Finalement, la révolution n’a pas eu lieu en Biélorussie. Les quelques concessions accordées à l’opposition – dont l’accès aux médias est limité – lors de la période électorale de décembre 2010 avaient pourtant fait naître quelques espoirs. Ils furent très vite brisés par une brutale reprise en main. Réécrite, canalisée, censurée, l’information ne sert qu’une cause, celle du pouvoir en place. L’opposition reste isolée et peine à se structurer.
Le 21 janvier 2011, Alexandre Gregorevitch Loukachenko a officiellement pris — pour la quatrième fois consécutive — ses fonctions de président de la République de Biélorussie, un mois après avoir remporté les élections dès le premier tour avec 79,65 % des voix (selon les sources officielles, pour une participation de 90% ; les études indépendantes l’avaient crédité de 35 % des voix au premier tour). Comme les deux derniers scrutins, ces élections ont été entachées de fraudes massives et de pressions sur les votants, et donc une nouvelle fois invalidées par les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La campagne présidentielle a pourtant présenté une configuration inédite où, en partie grâce aux pressions de l’Union européenne et la Russie, les membres de l’opposition ont pu avoir accès aux médias nationaux, et des observateurs étrangers assister au déroulement du scrutin.
En septembre, M. Loukachenko annonce que les élections présidentielles seront avancées au 19 décembre, anticipant ainsi de plus de quatre mois l’échéance électorale et prenant de court l’opposition. Il a quelques raisons d’être pressé. Fort de son expérience passée, il sait qu’il est plus facile de gérer des manifestants par -15°C plutôt qu’au début du printemps. Par ailleurs, les lignes de crédit s’épuisent, et il risque de ne plus pouvoir payer pensions et salaires, ce qui en pleine période électorale alimenterait l’instabilité sociale. Enfin, il est plus facile de renégocier les prêts avec la Russie en qualité de nouveau président.
Soufflant le chaud et le froid, feignant de se rapprocher de l’Europe, puis se retournant finalement vers le « grand frère russe », M. Loukachenko règle le curseur de ses relations en fonction de ses besoins de crédit auprès de l’Europe, de l’application incertaine des accords douaniers sur le lait ou le gaz avec la Russie, et de la nécessité de flatter la fibre nationaliste en jouant la carte de l’indépendance et du « seul contre tous », entretenant le mythe d’une Biélorussie indépendante et économiquement stable.
La faiblesse de son commerce extérieur met effectivement la Biélorussie à l’abri des crises systémiques. Mais son indépendance est toute relative : sans ressources énergétiques propres, sans accès à la mer, son budget dépend en grande partie des ristournes accordées par la Russie sur le prix du gaz et pétrole (42 milliards de dollars sur les dix dernières années). A titre de comparaison, le budget du pays pour 2010 était de 10 milliards de dollars, et sa dette dépassait 25 milliards de dollars.
Bien que Moscou ait durci le ton, sa politique à l’égard de M. Loukachenko n’a pas réellement changé. Il reste un allié stratégique de la Russie pour le transit du gaz vers l’Europe, du moins tant que les gazoducs Nordstream et South Stream ne seront pas mis en service. Malgré cela, en septembre 2010, Moscou tire un gros coup de semonce : sur la chaîne de télévision NTV sont diffusés une série de quatre reportages présentant Loukachenko comme « le Parrain » biélorusse, décrivant dans le détail son réseau d’influence et surtout le nommant explicitement comme responsable des assassinats d’opposants, dont celui d’Oleg Bebenin (1) quelques jours plus tôt. Le même type de reportage ayant été utilisé par le Kremlin pour préparer l’opinion publique au limogeage de Youri Lujkov, les biélorusses ont secrètement espéré que la Russie se préparait aussi à « limoger » Loukachenko, deux mois avant les élections !
Le président biélorusse se tourne alors vers l’Europe — démarche déjà amorcée en 2008 quand il avait refusé de reconnaître l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud pour marquer son indépendance face à la Russie — et le 2 novembre, l’Union européenne, par le biais de l’émissaire polonais Radoslav Sikorskiy, fait une promesse d’aide financière de 3 milliards d’euros, à la condition que soient organisées des élections démocratiques.
Contraint, M. Loukachenko fait semblant de jouer l’ouverture. Il autorise, pour tous les candidats, deux passages à la radio, deux fois trente minutes d’antenne sur BTCanal1 et un débat d’une heure (auquel lui-même refusera de participer) ainsi que la publication de leur profession de foi dans la presse contrôlée par l’état. Ce service minimum est dénoncé par les neuf candidats concernés, mais néanmoins mis à profit pour aborder des sujets jamais évoqués par les médias biélorusses : le scandale de Tchernobyl et du million de biélorusses qui vivent toujours en zone contaminée, les disparitions d’opposants, l’endettement du pays, ce mystérieux « fond présidentiel » de 900 millions de dollars qui n’apparaît dans aucune comptabilité officielle, et bien sûr, les falsifications massives des élections.
