Ce texte a été mis à jour, modifé et augmenté de nouvelles images et de nouveaux liens le 23 septembre 2015, il est désormais consultable ici sous ce nouveau titre :
Tillabéry est un petit bourg situé à deux heures de route de Niamey, là où le fleuve Niger se scinde en une multitude de bras. Trois à quatre heures de pirogue sont nécessaires pour ceux qui souhaitent se rendre dans les villages situés de l’autre côté. En espérant que les hippopotames ne soient pas de trop mauvaise humeur, auquel cas faudra-t-il faire encore plus de détours et considérablement rallonger le voyage dans cette eau brune chargée de sable et de limons. A chaque averse, les voyageurs accostent et courent s’abriter dans les petites cases de fortune construites par les pêcheurs, qui chanteront en s’accompagnant d’une sorte de guitare à trois cordes pour que l’attente semble moins longue. Les voyageurs laisseront un peu d’argent entre les cordes de l’instrument. Pour ne pas heurter ses hôtes, c’est la guitare qu’on remercie...
Le fleuve Niger est un univers en soi, une société dans les sociétés africaines. « Le Niger, disait Jean Rouch, c’est la brousse, le “pays de la chasse au lion”, la brousse qui est plus loin que loin, le pays de nulle part. Et au pays de nulle part on peut rêver, on peut inventer. Et dans ce pays de nulle part, il y a le fleuve, et le fleuve c’est un miracle : le Niger est magique. »
Au pays des génies et des esprits, le qualificatif est approprié. « Dans ce pays où les gens n’ont rien, poursuivait-il, on sait être heureux. C’est pourquoi j’ai choisi de rester. Il existe comme ça dans le monde des petits paradis, et pour moi, le Niger en est un : c’est le désert, un paradis et le rire. Dans ce pays, les gens n’ont pas peur de la mort, car ils admettent que la mort est nécessaire pour que la vie existe ; nos civilisations occidentales, elles, vivent dans la terreur de ce qui va se passer après la mort (1). » Rouch, fasciné par les mythes, les rites et les légendes portées par le fleuve et les falaises — deux fractures majeures de la géographie physique de cette région —, aura consacré sa vie à les observer et les référencer avec sa caméra, qu’il utilise comme un stylo. Il filme comme d’autres prennent des notes, sans idées préconçues, sans scénario et en essayant d’interpréter le moins possible (2).
Tout commence en 1946. Jean Rouch part avec ses deux amis Jean Sauvy et Pierre Ponty pour une expédition exceptionnelle : la descente du fleuve Niger en pirogue de la source au Golfe de Guinée, sur plus de 4 200 kilomètres. Le voyage dure environ neuf mois et Rouch filme les paysages, la savane, le fleuve, les sociétés... Il sait à peine se servir de sa caméra, mais qu’importe, il apprend au fur et à mesure qu’il tourne, il comprend en même temps qu’il filme et surtout quand il remonte sa caméra, « le plus lentement possible, disait-il, pour réfléchir à ce que je viens de tourner et prévoir comment je vais tourner la suite ». Rouch est un cinéaste progressif, il n’anticipe pas, laisse les scènes se dérouler librement sous sa caméra : c’est un bricoleur génial qui ne construit pas son œuvre, mais qui la laisse se construire au gré de ce qu’il découvre sur les terrains de ses tournages.
