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Eau : crise humanitaire au Proche-Orient

Pendant que de violents affrontements continuent de déchirer la Syrie et l’Irak, des millions de personnes déplacées pâtissent toujours des conflits au Liban, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Les ressources hydriques et les systèmes vieillissants d’alimentation en eau approchent du point de rupture, selon un rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) rendu public le 25 mars 2015, ce qui augure d’une crise humanitaire sans précédent dans toute la région.

par Marc Laimé, 9 avril 2015

Faute d’infrastructures adaptées, de nombreux pays ne parvenaient pas, jusqu’à la récente phase de conflits généralisés, à répondre correctement aux besoins en eau de populations urbaines toujours plus nombreuses, et à la demande croissante de denrées alimentaires. Mais aujourd’hui, avec 7,6 millions de déplacés à l’intérieur de la Syrie et 3,8 millions de Syriens réfugiés dans les pays voisins et, par ailleurs, 2,5 millions de personnes déplacées en raison des combats en Irak, la situation est plus critique encore, comme en atteste l’explosion des demandes d’asile dans les pays riches.

Des précipitations historiquement faibles, le tarissement des aquifères, la surexploitation de ressources limitées et les effets dévastateurs des conflits rendent l’accès à l’eau de plus en plus difficile dans la région. Pire encore, pour des raisons militaires ou politiques, les belligérants détruisent les infrastructures ou interrompent délibérément l’approvisionnement en eau et en électricité. La destruction d’une centrale électrique, comme cela s’est produit à chaque opération israélienne contre la bande de Gaza, peut ainsi avoir un impact très lourd sur le traitement des eaux usées, la disponibilité et la qualité de l’eau, ou le fonctionnement des structures de santé.

Lire aussi Alain Rey, « Les noms de l’eau », Le Monde diplomatique, mars 2005.Dans bien des cas, les eaux usées ne sont pas traitées correctement et constituent une grave menace pour la santé de populations déjà vulnérables. Par ailleurs, et pour le seul cas de la Syrie, les responsables locaux estiment qu’en 2014, les fuites provoquées dans le réseau par les dégâts dus au conflit ont entraîné la perte de quelques 60 % de la quantité d’eau pompée.

Or la communauté humanitaire, comme le reconnaît le CICR, n’est pas en capacité de répondre aux besoins des populations en venant se substituer aux services, ou en offrant des solutions de fortune. En 2014, l’action de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge au Proche-Orient a cependant permis à 9,5 millions de personnes d’avoir accès à l’eau après des réparations d’urgence ou la réhabilitation de systèmes d’approvisionnement, 600 000 personnes ont reçu de l’eau acheminée par camions-citernes ou distribuée en bouteilles, et 1,1 million ont bénéficié des améliorations apportées aux installations de stockage ou de distribution d’eau.

L’eau « humanitaire » est-elle potable ?

Le cri d’alarme du CICR soulève d’autres questionnements. L’Irak, après les première et seconde guerres du Golfe, puis l’occupation américaine, n’a jamais pu rétablir des infrastructures d’eau et d’assainissement à la hauteur des besoins de sa population. Des millions de personnes déplacées survivent à l’intérieur de ses frontières sans perspective de normalisation, synonyme de retour à des conditions d’existence correctes sous l’angle sanitaire.

En Syrie ce sont plusieurs millions de personnes déplacées, fuyant les combats, qui tentent de survivre dans des régions totalement dévastées. Plusieurs millions d’autres réfugiés syriens ont fui au Liban, en Jordanie, et en Turquie, et tentent eux aussi de survivre dans des conditions sanitaires extrêmement dégradées, dans des camps ou des habitats précaires.

Le 5 novembre 2010, Médecins sans frontières (MSF) organisait à Paris une journée de travail intitulée « L’eau humanitaire est-elle potable ? ».

Depuis le début des années 2000, la survenue de quatre épidémies d’hépatite E dans différents contextes d’intervention humanitaire, en Afrique notamment, avait relancé une réflexion sur la qualité de l’eau produite et distribuée aux populations dans les situations d’urgence, et au-delà, quand de nombreuses personnes déplacées connaissent une néo-sédentarisation dans des camps, comme au Darfour.

En 2004, l’épidémie qui a frappé le camp de personnes déplacées de Mornay, à l’ouest du Darfour, au Soudan, a mis en evidence le fait que l’eau correctement chlorée, distribuée par le système d’approvisionnement mis en place par MSF, pouvait être un des vecteurs de la transmission de l’hépatite E.