Cette configuration joue contre les candidats. La toute petite « fenêtre d’expression » ne leur permet pas de s’exprimer harmonieusement, leur discours apparaît agressif, décalé, par rapport à l’image édulcorée que les médias nationaux donnent du pays. Ces candidats présentent bien un front solidaire entre eux, mais ne font preuve de combativité que contre Loukachenko, oubliant presque de mettre en valeur ce qui fait leur singularité. Beaucoup de votants indécis leur ont reproché de ne pas avoir de réel programme à présenter. Enfin, leur intervention télévisuelle ayant eu lieu quinze jours avant le scrutin, le président avait amplement le temps de démentir, contredire, diffamer, sans permettre aux candidats le moindre droit de réponse.
L’OSCE (dont les bureaux à Minsk ont depuis été fermés) a mesuré le temps de parole de chaque candidat entre le 25 novembre et le 5 décembre 2010 : 90 % du temps d’antenne pour M. Loukachenko contre 10 % répartis entre les neufs autres candidats… Les plus cyniques noteront tout de même une amélioration, puisque le temps de parole du président est normalement de 100 %.
Il existe deux chaines hertziennes biélorusses (Belarus TVCanal1, et STV) et deux chaînes d’origine Russe (ONT et NTV Belarus), très étroitement surveillées par le pouvoir qui censure régulièrement les programmes. Les très populaires programmes d’humour russe « Comedy Club » et « Projet Paris Hilton » se voient amputés, parfois au dernier moment, des sketchs mettant en scène Loukachenko. Il n’est pas rare de voir diffusé, sans explications, un clip musical avant la reprise du programme.
Pour les journaux télévisés, le traitement de l’information des chaînes russes est assuré par la rédaction locale à Minsk, qui n’a pas changé de ligne éditoriale depuis 1994 : la Biélorussie est un état indépendant et stable grâce à son président, le reste du monde est corrompu et instable. Seuls les Etats amis — Venezuela, Chine, Iran et Libye — ont les faveurs de l’actualité internationale.
Plus inquiétant encore que la censure, c’est la réécriture de l’Histoire.
En mars 2006 lors des précédentes élections, des revues pornographiques et des seringues ont été placées dans les tentes des manifestants qui occupaient la place d’Octobre. Le même procédé a été utilisé au lendemain de la manifestation démocratique du 19 décembre 2010 : des barres de fer et des bouteilles de vodka ont été disposées sur les lieux de la manifestation, puis filmées par la télévision biélorusse. Les 30 000 à 40 000 manifestants pacifiques sont devenus « environ 3 000 marginaux alcooliques ». Il ne saurait être question d’un élan populaire mais bien, selon la thèse officielle, d’une contestation « marginale ». La ficelle peut paraître bien grosse, mais ici, le reportage diffamatoire est un exercice qui se pratique sans nuance et de manière très décomplexée. Le message passe assez bien auprès de la majorité des Biélorusses, pour qui Canal1 est la principale source d’information.
Depuis juillet 2010, un décret présidentiel (2) impose aux cafés Internet de noter le numéro de passeport de tous leurs clients et de conserver l’historique de navigation correspondant, supprimant du coup un des derniers espaces de liberté. Par ailleurs, l’Internet à domicile est centralisé par BelTelecom ce qui empêche tout anonymat. La presse indépendante (Nasha Niva, Narodnaja Volya) est soumise à une pression gouvernementale constante : contrôles fiscaux, remise en cause des licences de diffusion, ou numéros interdits lorsqu’ils contiennent un article « contre-présidentiel ».
Avec le plein contrôle des télécommunications, des médias, d’Internet, des syndicats (3) et des universités, Loukachenko a pu, en seize ans de pouvoir absolu, tisser un efficace réseau de propagande. La répression des opposants prend de multiples formes : licenciements, exclusion, sanctions financières...
« Sania, reste avec nous ! »
En octobre 2010, le groupe biélorusse RockerJoker a lancé sur YouTube une chanson intitulée « Sania, reste avec nous », Sania étant un diminutif pour « Alexandre ». L’ironie est à peine voilée :
« Sania reste avec nous,
Tout sera OK,
Des rues propres,
Le soleil cligne des yeux,
Une pluie comme une petite douche nous caresse l’âme,
[…]
Grâce à toi nous vivons dans l’endroit le plus propre au monde »
(Allusion au souhait du président d’avoir un pays propre « sur tous les aspects ».)