Rouch disait souvent combien il aimait la gaîté des sociétés africaines dans lesquelles il vivait. Mais le rire, en Afrique de l’Ouest, peut aussi bien être une subtile expression de la douleur. « Au tout début de l’expédition, raconte Jean Sauvy lors d’une soirée d’hommage au cinéaste, nous n’arrivions même pas à identifier le lieu où se trouvaient les sources du grand fleuve. Les cartes, imprécises et lacunaires, ne les mentionnaient même pas. Nous savions que c’était dans la forêt quelque part... Les habitants de ce village de Haute Guinée où nous avions installé notre camp de base étaient notre seule ressource : eux savaient très bien où c’était. On leur demanda de nous y conduire, mais ils refusèrent catégoriquement car il y avait aux environs des génies qu’il valait mieux ne pas indisposer ni agacer. Nous avons donc attendu, dubitatifs, hésitants sur ce qu’il fallait faire, mais en plaisantant et en riant de notre mauvaise fortune : notre épopée commençait misérablement ! De leur côté, les villageois nous observaient et palabraient avec celui qui allait devenir notre traducteur. Après de longues heures, le traducteur vint vers nous et nous dit ainsi : “Les villageois acceptent finalement de vous conduire aux sources du Niger, parce qu’ils vous ont vu et entendu rire. Ils pensent que vous souffrez.” Tout partait donc du rire : nous avions ainsi compris qu’il était un auxiliaire modeste, mais certain des sciences humaines ! »
L’ethnologue cinéaste n’a jamais cessé de s’émerveiller des méandres de ce fleuve complexe et mystérieux qui exerçait sur lui une véritable fascination. Enfin arrivé au lieu même de la source, il écrit dans un de ses carnets : « Sous nos pieds naissait ce fleuve extravagant qui, tournant carrément le dos à l’océan si proche, s’enfonçait de toute sa jeune force vers le Nord. Abandonné bientôt par la forêt puis, après Bamako, par la savane, il s’égare dans la plaine de Ségou, découvre l’issue du labyrinthe du lac Débo, et, se dirigeant toujours vers le nord-est, indifférent à la disparition des derniers arbres rabougris, s’en va, tout seul, affronter le désert, risquer sa vie à Tombouctou dans les sables de la mort, pour enfin consentir, après Tosaye, à retourner vers le Sud, descendre vers Gao, retrouver une nouvelle jeunesse dans l’archipel de Tillabéry, essayer dans les zigzags rageurs du W de prolonger l’aventure, puis après les derniers sursauts des rapides de Boussa, épuisé, au milieu de la grande forêt retrouvée, se jeter dans la mer par un delta de plusieurs centaines de kilomètres de large : 4 200 km d’eau courante et qui suintait lentement du flanc de la montagne, à nos pieds... (3) »
Premiers contacts avec l’Afrique magique, l’Afrique des esprits. De cette première « aventure africaine » va naître un premier film, Au pays des mages noirs, qui ouvre l’époustouflant coffret de quatre DVD consacré à « l’œuvre ethnographique » de Jean Rouch et publié par les éditions Montparnasse (4). Il est nécessaire d’utiliser des guillemets, car Jean Rouch lui-même refusait de ranger ses films dans des catégories. Il aurait sans doute réprouvé ce terme, pour lui, son cinéma ne fait qu’un. Et de toute façon, comment faire pour classer l’œuvre d’un tel artiste ? Dans chacun de ses films, qu’il soit dit « documentaire » ou « fiction », il y a toujours un peu de tout : du réel et du fictif, du reportage et du drame (au sens de comédie), de l’imaginaire et de la réalité, de la poésie, des acteurs qui jouent à peine et des documentaires où les participants se mettent en scène... Tout est mélangé dans un subtil patchwork de transparence et de tendresse, mais aussi parfois de brutalité et de réalité crue (scènes d’excision et de sacrifice d’animaux). Ses films « se rattrapent les uns les autres ».
Le réalisateur nigérien Sani Magori, en évoquant le tournage de son film documentaire Pour le meilleur et pour l’oignon (5), racontait qu’au début, les participants, intimidés, répondaient de manière polie à ses questions. Au cours des quelques mois qu’a duré ce projet, les protagonistes se sont emparés du film et ont commencé, purement et simplement à jouer les scènes, de témoins ils devenaient acteurs, et finissaient par interpréter leur rôle.