Des enseignements ont été tirés après plusieurs incidents identiques, dont la fréquence n’est pas négligeable, car dans le cas particulier de cette maladie, les procédures normalisées de production d’eau établies par les ONG, correctement exécutées, n’avaient pas permis d’écarter la menace. De plus, les alternatives praticables dans ces contextes d’intervention ne sont pas facilement identifiables.

Les questions soulevées lors de cette journée d’étude permettent de mesurer les problèmes qui vont affecter le Proche-Orient dans les toutes prochaines années : comment, en tant qu’intervenants étatiques ou humanitaires, produire et distribuer une eau claire, au goût acceptable, dénuée de germes fécaux, correctement chlorée, et en quantité suffisante ? Quel rôle peuvent jouer les « bénéficiaires » dans la définition des critères de qualité à atteindre ? Quelles sont les situations où cet objectif semble être atteint, alors même qu’un risque sanitaire subsiste ? Jusqu’à quel point l’état de santé est-il plus influencé par la quantité d’eau disponible que par sa qualité ? Les indicateurs de potabilité utilisés par les organismes humanitaires sont-ils pertinents ? Les développements technologiques récents offrent-ils des perspectives nouvelles ?

L’ensemble de ces interrogations ne provoque aujourd’hui aucune mobilisation réelle à l’échelle du Proche-Orient. Les états directement concernés, comme la communauté internationale, ne l’érigent pas en priorité, alors qu’elle en est une, absolue.

Quand l’eau tue

L’absence de services d’assainissement appropriés est le premier facteur de contamination de l’eau de boisson par des micro-organismes. Près de la moitié des êtres humains qui vivent dans des pays pauvres souffrent à ce titre à un moment donné d’un problème de santé.

Les affections associées à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène sont innombrables : les diarrhées infectieuses, elles-mêmes provoquées par le choléra, la salmonellose, la shigellose, l’amibiase, et un certain nombre d’autres infections protozoaires et virales, les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes, les hépatites A, E et F aiguës, la fluorose, l’arsenicose, la légionellose, la méthémoglobinémie, la schistosomiase, le trachome, les infections par helminthes intestinaux (notamment l’ascaridiase, la trichocéphalose et l’ankylostomiase), la dracunculose, la gale, la dengue, les filarioses (notamment la filariose lymphatique et l’onchocercose), le paludisme, l’encéphalite japonaise, l’infection par le virus du Nil occidental, la fièvre jaune ou l’impétigo, qui affectent aujourd’hui encore massivement le continent africain.

Ces problèmes de santé entravent la productivité et la croissance économique, ce qui renforce les inégalités qui caractérisent les schémas actuels de la mondialisation, et enferme les ménages les plus vulnérables dans le cycle infernal de la pauvreté.

En ce début de XXIe siècle, l’eau insalubre est la deuxième cause de mortalité chez l’enfant à travers le monde. Chaque année, près d’1,8 million d’entre eux meurent des suites directes de diarrhées ou d’autres pathologies causées par la consommation d’eau insalubre, ou par un assainissement inadéquat. Soit 4 900 décès quotidiens, et au total un nombre de décès d’enfants de moins de cinq ans équivalent aux populations de New York et de Londres réunies.

La diarrhée est la principale cause de décès parmi les enfants atteints d’une maladie liée à l’eau, elle provoque 21% des décès d’enfants de moins de 5 ans dans les pays en développement. Environ 61% de ces décès sont liés à leur poids insuffisant (faible poids par rapport à l’âge). Chaque année, environ 10,8 millions d’enfants meurent avant d’atteindre leur cinquième anniversaire et 4 millions d’entre eux meurent dans le mois suivant leur naissance. Quelques 92% des décès d’enfants de moins de 5 ans sont enregistrés dans 42 pays à faible revenu. Selon certaines estimations, 63 % de ces décès pourraient être évités grâce à l’utilisation de méthodes et de connaissances actuelles, telles que la réhydratation par voie orale pour les diarrhées, les antibiotiques pour les pneumonies, les moustiquaires et les médicaments antipaludiques pour le paludisme, l’amélioration des systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement ainsi que de l’hygiène domestique.

Dans les pays les plus pauvres, un enfant sur cinq n’atteint jamais son cinquième anniversaire, principalement en raison de maladies infectieuses et environnementales provoquées par la mauvaise qualité de l’eau.