Reprise sur BTCanal1, la chanson est devenue très populaire parmi les jeunes du BRSM (mouvement des jeunes biélorusses, héritier idéologique affiché des jeunesses communistes de l’ère soviétique). Début décembre, le ministère de l’information impose aux radios nationales de diffuser cette chanson « au moins sept fois par jour ». Elle a été présentée par le groupe comme un « gag musical » lors de sa sortie, et malgré cela, est devenue le tube de campagne du président… Naïveté d’une censure ne comprenant pas le second degré ou habile retournement ? Depuis, pris à son propre piège, le groupe se terre dans un mutisme total…
Voici la version originale mise à la disposition du public par le groupe lui-même :
Une version plus « commerciale » a été réalisée plus tard, avec une mise en scène un peu plus élaborée et quelques danseuses en costume traditionnel pour faire couleur locale :
Le même groupe a aussi enregistré un clip absolument étonnant, « Goodbye America », en soi une performance puisque qu’il a été réalisé en une seule prise avec comme acteur principal le courageux chanteur du groupe biélorusse « Cassiopée ».
Puisque l’espace de parole est inexistant, les opposants biélorusses en reviennent aux bonnes vieilles méthodes de partisans : tracts imprimés à la maison et lancés dans la rue, disques gravés de reportages censurés distribués aux arrêts de bus, montages vidéo mis en ligne sur Internet, collage d’affiches présentant les portraits des opposants disparus.
Mais ces initiatives citoyennes spontanées restent sporadiques et isolées. Les partis d’opposition ne se risquent à rien d’illégal, sachant que le moindre écart sera disproportionnellement sanctionné, comme l’ont d’ailleurs montré les événements de la soirée du 19 décembre 2010.
Toute manifestation publique est soumise à une autorisation, qui bien sûr n’est jamais accordée. Tout participant à une manifestation est de fait hors-la-loi, et tout organisateur passible de prison. C’est ce qui est arrivé à six des neuf candidats, arrêtés et passés à tabac le soir des élections, ainsi qu’à plus de 600 manifestants et à des journalistes étrangers. A ce jour, les candidats Andrey Sannikov, Vladimir Niklaev (4), Nikolai Statkevitch, et Alexei Mikhalevitch, qui avaient ouvertement appelé à manifester, sont toujours emprisonnés et n’ont pu voir leurs avocats respectifs qu’une seule fois, le 29 décembre.
Le soir des élections, la plupart des sites Internet d’information, les réseaux sociaux, ainsi que l’accès à toutes les serveurs de courrier électronique étaient bloqués. Les antennes relais situées sur le lieu de la manifestation ont capté les signaux émis par les téléphones portables des manifestants, et M. Loukachenko a promis que tous les participants seraient identifiés et sanctionnés. Depuis le début du mois de janvier, les convocations et interrogatoires individuels se succèdent. Les personnes identifiées se voient offrir l’abandon des poursuites en échange d’un témoignage contre les candidats, afin d’alimenter le procès des figures de l’opposition qui a débuté mi-février. Alexandre Otroshenkov, le secrétaire du candidat Sannikov, premier à être jugé, a d’ores et déjà écopé de quatre ans d’enfermement en colonie pénitentiaire.
Tout comme Alexandre Kazulin, candidat aux élections de 2006 condamné à cinq ans de prison pour avoir appelé à manifester, et libéré au bout de deux ans et demi contre un crédit européen et des promesses allemandes d’investissement, les candidats actuellement emprisonnés sont la monnaie d’échange pour le rachat d’une respectabilité européenne et la négociation d’un éventuel nouveau crédit.
Les possibilités de frapper économiquement une Biélorussie endettée et en manque de liquidités (5) n’ont jamais été aussi grandes. Pourtant, l’Europe, toujours aussi frileuse, se limite à des sanctions diplomatiques symboliques et la Russie, même si elle se dit inquiète, reste très discrète, surtout depuis la réconciliation affichée des deux présidents lors des négociations douanières de décembre 2010. Que l’Europe cède à un prévisible chantage ne fera que renforcer la position de ce dictateur aux méthodes de voyou.
Des oreillers pour un peu de liberté
La jeunesse biélorusse ne manque pas d’imagination. Elle s’est embarquée, à sa manière, dans le grand mouvement très international du « Pillow fight » dont le slogan est « faites des plumes, pas la guerre ! »...
Le 8 septembre 2009, quatre cents jeunes Biélorusses se sont réunis pour commémorer de manière festive le 495e anniversaire de la bataille de Vorsha (1514), au cours de laquelle 30 000 soldats du duché de Litva réussirent à défaire une solide armée russe de 80 000 combattants.
