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Les questions de défense avant l’élection présidentielle

La miniguerre des gauches

Au premier tour de l’élection présidentielle française, le 23 avril, « l’offre » sera diverse à gauche, en matière de défense comme sur d’autres thèmes. Petit tour des opinions, projets et promesses — qui n’engagent, on le sait, que ceux qui les écoutent ! Un florilège qui donne parfois le tournis, mais se veut un simple outil de classement, pour y voir plus clair, sans prétendre à l’exhaustivité, et sans préjuger bien sûr de la suite politique qui leur sera donnée… ou non.

par Philippe Leymarie, 4 avril 2017
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Précisions de départ :

 ce qui suit est extrait des programmes officiels des candidats, de leurs interventions dans les médias, ou devant des spécialistes des questions de défense et sécurité ;

 aussi étrange que cela puisse paraître, on inclut Emmanuel Macron dans la gauche, parce qu’il y a été rattaché dans le passé en tant que conseiller à l’Élysée, puis comme membre du gouvernement sous Hollande, qu’il tient un discours relevant souvent du centre-gauche, qu’une partie appréciable de la mouvance socialiste le soutient, et que la droite l’y range assez spontanément ;

 on aurait voulu faire plus largement état des positions des candidats de la mouvance trotskiste — Philippe Poutou (NPA) et Nathalie Arthaud (LO) —, mais la matière a souvent manqué, notamment pour la seconde.

Budget

Lire aussi Philippe Leymarie, « La canonnière, une passion française », Le Monde diplomatique, avril 2017.

L’actuel budget de la défense en France est à 1,77 % du produit intérieur brut (PIB), pensions comprises. La baisse des crédits militaires (et des effectifs) a été enrayée depuis les attentats de 2015, et l’actuelle loi de programmation (LPM) a été actualisée en conséquence. L’objectif d’atteindre les 2 % du PIB avant la fin du prochain quinquennat est défendu notamment par l’actuel chef d’état-major des armées, mais n’est guère contesté par les divers candidats, à droite comme à gauche.

 Emmanuel Macron estime que cet effort budgétaire permettra, d’ici 2025, de renouveler la flotte d’avions-ravitailleurs, de moderniser les blindés de l’armée de terre et la flotte de la marine nationale, et enfin d’entamer la modernisation de la dissuasion. Le candidat d’En marche ! chiffre ce surcoût du budget de défense à une dizaine de milliards d’euros, « pleinement intégrés dans [ses] arbitrages budgétaires », assure-t-il. Il plaide pour une remise à niveau des matériels actuels, souvent en indisponibilité, et chiffre à 77 000 soldats l’effectif nécessaire pour la force opérationnelle terrestre, prônant la nécessité de « réviser les contrats opérationnels », ceux de 2013 s’étant révélés trop étroits.

 Benoît Hamon vise également les 2 % pour la fin du quinquennat, pour « investir dans l’entraînement des forces, garantir un groupe aéronaval à la France, moderniser la flotte pour assurer la protection de la zone économique exclusive française (ZEE). Il souhaite que le modèle de défense française « continue à être l’un des plus complets et perfectionnés au monde ». Hamon prévoit qu’au terme du mandat, 3 % du PIB seront consacrés aux dépenses de défense et de sécurité intérieure, « et donc à la protection des Français ». Selon lui, le budget de la défense doit être exclu du calcul du déficit maximum toléré par l’Union européenne, la France devenant — après le Brexit — le seul membre à disposer de l’ensemble des capacités militaires, et assurant de fait une large part de la défense de l’Europe.

 Pour Jean-Luc Mélenchon, « nos forces armées sont malmenées par des années de coupes budgétaires et la multiplication d’opérations extérieures sans objectifs clairs ». Il rappelle que ce seuil des 2 %, « répété comme un perroquet », correspond aux exigences de l’OTAN, réaffirmées par Donald Trump pour « partager le fardeau de la défense » (lire « L’Europe sans voix face à Trump ? »). Mais « la défense de qui et de quoi ? Contre qui et où ? », demande le candidat de la France insoumise, pour qui il est « inutile de graver dans le marbre un pourcentage qui ne signifie rien en lui-même ».

En tout cas, « c’est la stratégie qui commande, pas le budget », assure-t-il. Il conseille donc de lister les besoins et menaces, avant de songer à dépenser. Pourquoi, par exemple, un futur second porte-avions, alors que, pour protéger les ZEE du deuxième empire maritime du monde (1), il faut surtout disposer d’unités navales petites, maniables, mieux armées… plutôt que de budgétivores et moyennement utiles porte-avions.