Ce deuxième coffret DVD suit donc la trajectoire du fleuve Niger : un monde d’eau, de boue et de pierres. Jean Rouch livre les secrets du fleuve, nous en transmet les mythes, en conte les légendes comme personne. Il nous emmène pour un voyage au centre des mystères des peuples de la boucle du Niger. Chez les villageois magiciens du village de Wanzerbe, les pêcheurs Sorko du Moyen Niger, les Songhay et leur culte du génie de l’eau, puis les Dogons au Mali, qui célèbrent le culte des morts et commémorent l’invention de la parole... Sociétés sur lesquelles il va porter, à travers une centaine de films, un regard distancié mais profond et précis, respectueux des identités culturelles et ethniques. Il résiste à la tentation de couper de longs plans séquences pour montrer les événements dans leur continuité, être fidèle à la réalité du temps africain. Cette collection de DVD se termine par deux grosses blagues, comme pour trancher dans le sérieux et la scientificité des films qui précèdent : deux films publicitaires parodiques – pures merveilles cinématographiques – que Volkswagen et Peugeot avaient commandé à Rouch, mais qu’ils n’utilisèrent jamais en salle. Rouch et ses amis, Damouré, Lam et Tallou se seront bien amusé…
Petit documentaire emblématique de l’œuvre de Rouch, Au pays des mages noirs (1947) a été hélas formaté pour les actualités françaises (coloniales) et assorti d’un commentaire assez pompeux, mais on sent déjà poindre dans ce document essentiel ce que sera son cinéma. Au début du film, le générique prévient d’entrée : « Le public voudra bien excuser les imperfections qui peuvent entacher certaines images que nous n’avons cependant pas cru devoir retirer en raison de l’intérêt qui s’attache à cet extraordinaire document. » Cet avertissement sonne comme une prémonition puisque ce sera précisément une des « marques de fabrique » de Rouch qui voulait toujours démystifier la technique et montrer qu’on pouvait faire de l’art avec du matériel très simple.
« Sa caméra s’immisce au cœur de l’action, la modifie, la provoque, crée la réalité, écrit Jean-Paul Colleyn (6). Les professionnels du cinéma se sont irrités de l’imperfection technique de certains plans, des lignes d’horizon penchées, des raccords de montage atypiques, de l’allure chaotique de films soumis aux aléas de l’instant et de l’improvisation. C’est ce côté inachevé, voire “fauché” de son cinéma, ces traits auxquels il tenait par-dessus tout, qui ont laissé [Rouch] en marge du “grand cinéma”, mais ne l’ont pas empêché de recevoir les plus hautes distinctions. » Le film présente une chasse à l’hippopotame (il en fera un « remake » en couleur quelques années plus tard) et une première version de la danse des génies (danse de possession) où les sujets « possédés » par les Dieux passent de la douceur à l’extase. « Il est là le génie du fleuve, s’exclame Rouch dans un commentaire impressionnant, d’autres génies se joignent à lui, l’hystérie devient collective ! » La nuit enfin efface l’extase, le lendemain tout redevient absolument normal : « Est-ce le même peuple ? Est-ce le même village qui se réveille dans la lumière blanche alors que le fleuve et la forêt déroulent éternellement leur drame quotidien ? »
Rouch voulait rendre aux Africains leur cinéma et avait pris l’habitude de montrer ses films à ceux qui étaient filmés (7). C’est ainsi que, dans Bataille sur le grand fleuve (1951), il mixe de la musique sur les images d’une chasse à l’hippopotame. Cette musique est bien enregistrée dans le village, mais à un tout autre moment. Lorsque le film est présenté aux acteurs, ceux-ci protestent : « Il n’y a jamais de musique pendant la chasse, elle ferait fuir le gibier ! » « Une telle évidence est une leçon d’ethnographie, que Rouch accepte immédiatement, écrit Marc Henri Piault. Désormais le son naîtra de l’image et les films seront des productions collectives en collaborations avec ceux qui en sont les acteurs sujets (8). »