Armés d’oreillers, de duvets et de jouets en peluche, les jeunes répartis en deux camps se sont affrontés jusqu’au coucher du soleil dans une atmosphère joyeuse, ne laissant comme trace de la guerre qu’un soyeux tapis de plumes blanches.
Devenues de véritables cartes de visites culturelles pour Minsk, accueillies avec un enthousiaste retentissement dans les médias des pays voisins, ces batailles ont été interdites par le gouvernement en 2010. « Cet événement est stupide. Je ne le comprends pas, c’est pourquoi j’ai décidé de l’interdire » a déclaré Mikhail Titenkov, membre du comité exécutif de la ville de Minsk.
La dernière bataille, celle qui commémorait la victoire « de Grunwald » a eu lieu en juillet 2010, et soixante-dix personnes y ont été arrêtées.
Benjamin Vautrin
Journaliste.
(1) Journaliste, soutien de campagne du candidat Sannikov, fondateur du site http://charter97.org, il enquêtait justement sur les enlèvements d’opposants survenus à la fin des années 1990.
(2) Décret présidentiel n°60 entré en vigueur le 1er juillet 2010 nommé « mesure de sécurité nationale sur le segment internet » accompagné d’une liste d’une vingtaine de sites internet rendus inaccessibles.
(3) Un peu moins de 80% des entreprises sont gérées par l’Etat, et un scrutin anticipé est organisé dans les usines et universités, permettant de surveiller et au besoin, corriger, les suffrages exprimés.
(4) Vladimir Niklaev, retenu dans les locaux du KGB dès le soir des élections malgré un traumatisme crânien est en résidence surveillée à son domicile depuis le 29 janvier 2011
(5) En février, l’Etat a annoncé son intention de supprimer 15% des postes de fonctionnaires. Le pays a un déficit de liquidités de plus d’un milliard de dollars pour le premier semestre 2011.
•Le site de la charte 97 qui est une déclaration inspirée de la Charte 77 en Tchécoslovaquie pour la démocratie et la liberté. Le fondateur de la charte 97, Oleg Bebenin, a été retrouvé mort chez lui à Minsk en septembre 2010. La thèse officielle prétend qu’il s’est suicidé par pendaison, ce que réfutent catégoriquement ses amis et sa famille.
Les textes migreront petit à petit sur la nouvelle plateforme, mais les forums resteront en place : les mises-à-jour, les refontes, les ajouts de documents dans les articles existants se feront sur le nouveau site de Visions carto
Que la Biélorussie ne soit pas un paradis du pluralisme politique équitable, cela est très certainement vrai, comme cela l’est dans beaucoup d’autres pays où les temps d’antennes ne sont pas équitablement répartis, mais le sont en fonction des résultats électoraux aux élections précédentes. Cela ne devrait pas empêcher pour autant d’aborder trois points absents de votre article et qui complètent le scénario que vous présentez ici.
En Biélorussie comme ailleurs aujourd’hui, on peut accéder sans problèmes à des programmes de TV ou de radios provenant de l’étranger, en langue russe entre autre. Et qui sont largement dominés par les opposants à Loukachenko. Certains étant explicitement tournés en direction de la Biélorussie et financés par la Pologne, les USA ou l’UE.
Les manifestants de Minsk arrêtés dont vous parlez ont été dénoncés comme organisateurs de provocations violentes, ce que tendent à confirmer certains candidats d’opposition qui les ont condamnées ainsi que les vidéos tournées lors de leurs manifestations.
Vous n’abordez pas non plus les résultats sociaux des politiques de Loukachenko et les effets économiques de son refus d’accepter les politiques de privatisations conseillées par les grands pays et organismes financiers des économies mondiales en crise. Or, c’est sans doute cette question qui explique la relative acceptation du régime actuel en Biélorussie. Les habitants de ce pays voyagent beaucoup à l’étranger et ont donc amplement la possibilité de comparer les conditions de vie quotidienne du commun des mortels dans leur pays avec celles en vigueur en Russie, en Ukraine, en Pologne, en Lituanie (500 000 soupes populaires servies par jour pour un pays de 3,5 millions d’habitants). D’ailleurs comment expliquer autrement l’échec des multiples tentatives de "révolutions colorées" faites dans ce pays au régime certes autoritaire, mais bien moins dur que d’autres Etats postsoviétiques, sans parler de la Tunisie ou de l’Egypte ?
Bref vous devriez donner l’exemple en présentant les deux versions possibles de la situation en Biélorussie, ce qui contribuerait à démontrer que le pluralisme est vraiment préférable.
Ouallonsnous ?
(10 mars 2011 @22h22)
:
Il me semble que comme beaucoup de nos concitoyens vous soyez aveugle, la dictature qui nous menace est là, déjà installée dans nos institutions, à la tête de l’état et à l’Elysée chez nous.