L’eau dans les pays en guerre

La rapide dégradation de la situation au Proche-Orient, sur laquelle alerte le CICR, rappelle que les conflits armés ont des conséquences dévastatrices pour l’environnement et pour les populations, qui s’ajoutent aux morts violentes directes. La destruction de sites industriels et militaires provoque en effet des pollutions massives qui, au-delà des effets sanitaires immédiats et à moyen terme, détruisent à long terme les ressources vitales, par exemple en libérant des métaux lourds et des substances dangereuses dans l’air, le sol et les réserves d’eau douce. Le passage des engins militaires détruit aussi les sols et la végétation d’écosystèmes fragiles.

Les conflits provoquent enfin la destruction des infrastructures, comme les systèmes d’irrigation, diminuant la production agricole, ce qui perturbe les systèmes alimentaires et contribue à la famine et à la malnutrition. Ils engendrent alors des flux massifs de réfugiés, concentrés sur des petites zones, qui entraînent d’importants prélèvements de ressources pour répondre à leurs besoins vitaux. Quand ils s’éternisent, comme dans les territoires palestiniens, s’ajoute en plus une dégradation environnementale générale provoquée par l’effondrement des structures administratives.

La destruction des réseaux d’assainissement et d’adduction d’eau accroît les risques de contamination des eaux souterraines non protégées. La destruction d’immeubles libère des matériaux dangereux comme l’amiante. Et la disparition du système de collecte des ordures conduit à l’incinération en plein air des déchets. Ces dégradations finissent par être plus meurtrières que les conflits armés qui en sont responsables. Elles sont plus durables car l’arrêt des hostilités ne signifie jamais un retour immédiat à la paix dans un environnement assaini et sûr.

Depuis des années, la région du Proche-Orient est particulièrement affectée par ces problèmes. Après la première Guerre du Golfe, 30 % des réserves d’eau du Koweit ont été inutilisables pendant 10 ans. On observe aujourd’hui parmi les populations civiles kurdes, bombardées en 1987-1988 par des agents chimiques et biologiques, des formes rares de cancers, des malformations chez les enfants, des fausses couches, des infections pulmonaires récurrentes, des problèmes neuro-psychiatriques graves.

Les armes contenant de l’uranium appauvri, utilisées lors des conflits au Kosovo, en Serbie-Monténégro et en Irak, polluent toujours de nombreux sites. Les enfants irakiens ont été victimes à trois reprises des conflits qui ont affecté la région depuis trente ans. La guerre de huit ans avec l’Iran dans les années 1980 et la guerre du Golfe en 1991, avaient déjà causé des dommages considérables aux infrastructures de plusieurs pays alentours.

La destruction de nombreuses zones humides dans les marais du sud de l’Irak avait provoqué des migrations de populations, mais aussi la disparition de certaines langues et de cultures profondément ancrées dans leur environnement naturel. Près de sept cents puits de pétrole avaient été incendiés au Koweit en 1991. La chute des températures ou l’empoisonnement des réseaux d’eau potable causés par les gigantesques incendies provoqua près de 100 000 morts.

L’Irak a été pendant douze ans l’objet de lourdes sanctions des Nations unies. Bien que le programme « Pétrole contre nourriture » en 1996 ait autorisé le gouvernement irakien à vendre le pétrole et à en utiliser les revenus pour acheter des fournitures humanitaires, réduisant ainsi l’impact des sanctions – en partie du moins –, les conséquences ont été majeures.

Une évaluation partielle de la situation conduite par l’Unicef à Bagdad en 2003 montrait que la malnutrition avait presque doublé par rapport à ce qu’elle était avant la guerre. Sept enfants sur dix souffraient de diarrhée à divers degrés, menant à une perte de nutriments et souvent à la mort si un traitement approprié n’est pas appliqué. Le système sanitaire et de distribution de l’eau, déjà mal en point, y est aujourd’hui largement délabré, entraînant l’absence ou la contamination de l’eau courante, et ainsi une plus grande prédisposition à contracter la diarrhée.

On estime que des centaines de milliers d’enfants nés après la guerre n’ont bénéficié d’aucun des vaccins nécessaires et les services de vaccination de routine ont tous été interrompus. De plus, le stock de vaccins existant est devenu inutilisable après l’interruption de la chaîne du froid. Les égouts déversent chaque jour des centaines de tonnes d’eaux usées non traitées dans le Tigre et l’Euphrate. Les produits chimiques utilisés pour le nettoyage de l’eau ayant été pillés ou détruits, la qualité de l’eau pompée vers les maisons est extrêmement pauvre et provoque des cas de maladies et de malnutrition plus fréquents chez les enfants.

