Bon article dans l’ensemble, quelques remarques :
Dommage que l’on n’explique pas plus explicitement que Rum est le terme que les Perses, Arabes puis les Turcs ont donné aux Byzantins qui se disaient Romains, puisque directement issus de l’empire romain d’orient, empire qui sera rapidement de langue et de culture grecques, tout en gardant sa tradition romaine, et qui survivra jusqu’en 1453. Et jusqu’à l’indépendance de la Grèce en 1830, tous les Hellènes se diront Romains et non Grecs.
Dommage aussi qu’on ne dise pas que la communauté grecque comptait 160.000 membres quand la Ville faisait 500.000 habitants...
Je ne suis pas d’accord avec « la connaissance parfois approximative du grec ». Ou alors c’est un phénomène tout à fait récent. Mes parents (ainsi que leurs parents et leurs grand-parents) sont des Grecs constantinopolitains, des Rums si vous préférez. Non seulement la communauté avait un excellent niveau de grec mais en plus, elle parlait un grec plus pur puisqu’elle parvenait à identifier les mots turcs présent dans le grec moderne et essayait de les éviter. Certes cette communauté avait un accent particulier, comme les Grecs de différentes régions de Grèce, mais le niveau d’éducation des Grecs d’Istanbul était souvent beaucoup plus élevé que celui des Grecs helladiques de classes sociales similaires.
Dommage aussi qu’on ne mentionne pas les terribles événements de septembre 1955 (Σεπτεμβριανά), un pogrom perpétré par les Turcs, avec la bénédiction du gouvernement, à l’encontre de la communauté grecque, qui fera en deux jours, une quinzaine de morts, des dizaines de blessés graves, la destruction de dizaines d’églises et de plusieurs milliers d’établissements grecs. Ces événements gravissimes et méconnus conduiront la majorité des Grecs à quitter la Ville. Ces faits et chiffres sont vérifiables, et l’écrivain turc et prix Nobel de littérature Orhan Pamuk en témoigne dans son livre « Istanbul ».
Dommage aussi que l’on ne parle pas des conditions dans lesquelles plus de 150.000 Grecs ont été chassés de leur Ville, dans la précipitation. Dans ce pays qui se dit laïc, beaucoup se sont vus offrir la possibilité de se convertir à l’islam pour pouvoir rester. Et je ne parle pas de faits qui remontent au XVième siècle, je parle des années 60. Sans oublier ceux qui, comme mes parents, étaient de nationalité turque (en espérant être quelque peu épargnés) et qui ont vu leur nom de famille modifié au moment où ils quittaient le pays, afin que l’on puisse spolier leurs biens. Et là encore, je parle des années 60.
Cet article a le mérite de soulever un coin du voile d’une histoire tragique, le dernier chapitre du déracinement forcé de l’hellénisme en Turquie, présent sans discontinuité depuis plus de 2500 ans.