L’Occident dont vous parlez n’est plus qu’un « mythe », une coquille vidée de son « essence civilisationnelle » bi-millénaire par le mondialisme mercantile anglo-USraélen nouvelle expression du colonialisme d’antan.
Quant à affirmer que le rêve de la jeunesse biélorusse est brisé je vous suggère de vous accorder quelques minutes de réflexion sur la question suivante ;
Qu’est ce q’une dictature ?
1/ Un pays tombé aux mains d’une maffia généralement oligarchique, dans laquelle le peuple est spolié des richesses qu’il produit, réduit à la survie et la pauvreté, ou tout au moins la grande précarité sinon il ne pourrait plus produire les richesses qu’on lui vole !
2/ Un pays anciennement colonisé et qui a réagi au point de rejeter totalement ses anciens colonisateurs, en se protégeant des menés terroristes de ses anciens occupants se réclamant pour intervenir à nouveau de la liberté, de la démocratie et bien sûr des droits de l’homme !
3/ Un pays en voie de développement refusant le diktat de la finance internationale anglo-USraélienne et la politique de la canonnière l’accompagnant, ayant réalisé son unité dans une république populaire ou "bolivarienne" ou encore islamique faute d’un dénominateur commun à ses populations, non théocratique mais plus actuel !
Dans tous ces pays dit en voie de développement, sauf pour le 1/ — qui actuellement concerne une majorité de pays européens, donc développés , mais s’étant laissés dessaisir de leur souveraineté par la "cinquiéme colonne" de la finance internationale et anglo-américaine —, force est pour leur gouvernement de maintenir la cohésion nationale par un pouvoir "fort" capable de résister aux attaques déstabilisatrices, sournoises et incessantes des prédateurs de l’Empire néo-colonialiste anglo-USraéliens jusqu’a ce que le niveaux de développement économique permette d’atteindre et de maintenir un niveau de vie compatible avec les "droits de l’homme" pour l’ensemble de leurs populations !
Une dictature, ce peux être un peu de tous ça, mais il me semble, à parcourir ces lignes que nous courons un gros risque en généralisant de mettre tout le monde dans le même « sac », ce qui est l’objet des écoles de propagande de l’OTAN ou de la Maison Blanche yankee, quand on ne s’aligne pas sur leurs politiques prédatrices !
Benjamin.V
(11 mars 2011 @09h08)
:
Complément au commentaire de BRUNO
Il est vrai que le format réduit d’un article ne permets pas d’aborder tous les sujets, vous aurez compris qu’ici l’orientation a été donnée sur l’encadrement médiatique des élections et les mécanismes de pression mis en place. Je faisais allusion ici aux télévisions hertziennes, il existe effectivement une télévision libre « BelSat » disponible uniquement par abonnement satellite, et une radio libre Ratsiya qui émets depuis la Pologne et n’est captée que dans la région de Grodno et Brest. Internet en revanche permet effectivement de télécharger à peu près n’importe quel reportage ou programme de l’étranger via les sites de partage de fichiers.
L’aspect économique quant à lui mériterait un second article à lui tout seul, mais je compléterais ici vos commentaires par quelques faits. Si je ne peux qu’approuver la non soumission du pays aux marchés financiers transnationaux, la situation sociale et économique du pays elle, ne peut en aucun cas être une vitrine de la réussite biélorusse ! Si les statistiques officielles font état d’1% de chômeurs, ce sont des statistiques, « officielles » ce qui prend tout son sens dans un pays comme le Belarus. La réalité serait plus proche des 10%. Avec une allocation chômage de 23 dollars par mois, beaucoup de chômeurs ne s’inscrivent même pas à l’agence pour l’emploi. Environ 9% des travailleurs biélorusses sont en régime de travail alterné forcé, chômage technique, ou vacances forcées. Il ne s’agit pas ici d’une réduction du temps de travail réfléchie et organisée mais bien d’une mise au repos forcée dans laquelle la moitié des « mis au repos » ne touche plus de salaire. Mais ne sont pas non plus officiellement chômeurs. Il faut connaître la capacité d’adaptation, d’entraide et de débrouillardise des biélorusses pour comprendre qu’une « inscription dans les statistiques du chômage » est le cadet de leurs soucis au quotidien mais n’en cache pas moins la réalité. Pour les seuls « kholkozes » (coopératives agricoles) chaque année 2.5 milliards de dollars de subventions servent à maintenir les emplois désœuvrés et acheter la paix sociale en province.
[...A SUIVRE...]