En conséquence, la mortalité infantile en Irak a connu une évolution dramatique depuis 1990. Dans les années 1990, l’augmentation la plus significative a été enregistrée dans le nord et le centre du pays, où la mortalité des moins de cinq ans est passée de 56 à 131 pour 1 000 naissances viables. L’insécurité conduit beaucoup de mères à accoucher à domicile, où elles ne bénéficient d’aucun suivi pré-natal.

Une enquête sur l’éducation en Irak (Iraq Education Survey), conduite par le gouvernement irakien avec le soutien de l’Unicef au début des années 2000, soulignait que dans les régions les plus affectées, plus de 70 % des écoles primaires n’avaient plus accès à l’eau. Selon un rapport publié conjointement le 30 juillet 2007 par l’association caritative britannique Oxfam et le Comité de coordination des ONG d’Irak, quelque huit millions d’Irakiens avaient un besoin urgent d’eau et de systèmes d’assainissement. Globalement, 70% des Irakiens ne disposaient pas de ressources adéquates en eau, contre 50% en 2003. Un porte-parole de l’Iraq Aid Association rapportait à l’été 2007 que « dans certains camps de déplacés près de Baqouba, Najaf et Missan, les familles puisent de l’eau des bouches d’égout à ciel ouvert qui se trouvent aux alentours, la filtrent avec des morceaux de tissus et la boivent sans la faire bouillir au préalable. »

L’environnement, entre guerre et paix

Si l’environnement subit donc fortement, et dans la durée, les effets des conflits armés, il peut également être lui-même source de tensions et de conflits. La dégradation et la raréfaction des ressources, dues à une surexploitation croissante et renforcées par les évolutions et les événements climatiques, génèrent des rivalités entre des populations sur les questions des terres agricoles, de l’eau douce, des ressources forestières ou des pêcheries.

Lire aussi Anne Vigna, « São Paulo, mégapole à sec », Le Monde diplomatique, avril 2015, en kiosques.Si c’est souvent à l’intérieur des pays que surgissent de tels conflits, ils existent aussi au niveau international, car les ressources fondamentales se font plus rares et plus disputées, ceci d’autant plus quand s’y ajoutent des enjeux démographiques. En outre, au-delà de l’accès aux ressources susceptibles d’assurer à long terme la vie des communautés, l’exploitation des revenus des richesses naturelles est devenue un but de guerre et un moyen de financement des parties en conflit. L’abondance de ressources naturelles conduit ainsi à leur détournement et à leur prise de contrôle par la violence.

Mais les pénuries de ressources environnementales ne sont jamais la cause unique d’un conflit, et n’en sont que rarement à l’origine. Lorsqu’il survient, c’est souvent parce qu’une communauté s’est montrée incapable de gérer la rareté et de partager équitablement les ressources, ce qui nécessite des droits et une administration efficace. La prise de conscience des effets possibles des conflits sur l’environnement a abouti en 1977 à la signature d’une Convention qui interdit d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles.

On estime par ailleurs que la reconstruction des économies, les vies dévastées, les infrastructures abîmées, notamment les services d’eau et les réseaux électriques, la reconstruction et restauration des systèmes d’irrigation endommagés ou le déminage des territoires au terme des conflits armés absorbe 27 % de l’aide extérieure au développement. Des initiatives émergent, qui visent à prévenir ou arrêter les conflits, à s’opposer à la prolifération des armes légères. Elles sont souvent le fait d’organisations créées par des femmes.

La coopération dans le domaine de la protection et de la gestion de l’environnement peut aussi aider à maintenir ou reconstruire la paix. La question environnementale peut ainsi favoriser la prévention des conflits et devenir le moteur d’une stratégie régionale de coopération et de développement. Mais la communauté internationale doit impérativement s’attacher à renforcer les moyens juridiques et les mécanismes actuels de protection de l’environnement en temps de guerre. Y compris par la création d’une juridiction pénale internationale spécifique, car l’application de nouvelles règles est nécessaire pour minimiser les risques environnementaux et sanitaires. Il faudra aussi définir les réparations qui pourront être accordées aux victimes, et inventer de nouveaux types de coopération autour des enjeux environnementaux et de l’accès aux ressources vitales.

Un enjeu vital pour la Palestine

La guerre de l’eau entre Israël et la Palestine est au cœur du conflit actuel. Israël contrôle tout le système de l’eau des territoires occupés, et y organise un partage délibérément inégal des ressources, dont plus de 75 % sont détournées, notamment au profit des colonies. La consommation moyenne en eau par habitant d’un Israélien est ainsi cinq fois plus importante que celle d’un Palestinien. Outre le rationnement, les Palestiniens sont aussi constamment victimes des destructions de puits, de canalisations d’eau et d’assainissement, par l’armée israélienne.