Livre blanc

 Benoît Hamon se propose — pour tenir compte notamment des développements du terrorisme, du « Brexit » et de l’élection du président Trump aux États-Unis — de réactualiser rapidement le Livre blanc de la défense, auquel il accole naturellement la sécurité nationale — les deux volets faisant partie, selon lui, d’un même « continuum ».

 Pour Jean-Luc Mélenchon aussi, un nouveau Livre blanc devra tenir compte des mutations récentes, comme le changement climatique (à l’origine de mouvements de populations, d’enfoncement des frontières, etc) ; la course aux matières premières, à terre comme en mer ; ou encore les déséquilibres géopolitiques (qui ont conduit les États-Unis à accuser la Chine, et à continuer à voir en la nouvelle Russie un adversaire, etc.).

Pour le candidat de la France insoumise, la République française « ne doit plus être définie par son appartenance occidentale », au contraire de ce à quoi a conduit la « série de renoncements » des présidents Sarkozy et Hollande. Elle doit se retourner vers les puissances intermédiaires (BRICS) et vers l’Afrique, qui sera à l’avenir le premier ensemble francophone du monde : « La francophonie et non pas la Françafrique, cet ensemble de brigands qui nous déshonore » (2).

Lire aussi Olivier Piot, « Les entreprises françaises défiées dans leur pré carré », Le Monde diplomatique, avril 2017.

M. Mélenchon considère que la question des frontières est posée en Europe, et qu’il faut une conférence internationale « de l’Atlantique à l’Oural » pour réorganiser le continent, Russie incluse. Mais le futur Livre blanc devra être « expurgé des questions liées à la sécurité intérieure, à traiter séparément ». Et il souhaite qu’on y promeuve aussi la « règle d’acquisition de matériel militaire français par nos armées », pour soutenir une industrie de défense qui devra redevenir un instrument de souveraineté, contrôlé au plus près possible par l’État.

 Emmanuel Macron songe également à un prochain Livre blanc, présenté comme une « revue stratégique », dont la préparation permettra, entre autres, d’affiner son idée récente — accueillie avec scepticisme par ses adversaires comme par la plupart des experts du secteur défense — de « service court universel » (voir ci-dessous). Il veut lancer le débat autour de ce futur Livre dès le mois de mai, avec une présentation prévue en décembre 2017.

Les alliances

 De manière générale, Benoît Hamon veut inscrire la démarche de défense dans une stratégie géopolitique développant avant tout les capacités de médiation, de facilitation des processus politiques, de programmes « post-conflit » (désarmement, État de droit, etc.). Il veut cependant maintenir la France dans le commandement intégré de l’OTAN (3), surtout à l’heure d’un « America first » qui « s’apparente à une forme de repli stratégique », dans lequel il voit « une opportunité d’affirmer la dimension européenne de l’Alliance atlantique ». Le contexte stratégique fait que « des avancées tangibles en matière d’Europe de la défense sont attendues ».

 Macron défend le cadre multilatéral  L’unilatéralisme, c’est la guerre »), et insiste — comme les autres candidats — sur ce qui est devenu « l’imprévisibilité américaine » ; mais il soutient que l’alliance avec Washington reste fondamentale, que la France doit assumer pleinement son rôle au sein de l’OTAN, laquelle a « été utile dans la sécurité de l’Europe, notamment à l’Est, et a un rôle à jouer face aux menaces djihadistes sur le flanc Sud ».

Cependant, il prône en parallèle un renforcement de l’Europe de la défense, avec la création d’un quartier général permanent, et d’un fonds européen de défense pour financer des programmes communs dans les technologies militaires, le tout appuyé sur un étayage des relations bilatérales avec l’Allemagne (conseils de défense, feuille de route commune, etc.), mais aussi avec le Royaume-Uni (approfondissement du traité de Lancaster House), au-delà du « Brexit ».

 Mélenchon, pour qui « l’Europe de la défense, c’est l’Europe de la guerre », prévoit de sortir des traités européens : « Nous ne devons plus être à la remorque des folies impériales des États-Unis et de leur outil de tutelle militaire : l’OTAN, affirmait-il en présentant sa candidature le 10 février 2016. Nous sommes une nation universaliste. Notre vocation est à l’ONU et dans la coopération privilégiée avec les pays émergents. Notre ancrage est en Méditerranée et avec les peuples francophones du continent africain, là où va se façonner l’avenir. Au lieu de quoi nous sommes en guerre avec des buts imprécis et des alliances malsaines ! ».