Benjamin.V
(11 mars 2011 @09h09)
:
[...SUITE...] Conséquence de l’augmentation artificielle des retraites, « cadeau électoral » de Lukashenko a son électorat de prédilection, une prévisible inflation depuis Janvier 2011 vient annuler cette augmentation. De décembre 2010 à Janvier 2011 le pouvoir d’achat a baissé de 12,9%, conséquence directe de cette inflation (chiffre officiel confirmé même par le comité national des statistiques !). L’engouement des biélorusses ces dernières années pour les crédits à la consommation n’est pas étonnant..
Si le réseau de transport est efficace et financièrement accessible par tous, desservant petites villes de province sans distinction de rentabilité des lignes, les systèmes de santé et d’éducation eux sont plus qu’insatisfaisants.
Il est vrai que nombres de biélorusses partis « gagner leur vie » à Moscou ou à Kiev reviennent au pays enthousiastes après avoir vécu pendant 2 ou 3 ans le capitalisme débridé à la russe. Il est vrai également que la plupart des diplômés maitrisant une langue étrangère partent exercer leurs talents en dehors du « paradis social biélorusse ».
Tout comme dans nos sociétés occidentales, la clé de l’acceptation par le peuple du pouvoir en place réside bel et bien dans la main basse faite sur les médias de masse, que ce soit par des acteurs économiques liés à l’oligarchie comme en France, ou par le pouvoir en place comme ici au Belarus.
Benjamin.V
(11 mars 2011 @09h11)
:
Réponse à « Où allons nous ? »
Une critique comparative du système biélorusse et français n’était pas l’objet de cet article, dénigrer l’un ne veut pas dire acclamer l’autre, et à bien me relire, il ne me semble pas avoir une seule fois présenté une intégration à l’Europe ou une affiliation au modèle occidental comme une porte de sortie souhaitable pour le Belarus.
Quant à la classification que vous faites des dictatures, au risque de vous surprendre je classerai le Belarus dans la première catégorie. S’il peut être séduisant de voir le Belarus comme « le dernier pays d’Europe non aligné », ou un simple « Venezuela sans pétrole », la réalité est hélas bien plus triste et bassement terre à terre faite d’un système présidentiel ne s’étant pas accaparé seulement les médias comme je le décrivais ici, mais également les secteurs les plus rentables de l’économie.
J’espère sincèrement pouvoir vous expliquer ce système plus clairement, faits à l’appui, dans un futur article. Si vous maitrisez la langue russe, je pense que vous trouverez à ce sujet les élément documentés les plus probants.
Enfin, le seul mépris ignorant affiché par le pouvoir biélorusse (avec d’ailleurs l’assentiment silencieux de l’Union Européenne) pour le million de biélorusses vivant toujours en zone contaminée par la catastrophe de Tchernobyl ne permet en aucun cas de dire que le président Loukachenko sert ou aime pleinement son peuple.
Je ne peux que vous conseiller à ce dernier sujet l’excellent livre de Wladimir Tchertkoff Le Crime de Tchernobyl, le Goulag nucléaire aux éditions Actes Sud.
marc
(11 mars 2011 @19h58)
:
@ Benjamin.V
Bienvenue !
Musiques embarquées : Chouette ! le Diplo s’encanaille !
Géniales les batailles de polochon en plein air !
Merci pour les réponses.
Savament bien orchestré tout çà ;)
@ Bruno
Quand vous parlez de provocations violentes, faites vous référence à cette vidéo ? (ou la suivante, avec commentaire audio)
Bélarus : la police disperse sans ménagement l’opposition
Ces provocations violentes sont elles le fait d’envoyer M. Vladimir Niklaev à l’hopital ou ce qui a suivi, c-à-d l’échauffement consécutif des manifestants ?
Quand à l’echec des "révolutions colorées", au pif, (sur place ils ont une meilleure réponse) :
Budget usaid et consors vs budget Kremlin ? proximité Russie ?
Pablo
(11 mars 2011 @21h11)
:
En lisant cet article, j’ai cru me tromper de blog ... tellement il aurait pu être écrit par un JF Revel en son temps (ou un BHL maintenant) tellement la partialité est claire. Bien sur, ce régime-là n’est pas un modèle de démocratie. Mais M. Vautrin, ignore t’il que, dès qu’un pays ose ne pas se soumettre, strictement, aux diktats des EUA et ses instruments de domination, il signe son préavis de décès ? Et que pour que ce préavis ne soit pas consommé, ce pays est obligé à résister avec, parfois, des manières autoritaires ?
L’auteur décrit en détail les problèmes biélorusses : sa situation d’endettement, ses difficultés à financer ses programmes sociaux, etc., mais oublie, avec égale prolixité, qu’il est soumis à un sabotage implacable des acteurs économiques mondiaux lesquels ont gelé ses avoirs financiers ; il oublie que lorsqu’il s’oriente vers la Russie, les oligarques russes exigent qu’il privatise, en leur faveur, ce qui reste d’industrie nationale. Il oublie tout ce contexte pour, par après, faire un dessin noir des difficultés du pays. C’est comme si l’on privait quelqu’un des moyens de se nourrir pour lui reprocher après son rachitisme.
