Le numéro de février 2011 du Monde diplomatique propose un reportage de Tristan Coloma sur les grands projets hydroélectriques en République démocratique du Congo (RDC) avec le développement du barrage Grand Inga dont le gigantesque potentiel de production pourrait, à terme, servir une grande partie des besoins d’Afrique subsaharienne. Ce complément cartographique donnera aux lecteurs une idée de la situation socio-économique de la RDC, et plus généralement de l’Afrique subsaharienne.
« Le bilan congolais est pour le moins paradoxal. La RDC fait partie des Pays pauvres très endettés (PPTE), écrit Tristan Coloma, alors même qu’elle regorge de matières premières, au point de se voir qualifier de scandale géologique. Selon l’analyste des affaires Stuart Notholt, cité par le magazine African Business en février 2009, les potentialités minières de la RDC sont évaluées à 24 000 milliards de dollars – équivalent au PIB cumulé de l’Europe et des Etats-Unis. » Si scandale il y a, c’est qu’avec un tel potentiel, la RDC affiche d’aussi tragiques résultats pour le développement humain.
Transports
Très fragmenté, le réseau ferroviaire et routier manque cruellement de connexions reliant les régions entre elles. En dehors de l’Afrique du Sud, la vétusté des routes et des voies ferrées entraîne de nombreuses interruptions dans le service. Certaines lignes restent fermées dans les zones de guerre ou de forte insécurité, alors qu’elles seraient vitales pour le développement de ces régions. Sans moyens de se déplacer, il est difficile d’installer et de gérer des infrastructures de santé et d’éducation : « Ttant que l’Afrique subsaharienne ne disposera pas d’un réseau de transport digne de ce nom, rappelle Benjamin Steck, directeur du Centre interdisciplinaire de recherche sur les mobilités (CIRTAI) au Havre, il est presque inutile de parler de développement. »
Ruralité et urbanisation
L’Afrique reste le continent le plus rural de la planète avec 600 millions de ruraux sur une population total d’un peu plus de un millard de personnes en 2010. Mais depuis une dizaine d’années, l’exode des campagnes vers les villes est spectaculaire par son intensité. A l’exception du Maghreb et de l’Afrique du Sud, il n’y a pas de « réseau urbain » bien hiérarchisé comme en Europe ou en Chine (avec un canevas de villes intermédiaires qui offrent des services spécifiques). Le modèle est plutôt monocéphale (ou unipolaire), avec en général une grande ville ou une mégalopole, éventuellement (mais pas nécessairement) une ou deux villes moyennes, puis directement les villages. Plusieurs immenses conurbations sont en train de se former : en Egypte, sur la côte du Golfe de Guinée et à la frontière des deux Congos avec Kinshasa et Brazzaville. Dans les pays les plus pauvres, l’essentiel de la population (jusqu’à 80 % ...) vit dans des taudis (lire « L’Urbanisation du monde », Manière de voir n° 114, décembre 2010 – janvier 2011).
Énergie
L’Afrique peut compter sur un immense potentiel de production d’énergie renouvelable. Deux méga-projets son actuellement en cours d’étude. Le premier, soutenu par la fondation Desertec, est un projet intercontinental regroupant les pays du Golfe, le Proche-Orient, l’Afrique du Nord et l’Europe au sein d’un immense réseau de production, spécialisée selon les milieux géographiques : panneaux solaires dans le désert, éoliennes sur les côtes, barrages dans les montagnes... L’ensemble étant relié par un écheveau de lignes électriques de grande capacité. Le second, c’est la construction du Barrage du Grand Inga qui, avec ses 44 GW pourrait à terme « illuminer » une grande partie de l’Afrique subsaharienne. La RDC pourrait même exporter de l’electricité vers l’Europe et le Proche-Orient. Ces rêves énergétiques ne doivent pas nous faire oublier que le continent reste encore très riche en ressources fossiles, qui continueront d’être exploitées quelques décennies. L’Afrique du Sud est à l’heure actuelle le seul pays produisant de l’électricité nucléaire, mais les cinq pays d’Afrique du Nord ont signé des accords avec la France pour développer des projets de centrales nucléaires, à l’horizon 2020-2025.
Accès aux services de base
Les deux gros consommateurs d’électricité restent deux pays fortement urbanisés, l’Egypte et l’Afrique du Sud. En quinze ans, la population ayant accès à l’electricité est passé de 20 % à 30 %, soit une augmentation de 10 % seulement, alors que l’accès à d’autres services de base (eau, toilettes et téléphone) n’a pratiquement pas évolué. L’accès à Internet reste très marginal dans les pays les plus pauvres (moins de 2 % de la population). Enfin, seule une toute petite fraction de la population la plus démunie du continent (moins de 4 %) à accès à l’eau potable et/ou l’électricité. Il n’est pas rare que les ménages soient équipés d’un téléphone portable avant même de disposer de l’eau courante ou de suffisamment d’argent pour nourrir correctement toute la famille.
Santé
Pourtant estimées à des milliers de millards de dollars, l’exploitation des richesses minières et énergétiques n’ont pas accompagné — loin de là — le développement socioéconomique des populations. Pour l’essentiel des pays, les indicateurs d’éducation et de santé restent catastrophiques : en RDC, un enfant sur cinq meurt avant d’atteindre l’âge de 5 ans. L’Afrique est le seul continent sur lequel le développement humain stagne depuis ces dix dernières années. Mais que faire lorsqu’un seul médecin n’est disponible pour servir plusieurs dizaine de milliers de personnes ? Un Africain, en moyenne, vit trente à quarante ans de moins qu’un Européen.