Dissuasion

  « On pérennise notre capacité de projection et notre dissuasion nucléaire », promet le programme Hamon. La prolifération et les menaces imposent de confirmer le dispositif de dissuasion nucléaire, estime Macron pour qui « on ne peut prendre le risque de l’affaiblir ». Il faut donc la moderniser (engins, têtes nucléaires), et maintenir les deux composantes (sous-marine et aérienne).

 Mélenchon souhaite que la France devienne une « aile marchante » de la dénucléarisation de la planète, même si elle ne sera pas la première à désarmer, sa force de dissuasion constituant une arme ultime (sous-entendu : « de non-emploi »). Mais le candidat de la France insoumise met l’accent sur de nouvelles armes qui peuvent être également dissuasives, comme la cyberguerre, « une révolution dans l’art de la guerre », qui « prend à revers tous les dispositifs des rapports de force militaires ». Raison pour laquelle la France devra prioritairement se doter de cyberbrigades, capables de batailler sur ce nouveau théâtre de conflits.

Industrie de défense

 L’idée générale est celle de l’autonomie et de la souveraineté nationale, considérée comme indispensable par tous les candidats. Mélenchon dénonce une industrie qui n’est pas tournée vers les besoins nationaux, mais vers l’export, et avec des partenaires jugés souvent discutables. Il se propose de stopper la privatisation des entreprises de défense.

 Macron affirme que la France doit pouvoir maintenir ses compétences stratégiques, même si elle ne peut tout faire toute seule. Il préconise une politique industrielle volontariste, dans le prolongement de ce qu’avait initié notamment l’actuel ministre de la défense (4). Il veut continuer à soutenir les exportations, mais à condition que l’État accompagne sur le long terme les pays-clients « qui achètent un savoir-faire et pas seulement des équipements ». Macron, pour qui se pose la question de la fabrication d’un second porte-avions, souhaite également renforcer la recherche militaire, qui a souvent des applications « duales », en lui consacrant un milliard d’euros (et non 730 millions comme aujourd’hui).

Condition militaire

 Benoît Hamon tient à « consolider l’accompagnement psychologique » au moment du retour au pays, pour les soldats partis en opérations extérieures ; et à mieux gérer les mutations et carrières des militaires, ainsi que leur couverture sociale et leur reconversion vers la vie civile.

 Emmanuel Macron promet aux militaires « un système de soldes fiable », après des années de confusion dues à des logiciels défaillants, et à la complexité des régimes de rémunération, primes, etc. La gendarmerie nationale doit rester partie intégrante de la communauté de défense et garder sa spécificité. Il se propose d’adopter une vision dynamique sur les droits des militaires (concertation, associations, éligibilité) dans les limites de leur statut.

Interventions, opérations extérieures (opex)

 

Lire aussi Sylvie Aprile, « Aux origines du présidentialisme », Le Monde diplomatique, avril 2017.

Mélenchon brocarde ce « monarque-président qui peut déclencher une guerre sans en rendre compte avant quatre mois » ; il est pour « l’arrêt des opérations ne répondant pas à une stricte nécessité de défense nationale ».

  Macron juge que la plupart de ces opex étaient nécessaires, mais il « veillera à ce qu’elles s’insèrent dans une stratégie globale, y compris avec l’ONU, et dans une démarche avant tout diplomatique ». La France doit cependant, selon lui, « conserver la capacité d’agir seule si nécessaire », et disposer d’une armée à la fois numérisée et capable de « mener les combats les plus rustiques ».

 Quant à Hamon, il condamne l’unilatéralisme, et insiste sur la coopération militaire et diplomatique, ainsi que sur l’action civile et politique autant que sur les opérations militaires. Il rappelle que la France, en l’absence désormais du Royaume-Uni, est le seul pays de l’UE membre permanent du Conseil de sécurité, ce qui lui donne des responsabilités. Elle dispose aussi du seul outil complet de défense au sein de l’Union.