Dans Cimetières dans la falaise (1954), qui montre le rituel funéraire chez les Dogons à l’occasion de la noyade d’un jeune homme, Rouch filme tout, mais hésitait à filmer les femmes qui pleurent. Marcel Griaule (9) lui avait dit qu’il pouvait les filmer sans problème, car ce sont des « pleureuses professionnelles », ce sont des « deuilleuses ». Or, parmi ces femmes, il y avait la mère du jeune mort. On ne la voit pratiquement pas dans le film, mais on l’entend chanter. « On entend son chant merveilleux, dit Rouch, qui sonne comme un acte de transition entre la terre, l’eau et le ciel » :
Mon fils, le soleil se lève à l’estCe matin le soleil s’est levé à l’ouestEntends le chant du coqIl est temps de téter mon filsMon sein est plein de laitVa retrouver tes ancêtresQui te donneront à téter et à boire
Il faut s’attarder sur les images uniques de Sigui synthèse (1967-1973) l’invention de la parole et de la mort, tourné avec Germaine Dieterlen. Tous les soixante ans, les Dogons célèbrent le « Sigui » ; les festivités durent sept ans. Rouch et Dieterlen se rendent aux falaises de Bandiagara chaque année, et réalisent sept petits films séparés qu’ils réunissent ensuite dans une « synthèse ». « Mais en 1973, la dernière année, raconte Rouch, le Mali avait interdit qu’on prenne des photos ou que l’on tourne des films au cours de cette année de grande sécheresse. Cette année-là coïncidait avec les cérémonies du Dama (qui n’avaient rien à voir avec les commémorations du Sigui) au cours desquelles les Maliens buvaient de la bière de mil plus que de raison... Le gouvernement pensait alors que les esprits occidentaux, les pays riches qui fournissaient des millions de dollars d’aide, ne pourraient pas comprendre l’importance de ces aspects culturels (pourquoi envoyer du grain si c’est pour le boire au lieu de le manger ?). Nous n’avons donc pas pu tourner, il nous manquait une année de “Sigui”... Dans la synthèse, la dernière année est une reconstitution tournée en 1974 avec trois Dogons qui sont allés au bas de la falaise “caresser” les peintures qui représentent les masques (c’est-à-dire les rafraîchir), leur gourde remplie à ras bord de bière de mil. » Rendez-vous désormais en 2033...
Il y a enfin cette énorme plaisanterie, véritable comédie burlesque subtile et magnifique, VW voyou (prononcer « vévé »), tourné en 1973, qui devait être originellement une série de petites publicités d’une minute pour vanter les mérites de la Volkswagen-coccinelle et qui furent finalement réunies en un seul film de vingt minutes. Rouch et ses trois fidèles amis, ses acteurs fétiches Damouré Zika, Lam Ibrahim Dia et Tallou Mouzourane, caricaturent les pubs occidentales, et rendent complètement ridicules quelques aspects de nos sociétés : la compétition, l’ascension sociale, l’identification à travers un objet « mythologique ». « Voilà la voiture qu’il te faut ! » Damouré le dit et le répète, il faut donc le croire. « Elle passe partout ! » Et elle convient à tout le monde en toutes saisons, aux vieux, aux jeunes, aux pauvres et aux riches, en saison sèche comme en saison des pluies. Elle est universelle. C’est ce que le griot répète de manière lancinante et chantée, avec son petit instrument au bord de la route lorsque passe en trombe la Coccinelle :
VW, VW, VW,VW c’est un fouVW c’est un voyouelle passe partoutsur les montagnes, sur les caillouxelle s’en va dans la brousseelle s’en va dans les montagnes, dans les caillouxje suis content avec VWVW passe partout
La Coccinelle s’arrête à quelques centimètres d’un pont détruit par un orage trop violent pour montrer à quel point elle freine bien : intéressant clin d’œil de Rouch à son passé. Il a été au début des années 1940 ingénieur des ponts et chaussées et a construit des routes et des ponts dans toute la « sous-région » colonisée (Niger, Mali et Haute Volta — aujourd’hui Burkina Faso). Ce pont écroulé est peut-être l’un des siens, le symbole de la rupture entre sa vie d’avant (européenne) et sa vie d’après (essentiellement africaine). Une imprudence de Damouré et la VW s’écrase dans un ravin. Elle passe partout... « J’ai pas fait attention. Mais c’est pas grave, l’avantage de cette voiture, c’est que ça se répare bien et très vite » (comme tout en Afrique). Damouré complètement sonné et poussiéreux se relève avec difficulté, il ramasse un pare-choc et un bout de moteur et les jette dans la voiture cabossée, disloquée. C’est le moment-clé, l’instant extrême du passage de la réalité au rêve.
