » (cité par Bruno Philip, « Une opposition chinoise s’organise et défie le pouvoir », Le Monde, 27 décembre 2008).

La quasi-totalité de la population ignore de tels débats, une bonne partie de l’élite se satisfait de la situation actuelle. Et le pouvoir se sent autorisé à durcir sa répression. A Pékin mais aussi à Urumqi (Xinjiang) et à Lhassa (Tibet). Il n’est pas sûr que cela ne se retourne pas un jour contre lui. L’alerte de la « bande des quatre » en apporte la preuve.

Après les Etats-Unis, la Grèce

Selon le Financial Times Athens hopes that Beijing will buy €25bn in government debt »), la Chine pourrait acheter une part de l’énorme dette grecque. La banque américaine Goldman Sachs, qui mène l’affaire, espère placer quelque 25 milliards d’euros auprès de l’administration des changes (Safe) qui gère les réserves chinoises. C’est la première fois que Pékin investirait dans la dette d’un des pays européens. Ce qui pourrait constituer un symbole de la volonté chinoise de sortir de son face-à-face avec les Etats-Unis. Toutefois, aucun accord n’a, pour l’heure, été conclu. La Grèce, qui a lancé un emprunt de 5 milliards d’euros, le 27 janvier, n’a eu aucun mal à trouver des acquéreurs, malgré la mauvaise notation dont l’avaient affublée les agences du même nom.

De plus, le gouvernement de M. Georges Papandréou aurait refusé la prise de participation d’un banque chinoise dans l’un des fleurons financiers du pays, la Banque nationale de Grèce. Ce qui ne devrait guère faciliter le dialogue sur le reste.

Il n’en demeure pas moins significatif que, après les bons du Trésor américain, ce soit ceux d’un pays européen qui intéressent les stratèges chinois.

Martine Bulard

(1Lire Martine Bulard et Jack Dion, L’Occident malade de l’Occident, Fayard, Paris, 2009

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