Lire aussi Christian Chesnot, « Pénurie d’eau au Proche-Orient », Le Monde diplomatique, février 2000.La surexploitation des puits dans la bande de Gaza a entraîné une pollution et une salinité qui y rendent l’eau impropre à la consommation domestique. Le contingentement de l’eau imposé par Israël rend ainsi tout développement impossible dans les territoires occupés, menaçant la survie des Palestiniens et source de graves problèmes sanitaires. De très nombreuses villes et villages palestiniens souffrent ainsi d’un important déficit en eau, en raison du bouclage des territoires occupés, des réoccupations incessantes des villes, des fermetures à répétition des check-points. Avec, pour conséquences, l’impossibilité pour ces villes de se fournir en pièces de rechange pour les pompages, et pour les villages non reliés au réseau de disposer d’un approvisionnement régulier en citernes…

Les colons israéliens empêchent, par leurs attaques chroniques, l’approvisionnement des citernes auprès des sources habituelles (point d’accès au réseau) des Palestiniens. Avec l’appui ouvert de l’armée, ils détournent à leur profit l’eau du réseau, provoquant des coupures dans les villages palestiniens, dont ils détruisent même parfois les canalisations qui les alimentent.

Par ailleurs, les très nombreux puits forés à proximité des villes et villages palestiniens au bénéfice des colonies israéliennes, pèsent non seulement sur la quantité d’eau disponible, mais aussi sur sa qualité. Dans la bande de Gaza, les puits israéliens, trop profonds, ont provoqué l’infiltration d’eau de mer dans la nappe phréatique, augmentant considérablement la teneur en sel et en nitrate des eaux palestiniennes.

La bande de Gaza est écologiquement morte. Dans le sud de la bande, les gens boivent une eau croupie, impropre même à l’agriculture, à cause d’une quantité élevée de nitrate. En raison des coupures incessantes du réseau, et de ces problèmes, le prix de l’eau acheminée en citernes n’a cessé de monter. Une famille palestinienne dépense ainsi jusqu’à 15 à 20 % de son revenu pour s’alimenter en eau, ce qui engendre des difficultés énormes pour satisfaire les besoins vitaux. Beaucoup de pompes ne marchent plus, faute de ressources en fuel. Et les soldats israéliens tirent fréquemment sur les citernes placées sur les toits des habitations situées près des check-points. L’impact sanitaire est catastrophique.

Dans les hôpitaux palestiniens, la situation n’est gère plus reluisante. La pénurie d’eau, qualitative et quantitative, favorise en amont la propagation des maladies et empêche en aval leur traitement efficace. Le simple contact avec de l’eau polluée a accru, ces dernières années, la fréquence des maladies infectieuses : diarrhées, infections du tube digestif et des intestins. L’insuffisance en eau provoque, quant à elle, carences et déshydratation.

L’eau, stockée dans des réservoirs, stagne et devient impropre à la consommation. Dans de nombreux cas, les familles palestiniennes lavent tous leurs ustensiles domestiques dans un unique récipient et sont incapables d’assurer une hygiène appropriée à leurs enfants.

Et pourtant, Israël et les territoires ne manquent pas d’eau, expliquait Amira Hass, dans un article provoquant, titré « C’est comme ça qu’Israël exporte de l’eau vers la Suisse », relayant l’analyse de Clemens Messerschmidt, un hydrogéologue allemand qui fait un sort à plusieurs mythes, et agace aussi bien Israéliens et Palestiniens : « A Jérusalem, tombent davantage de précipitations qu’à Berlin, et à Ramallah plus qu’à Paris. Le problème, c‘est le gaspillage. Par exemple, lorsqu’on utilise l’eau pour cultiver des fleurs qu’on exporte vers l’Europe. »

Aujourd’hui, la guerre de l’eau se poursuit, et prend même une forme nouvelle après le refus récent des autorités israéliennes de connecter une nouvelle ville palestinienne, dont la construction vient de s’achever, au pipeline qui pourrait l’alimenter…

Peu avant, une douzaine d’experts et de « blogueurs influents » français dans le domaine de l’eau étaient invités par le B’nai B’rith France et The Face of Israël à découvrir du 24 au 29 janvier 2015 les « pôles d’excellence » israéliens dans le domaine de l’eau et de l’agriculture durable.

Une invitation qui nous a été adressée, et à laquelle nous n’avons pas donné suite.

Lire aussi :

- Références sur l’eau, l’assainissement et l’hygiène en situations de crise

Marc Laimé

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