Quant au coté « sur-répressif » de la manif « pacifique » des opposants, je cite un journal non suspect de « loukachenkisme » qui titrait : « Biélorussie : gouvernement assiégé » et écrivait, sur base de ses correspondants « Des manifestants d’opposition ont tenté ce soir de prendre d’assaut le siège de gouvernement biélorusse » (Le Figaro 19/12/2010 ) Pas si pacifique que ça, non ?
Et pour ce qui est des « fraudes massives », voici comment le même journal informait ses lecteurs du rapport de l’OCSE (organisation pourtant radicalement anti-‘Louka’), chargé de surveiller le scrutin ;
« Ce lundi, les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont dénoncé un dépouillement « imparfait » des voix de l’élection présidentielle en Biélorussie » ( Le Figaro 20/12, c’est moi qui souligne). Voilà comment, pour les besoins de la cause, un « dépouillement imparfait » peut devenir « fraude massive ».
Permettez-moi donc de douter que ce soient des considérations humanitaires, du respect des droits de l’homme, etc, qui motivent l’acharnement des grands mandarins d’Occident contre la Biélorussie et d’avoir le soupçon qu’il s’agit plutôt du refus de ce pays d’adhérer à l’Otan, au FMI et à toute la religion du capitalisme international.
Pour conclure, je veux bien admettre qu’en Biélorussie il est question du « rêve brisé de la jeunesse » ; au moins d’une certaine jeunesse. Mais j’ajouterais, qu’il est peut-être aussi question d’un autre « rêve brisé » : celui du FMI, de l’OTAN et encore d’autres dont, peut-être, celui de l’auteur de l’article.
marc
(11 mars 2011 @22h36)
:
@ Pablo
Bonjour
Puisque vous citez le Figaro comme journal de référence en matière de traitement de l’information à propos de manifestations, je tiens à vous le confirmer : vous vous êtes trompé de blog. cf. manifs retraites !
A propos, la prise d’assaut de la Bastille a-t-elle été pacifique ?
Quand vous écrivez « ce pays est obligé à résister avec, parfois, des manières autoritaires » pensez vous que ce soit aussi le cas de Cuba ?
Sur le gel des avoirs financiers, pouvez vous s’il vous plait fournir quelque source ?
Celà me permettrait, comme dans le cas de “l’accord de l’opposition tunisienne à une intervention militaire étrangère” de rechercher d’ou part l’information, dans ce dernier cas ... une rumeur.
Si je me range partiellement, il y a d’autres tuyaux, à votre votre conclusion sur ce qui motive l’acharnement des « grands mandarins d’Occident » contre la Biélorussie et tant d’autres pays, c’est pour oublier la maladresse de votre conclusion :
Ne faut-il pas que d’autre que ceux qui écrivent dans le Figaro s’interessent à ce pays ?
Si je souhaitais chahuter l’auteur, je lui demandearais plutôt
C’est votre photo, là, ou celle d’un homonyme ?
O’Cankly
(12 mars 2011 @01h49)
:
Monsieur le journaliste :
Vous avez commis un article sur un pays qui se nomme le Bélarus. Bélarus est un terme de la langue bélarusse qui signifie la Russie Blanche. Tout simplement parce que les Tartares n’ont jamais pu y pénétrer. Il vaut toujours mieux traduire les noms propres au plus près de la langue originale. Biélorussie est traduit du russe. Bélarus appartient au bélarusse.
Je perçois déjà là une connotation négative. Ce n’est pas parce que vous critiquez l’actuel président de ce pays que vous devez vous sentir obligé de négliger la langue bélarusse et peut-être le peuple qui la parle. En fait, au terme de la lecture de votre article, j’ai la nette impression que vous ne connaissez pas les Bélarusses et même que vous n’êtes jamais allé au Bélarus.
Je suis irlandais mais de nationalité britannique parce que je suis né à Carrick, comté d’Antrim, en Ulster que le gouvernement britannique qualifie royalement d’Irlande du nord : encore un bel exemple de détournement sémiologique par la politique ! J’ai été marié à une pédiatre oncologue bélarusse et j’ai vécu à Minsk où se trouve un hôpital pour les enfants contaminés par la catastrophe de Tchernobyl. Cette centrale nucléaire se trouve dans le pays voisin, en Ukraine, également indépendant de la Russie. L’Ukraine possède d’immmenses ressources, surtout agricoles, le Bélarus ne possède pas grand chose, mais il l’a tout de même aidé de son mieux en accueillant ses petits cancéreux. Car le peuple bélarus est ainsi : généreux et hospitalier. Mais il sort à peine d’une véritable dictature qui l’a laminé pendant 70 ans. Il est pauvre, il se cherche, mais son gouvernement ne l’a pas encore vendu nu et cru à la brutale finance occidentale comme l’a fait celui de l’Ukraine.
