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Libye, unilatéralisme et Nations unies

par Alain Gresh, 13 mars 2011

Alors que les rebelles perdent du terrain en Libye, une réunion des ministres des affaires étrangères de la Ligue arabe au Caire le 12 mars a décidé de demander aux Nations unies d’imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de ce pays (« Arab states seek Libya no-fly zone », AlJazeera English, 12 mars). L’Algérie et la Syrie ont exprimé leurs réserves. La Ligue arabe a aussi confirmé que le gouvernement de M. Mouammar Kadhafi avait perdu sa légitimité et qu’elle ouvrait un dialogue avec l’opposition. Cette position est sans précédent dans l’histoire de la Ligue arabe : suspendre la participation d’un gouvernement à la suite de sa politique « intérieure » et entamer des contacts avec l’opposition. Par ailleurs, la Ligue s’est opposée aussi à toute intervention militaire en Libye, alors que de nombreuses inquiétudes s’expriment dans le Sud face à toute décision unilatérale occidentale.

Un sommet de l’IBAS (Inde, Brésil, Afrique du Sud) s’est tenu le 8 mars à New Delhi. Cette organisation, dont les activités sont peu couvertes par les médias occidentaux, symbolise pourtant la naissance de nouveaux acteurs sur la scène internationale (dans le cadre de sa série sur « les alliances insolites », Le Monde diplomatique de mars y consacre une double page). Déjà, on s’en souvient, le Brésil et la Turquie avaient tenté, sans succès, de contribuer à résoudre le dossier du nucléaire iranien (lire « Iran, vers une “communauté internationale” post-occidentale ? »).

Cette fois-ci, les trois puissances émergentes se sont penchées sur le Proche-Orient et la crise libyenne. Elles ont affirmé que toute mesure supplémentaire par rapport à la résolution 1970 du Conseil de sécurité (qui avait décidé de sanctions contre le régime de Kadhafi) ne pouvait être décidée que dans le cadre de la charte des Nations unies (lire Ranjit Devraj, « IBSA Together in Resisting No-fly Zone », IPS, 9 mars).

Le ministre brésilien des affaires étrangères a expliqué que la déclaration reflétait ce que pensait le monde non occidental : « Il est problématique d’intervenir militairement dans des troubles internes. Toute décision d’intervention militaire doit être considérée dans le cadre des Nations unies et en coopération étroite avec l’Union africaine et la Ligue arabe. » Une zone d’exclusion aérienne risque, a-t-il ajouté, de nourrir des sentiments anti-américains et anti-occidentaux qui ne sont pas présents pour l’instant (lire M K Bhadrakumar, « Arab revolt reworks the world order », Asia Times, 10 mars).

D’autre part, les trois pays ont souligné que la question palestinienne était au cœur des problèmes du Proche-Orient et qu’il fallait aller vers la création d’un Etat palestinien « souverain, indépendant, uni et viable, coexistant pacifiquement avec Israël, avec des frontières sûres sur les lignes de juin 1967 et avec Jérusalem-Est comme capitale ».

Enfin, les trois pays ont confirmé leur volonté de coopération. L’Inde et le Brésil ont décidé de porter leur commerce de 7,8 milliards de dollars à 10 milliards et identifié des secteurs de complémentarité : l’énergie, le pétrole, le tourisme, l’industrie pharmaceutiques, les mines et l’agro-alimentaire. Les deux pays ont aussi signé un accord pour lever les restrictions sur leur compagnie aérienne respective.

Alain Gresh

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