La VW ressuscitera par la magie du cinéma, elle ne peut pas mourir comme ça. « La mort n’existe pas pour ceux qui ont fait quelque chose, dira Rouch, les gens ici au Niger m’ont appris deux choses : que le temps, ça n’existe pas ; et la patience ! Le temps c’est la mort. Je n’ai plus de montre, car avoir une montre, ça veut dire qu’on va mourir. Il faut éliminer le temps » (10).
Le cinéma de Rouch danse entre les mythes et la réalité, les pratiques traditionnelles, et les usages des sociétés contemporaines africaines sur lesquelles il porte un regard cynique (Petit à petit, 1971 (11)). Le ton est burlesque et moqueur, les personnages dans des situations volontairement grotesques. Le capitaliste africain rentre dans une compétition effrénée et veut à tout prix que son immeuble soit « plus grand ». La 2 CV « qui ne tient qu’avec du scotch et de la ficelle » dans Cocorico Monsieur Poulet (1974) (12) est celle de Lam, dit Monsieur Poulet, qui veut faire des affaires. Il va se lancer, flanqué de ses deux assistants Tallou et Damouré, dans le commerce des poulets qu’il veut acheter en brousse et revendre à Niamey. Mais en brousse, point de poulet... seulement une succession d’aventures invraisemblables où là encore on oscille entre le réel et la féerie. « Le cinéma, art du double, écrit Rouch, est déjà le passage du monde du réel au monde de l’imaginaire, et l’ethnographie, science des systèmes de la pensée des autres, est une traversée permanente d’un univers conceptuel à un autre, gymnastique où perdre pied est le moindre des risques (13). »
Rouch a aussi inventé le cinéma réversible. Il commence sa carrière en observant et retranscrivant la vision du colonisateur sur le colonisé, mais ensuite, dans plusieurs de ses films, il applique le principe de réversibilité et fait jouer aux Noirs les rôles qu’ont habituellement les Blancs qui s’étonnent parfois et s’offusquent de cette image que Rouch leur renvoie d’eux-mêmes... Ici, le cinéma cesse d’être à sens unique. L’ethnologue africain (Damouré) qui, dans Petit à petit, enquête sur la société parisienne comme un entomologiste le ferait sur un coléoptère est une des scènes les plus hilarantes de son œuvre.
« En tant qu’étranger, écrivent Sarah Elkaïm et Mathieu Macheret (14), il a réussi son entrée en Afrique. Il n’est ni celui qui contemple l’Afrique depuis l’Europe, ni celui qui se prend pour un Africain. Jean Rouch ne tend pas à résorber son statut d’infiltré. Il part de là, justement, de son hétérogénéité, il filme l’Afrique de l’intérieur dans le sens où il la découvre pendant qu’il la filme, où il la pense pendant qu’il la découvre. Quel regard est plus “embarqué” que celui qui avoue ne rien savoir encore de ce qu’il filme et découvre avec sa caméra ? »
Jean Rouch aura été un lien solide entre des sociétés qui, sans lui, n’auraient jamais dû se croiser. Il a fait connaître une Afrique intime et vraie à un public qui en ignorait jusqu’à l’existence. Il avait soif de transmettre. Il restera le symbole d’un cinéma généreux qui non seulement donne beaucoup aux spectateurs, mais essaye de rendre l’essentiel aux acteurs et aux protagonistes de ses films. « Si vous voulez sauver les connaissances, les faire voyager à travers l’espace et le temps, dit-il dans le commentaire de son ultime film Le rêve plus fort que la mort, coréalisé avec Bernard Surugue, confiez-les simplement aux enfants. »