S’il est vrai que Lukashenko ne vaut pas tripette, un Cameron qui refuse toujours, comme tous ses prédécesseurs d’ailleurs, de rendre l’Ulster à l’Irlande, ne vaut pas bien mieux. Et que dire alors d’un Sarkosy qui prête, sans intérêt aucun en 2008, 22 milliards d’euros aux banques alors que le trou de la Sécurité Sociale s’élevait à 20 milliards ? Je ne vous ai pas encore lu sur ce sujet. Pas plus que je ne vous ai lu sur la question irlandaise, ma foi.
Quant au prétendu rêve brisé de la jeunesse "biélorusse", laissons-la méditer ses erreurs et souhaitons-lui bon vent !
Keeryan O’Cankly
professeur des universités
LIEBER
(12 mars 2011 @11h10)
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Parler de la Biélorussie sans accorder au moins un paragraphe entier à la tragédie sanitaire qui frappe les populations de ce pays, victimes des retombées radioactives de Tchernobyl, hélas toujours présentes, est une omission lourde de sens !J’invite les lecteurs intéressés à s’informer, par exemple auprès de l’association Enfants de Tchernobyl-Belarus : 80% des enfants biélorusses sont malades. Il n’y en avait que 15% avant la catastrophe...Quand le silence sera-t-il rompu sur l’impact effrayant de la radioactivité ?
Philippe Rekacewicz
(11 mai 2011 @06h24)
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Bélarus : un parti d’opposition chassé de son bureau dans le centre de Minsk
MINSK, 10 mai 2011 (AFP)
Le plus vieux parti de l’opposition bélarusse a été chassé mardi de son bureau dans le centre de Minsk par une décision de justice et risque désormais l’interdiction, a indiqué à l’AFP l’ex-candidat à la présidentielle et vice-président de cette formation Rygor Kostoussev.
Le parti Front populaire bélarusse qui occupe ce bureau depuis 1992 s’est vu refuser par les services municipaux la prolongation de son contrat de location qui a expiré fin mars. Le tribunal économique de Minsk saisi par les services municipaux a décidé que le parti devait quitter ses locaux. "Ayant perdu son adresse juridique, le parti risque d’être privé de son enregistrement auprès du ministère de la Justice", a expliqué M. Kostoussev.
"Le siège de notre parti était un îlot de liberté dans le centre de Minsk où les musiciens interdits donnaient des concerts et les peintres interdits organisaient des expositions", a raconté M. Kostoussev.
Rygor Kostoussev est actuellement sous contrôle judiciaire après avoir été détenu dans une prison du KGB comme six autres candidats à la présidentielle du 19 décembre qui ont participé à la manifestation contre la réélection d’Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 16 ans.
Le rassemblement avait été dispersé sans ménagement par la police et plus de 600 personnes avaient été interpellées.
AFP 101704 GMT MAI 11
Sarah
(19 août 2011 @17h48)
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Contrairement à l’avis de certains (visiblement nombreux), je trouve que cet article illustre bien la situation du Belarus..
Pour y avoir vécu 6 mois dans un foyer d’étudiant (et donc en compagne de cette jeunesse "brisée"), je peux vous dire qu’il règne une véritable terreur du régime en place. Les jeunes se sentent épiés, ont peur de critiquer le régime par peur de représailles.
Alors oui, c’est facile de critiquer Loukachenko en lui attribuant toute sorte de noms d’oiseaux, mais on se rend compte que la réalité n’est pas loin quand on prend en compte l’opinion des jeunes.
C’est facile de citer des articles etc, mais je peux vous dire que déjà il y a 2 ans, la situation économique et sociale du pays était catastrophique et la crise financière n’a certes rien arrangé. Comment expliquer qu’il est difficile de trouver jusqu’à un morceau de viande ? Que la majorité des jeunes se nourrissent de grechka, car c’est une des seules choses qu’ils peuvent se permettre ? Que les jeunes soient littéralement rayés des universités pour peu qu’ils aient été aperçus à une manifestation...
Je ne vois pas en quoi c’est mal de prendre parti pour le peuple biélorusse qui ne soutient pas dans sa majorité son président (bien entendu il a des partisans et cela n’est pas étonnant). Quand à la soi-disant possibilité de voyager, je demande à voir. Pourquoi ai-je du m’y prendre à 4 fois pour m’y rendre et pour avoir un visa, ou encore pour faire venir une amie pendant 1 mois ?