• Chassés d’Afghanistan, les partisans d’Al Qaeda se sont redéployés au Yémen, en Somalie, au Sahel, nous explique Karl Von Wogau, ancien président de la sous-commission de défense au parlement européen : « Le but initial de l’intervention américaine et internationale dans ce pays n’existe plus. Alors, pourquoi y rester ? ». Ce démocrate-chrétien allemand rappelle qu’il avait été favorable à l’engagement allemand en Afghanistan, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui : « Notre ennemi, c’est le terrorisme international, pas les talibans. Et ce n’est plus une tâche militaire, mais surtout policière ».
• « Il faut poursuivre l’engagement en Afghanistan, assure Guy Tessier, président de la commission de la défense à l’assemblée nationale française. Sinon, à quoi aurait servi le sacrifice des quarante-sept militaires qui y ont perdu la vie. Ce qui est en jeu, c’ est la sécurité internationale ; et, pour la France, son rôle dans le monde ».
Drogue explosive
• « Pas question de se réjouir des difficultés américaines et alliées en Afghanistan », confie Viktor Ozerov, président du comité de défense et de sécurité au Conseil de la fédération de Russie : un échec de l’Otan rejaillirait sur les républiques d’Asie centrale, alliées naturelles de Moscou. Mais pas question non plus d’y envoyer des troupes : il se satisfait de l’octroi d’un droit de transit pour le ravitaillement de la coalition. Sa hantise : l’explosion de la production et du trafic de la drogue, qui a, en Russie aussi, des conséquences de plus en plus inquiétantes, selon lui.
• « La Pologne veut sortir ses troupes d’Afghanistan », confirme Stanislas Wziatek, président de la commission de défense nationale à la diète, bien qu’elle ait récemment augmenté les effectifs de son contingent, pour satisfaire aux demandes américaines. Mais « cette mission doit finir au plus vite », assure le député, pour qui il aurait fallu « gagner le cœur des populations afghanes », alors que les sondages indiquent le contraire. Une mission qui est au dessus des forces d’une armée polonaise en voie de resserrement, explique le parlementaire.
Drones armés
• « Où pourrions-nous être sûrs d’utiliser un drone armé sans risque ? », s’interroge publiquement l’amiral Edouard Guillaud, chef d’état-major des armées françaises, au cours d’une séance plénière : « Nulle part, sauf au Sahel », se répond-il. Il venait de relater une anecdote : le général américain McChrystal, juste avant son limogeage, a sanctionné deux officiers accusés d’avoir déclenché un tir de drone n’ayant touché que des civils.
Précision : les armées françaises n’utilisent ni ne possèdent de drones armés. Et le but de l’amiral était surtout de montrer qu’à l’avenir, en raison d’une « judiciarisation » galopante, il faudra pour l’encadrement militaire « édicter des règles d’engagement claires et compréhensibles », qui « ne nous lient pas dans le dos », mais qui « ne nous amènent pas devant les médias et les tribunaux ».
Europe essoufflée
• « Avec la crise, la dynamique de la politique européenne de sécurité [PESD] et de défense s’est essoufflée », a reconnu Hervé Morin, dans un discours-bilan sur ses trois ans à la tête du ministère de la défense (1).
• « Nous sommes les seuls, avec les Britanniques, et le soutien des Etats-Unis, à nous préoccuper de la réforme de l’Otan », a assuré le ministre français, qui se dit partisan d’une modernisation des structures de commandement, d’une rationalisation du système des agences spécialisées, de l’arrêt de la fuite en avant des budgets et d’une réduction des état-majors et des empreintes territoriales, jugés trop nombreux.
• L’axe Paris-Londres a repris un peu de vigueur ces derniers mois : mais, loin des mirages parfois évoqués (partage ou coordination des porte-avions et des sous-marins nucléaires, etc), il ne faut pas attendre mieux qu’une optimisation de certains moyens, par exemple dans l’utilisation des flottes d’avions de transport A400M. A l’exception des missiles MDBA, il n’y a actuellement aucun programme industriel en commun.
Casque stéréo
• Mais Hervé Morin, le ministre français de la défense risque d’avoir à batailler justement avec les amis « brit » à propos de la création, à Bruxelles, d’un quartier général permanent : Londres a toujours cherché à l’éviter, flairant un doublon avec l’Otan, voire une machine anti-américaine. Mais, explique Morin, « c’est en cohérence avec ce qu’on fait déjà. Nous avons des GT1500 (groupements tactiques de 1500 hommes), projetables dans les 10 jours. Comment voulez-vous le faire sans quartier général permanent ? » (2).
• Les relations Otan-Union Européenne, vues par le vice-amiral d’escadre Xavier Païtard, qui vient de prendre ses fonctions comme représentant militaire de la France à Bruxelles, auprès des deux instances : « Je suis avec un casque en stéréo. Mais dans ce casque, il y a un côté qui est plus fort que l’autre. La voix de l’Otan est forte, claire, tandis que celle de l’Union Européenne n’arrive pas à se faire entendre ».
• A propos du futur « nouveau concept » que prépare l’Otan, pour son sommet de novembre, ce plaidoyer de Robert Walter, le président (britannique) de l’Assemblée européenne de défense, appelée à disparaître prochainement : « On ne peut définir un nouveau concept stratégique en Europe sans inclure la Russie, nous avons besoin de sa coopération pour contrer les menaces nucléaires, terroristes, ou en Afghanistan ».
Rafale for ever
Organisées avec le soutien de l’armée de l’air, avec acheminement aérien depuis Paris, et visite des bases d’Istres et Salon de Provence, cette « université d’été de la défense » a fait la part belle au Rafale : longue démonstration en vol du chasseur multi-mission français, rappel des capacités de l’appareil-miracle en Afghanistan ou sur le porte-avions, mobilisation tous azimuts du « lobby » Dassault…
Charles Edelstenne, le directeur général du groupe Dassault, constructeur du Rafale, a rappelé que la vie d’un avion de combat s’étend sur 50-60 ans, précisant que son chasseur dernier-né, conçu au début des années 1980, n’a atteint son standard multi-missions qu’il y a deux ans, et ne cessera d’évoluer, si du moins Dassault arrive à maintenir le savoir-faire de ses bureaux d’études : allusion à la baisse attendue des crédits dont disposera l’armée de l’air, à un nouvel étalement éventuel des commandes du Rafale, et aux interrogations sur la suite du programme du futur avion Neuron (dont la maîtrise d’œuvre a été confiée à Dassault).
Edelstenne a plaidé pour une « préférence européenne » déjà mise à mal par les choix de plusieurs pays (Danemark, Pays-Bas, etc) en faveur du F35 américain. A propos des restructurations dans l’industrie européenne de défense, leitmotiv des ministres et haut-fonctionnaires, Serge Dassault, toujours aussi peu convaincu de la nécessité de partager, a simplement lancé :« Coopérer avec qui ? » (3).
Serge Dassault n’avait pas, cette fois, à « l’université de la défense », son habituel et vaillant contradicteur : notre ami Jean-Paul Hébert, spécialiste des questions d’armement et d’économie de la défense, à la fois chercheur et militant, qui nous a quitté brusquement en juillet dernier, et nous a bien manqué cette fois.