Le XIe congrès national du Parti communiste vietnamien (PCV) s’est achevé le19 janvier, sans surprises particulières. L’actuel président de l’Assemblée nationale, M. Nguyên Phu Trong, a été élu secrétaire général du comité central. Il succède en douceur à M. Nông Duc Manh, atteint par la limite d’âge après deux exercices à la direction du Parti (2001-2010). Le choix de M. Trong, un Hanoïen de toujours, perpétue la mainmise des gens du Nord sur le poste de secrétaire général.
Le premier ministre, M. Nguyên Tân Dung, a été réélu au bureau politique (politburo). Il devrait donc conserver son poste de chef du gouvernement. Mais sa nomination formelle, tout comme celle du nouveau président de la République socialiste du Vietnam, n’aura lieu que le 22 mai 2011, quand l’Assemblée nationale renouvellera ses 500 députés.
Tenus une fois tous les cinq ans, les congrès du PCV représentent les événements politiques les plus importants de la nation. Les délibérations sont secrètes, mais les décisions largement médiatisées, aucun citoyen ne devant les ignorer. Le XIe s’est déroulé neuf jours durant à Hanoï, décorée avec un peu plus de faucilles et de marteaux jaunes sur fond rouge qu’à l’accoutumée. Clôturant l’exercice précédent (2006-2010), 1 377 délégués représentant les 3,6 millions de membres du parti ont élu un comité central composé de 175 membres – il y avait 218 candidats. Ce comité central renouvelé, lui, a élu les 14 membres du bureau politique (1). Puis, parmi ceux d’entre eux qui avaient déjà effectué au moins une mandature dans le comité central, il a choisi le secrétaire général. Très codifiées, ces procédures quasi rituelles produisent les pyramides organisationnelles chères tant au léninisme qu’aux plus modernes multinationales. Cela tombe bien : le Vietnam, comme la Chine, chérit la formule « économie de marché à orientation socialiste ».
Pour l’essentiel, les congrès du PCV consistent en une promotion des plus anciens aux postes à responsabilité. Ils accompliront un ou deux mandats avant leur départ en retraite. L’âge moyen des 1 377 délégués était de 53,6 ans. Un seul comptait moins de 30 printemps, et seulement 263 moins de 50. L’ancienneté de l’adhésion au parti constitue un sésame : parmi les 1 377 délégués, les trois quarts en sont membres depuis plus de vingt-cinq ans (2). Pour être élu au comité central, et a fortiori au bureau politique, il faut plus de patience. Né en 1944, M. Trong, le nouveau secrétaire général, est membre du PCV depuis 1968 et du bureau politique depuis 1997.
Si 12,13% des délégués étaient issus de minorités ethniques (qui représentent 15 % de la population vietnamienne), cette proportion chute au fur et à mesure que l’on escalade la pyramide. De même pour les femmes : un maigre 10,89 % des délégués étaient de sexe féminin ; une seule femme a été élue au comité central (7,14 %). Celui-ci et le bureau politique sont donc tenus par des hommes, âgés et d’ethnie kinh (viêt). Autrement dit, la figure traditionnelle du mandarin, du chef de famille responsable, du géronte. Cette tendance s’accentue : le nouveau secrétaire général, tout comme le précédent, a bénéficié d’une réforme de 2001 qui permet d’être élu à 67 ans, contre 65 ans auparavant. A titre d’exception pour confirmer la règle, une déléguée, Mme Vuong Thi My, cumulait les trois situations minoritaires : femme, jeune (elle est née en 1982) et issue de l’ethnie mong.
La principale nouvelle politique de ce congrès, c’est que M. Dung parviendra à se maintenir au poste de premier ministre, sauf coup de théâtre. De fortes critiques internes contre son action, tout au long de l’année passée, avaient un temps laissé penser qu’il serait éjecté du bureau politique. Il n’en est rien. M. Dung sortira peut-être même renforcé d’avoir surmonté cette crise.
On pouvait se demander comment évoluerait l’équilibre régional dans la « troïka » qui dirige le pays. Il est stable, avec deux sudistes et un nordiste au sommet. Comme il était difficilement concevable que les sudistes obtiennent les deux postes les plus importants, M. Truong Tân Sang (sudiste) fait les frais de ce doublon impossible : il devra se contenter du poste de président, largement honorifique. Il est le perdant de ce congrès.
Une autre question qui a beaucoup préoccupé les commentateurs concerne les amitiés particulières entre les membres du politburo et leurs homologues chinois. Une hypothétique faction chinoise s’emparerait-elle de la direction du parti ? Rien ne l’indique. Pas plus qu’une ligne de clivage claire entre « conservateurs » (entendre : stalinien) et « progressistes » (entendre : capitaliste) ne peut être tracée, n’en déplaise à certains éditorialistes occidentaux. La résolution finale du congrès, qui formule la stratégie socio-économique à suivre dans les cinq prochaines années ainsi que la vision à promouvoir à l’horizon 2020, a certes des accents planificateurs à l’ancienne. Mais, dans le Vietnam contemporain, qui y prête grande attention ? Les bouleversements économiques, leur frénésie, imposent une navigation à vue. Et cela vaut pour le bureau politique. Les rivalités idéologiques pèsent moins que les alliances de circonstance. Résumer ce congrès d’un mot ? Disons : « pragmatisme ».