 Le NPA de Philippe Poutou dénonce « les guerres que mènent les grandes puissances [qui] n’ont pas pour but, comme on nous le prétend, de lutter contre le terrorisme et encore moins de soulager les peuples de la misère ou les débarrasser des dictatures qui les oppriment », mais qui sont « menées pour piller les ressources naturelles de ces pays, en perpétuant le rapport colonialiste imposé par la France aux peuples d’Afrique et du Proche-Orient, ou pour revendiquer un droit de regard sur le redécoupage de régions en plein bouleversement. Loin d’empêcher le développement du terrorisme, elles l’engendrent en poussant des jeunes, que la misère créée par l’exploitation des richesses de leurs pays et les bombardements laissent sans espoir, dans les bras des chefs de guerre ou de sectes religieuses ». Le NPA se dit partisan de l’ouverture des frontières.

 Nathalie Arthaud, pour Lutte ouvrière, défend des positions semblables : elle appelle dans une de ses brochures de campagne à « refuser que ces guerres se fassent en notre nom  ! Ce sont des guerres pour le pétrole du Proche-Orient, pour l’uranium du Niger, des guerres qui sont toujours menées pour le profit, et jamais dans l’intérêt des peuples ». Plus largement, c’est, selon LO, « l’ensemble de l’appareil de l’État, avec ses tribunaux et son armée, qui a pour mission de défendre l’ordre social d’une minorité de possédants, dans les tâches quotidiennes de répression ou contre les travailleurs quand ceux-ci se mobilisent. »

Territoire national

 Pour Mélenchon, l’opération Sentinelle est « contraire au principe républicain de séparation des missions de défense et des missions de sécurité intérieure, sans parler de son efficacité très discutable » : c’est un « gâchis », pour lui qui prône une « garde nationale ou républicaine » de jeunes gens.

 Macron rend hommage aux soldats de Sentinelle « qui ont rassuré les Français à un moment tragique » — une tâche souvent « ingrate », reconnaît-il, mais il faudra envisager un « repli progressif » de l’opération, et une « refonte doctrinale » pour tenir compte de l’évolution des menaces. Il faudra « changer d’échelle » en matière de mobilisation des réserves, dans le cadre de la « garde nationale » en cours d’organisation qui vise les 85 000 éléments (armées, gendarmerie, police).

 Hamon lie le débat sur l’opération Sentinelle au sort réservé au régime de l’état d’urgence, par essence exceptionnel, qui ne peut donc se prolonger dans la durée. Il est favorable au renforcement des réserves des diverses armes, réunies avec la police et la gendarmerie dans une « garde nationale ».

Antiterrorisme

 

Lire aussi Vincent Sizaire, « Quand parler de “terrorisme” ? », Le Monde diplomatique, août 2016.

« Personne ne peut garantir qu’il n’y aura pas de nouvel attentat », affirme Macron. Il se propose de recruter 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires, qui « renforceront notamment notre dispositif de renseignement contre le terrorisme ». Il est pour la poursuite du combat contre l’Organisation de l’État islamique en Irak-Syrie, mais tout en « construisant une feuille de route politique », tout comme au Sahel.

 Hamon souhaite renforcer le renseignement, notamment territorial, pour être capable de déceler les « signaux faibles », et élargir les moyens du coordonnateur du renseignement, qui serait désormais rattaché au premier ministre. Mais il relève que, ces dernières années, face à la nouvelle menace du terrorisme, de nouveaux moyens humains, financiers, juridiques et techniques ont été mis en œuvre : 9 000 postes de policiers et gendarmes, appel aux réservistes, poursuites judiciaires contre les combattants djihadistes français, alourdissement des peines, renforcement des contrôles, fermeture des lieux de culte propageant haine et violence, etc. Il signale que « les caméras ne peuvent pas tout », rappelant que Nice, la ville championne de la vidéosurveillance, a été le théâtre d’un des pires attentats. Le candidat socialiste demande « l’arrêt de la lune de miel avec les monarchies sunnites » et propose de porter l’aide au développement à 0,7 % du PIB : « Leur développement est notre sécurité ».

 Pour Mélenchon, aussi, le risque zéro n’existe pas ; il faut de la présence sur le terrain, de la prévention et de la lutte raisonnée contre l’embrigadement, et un renforcement du renseignement territorial et humain. Il faut aussi « judiciariser la lutte antiterroriste ». Mais le meilleur moyen d’éviter les attentats terroristes serait « d’apprendre à se passer de pétrole et de gaz ! », lance le candidat, qui a intégré dans son programme la problématique écologique.

Sécurité

 Macron se propose de « créer une police de sécurité quotidienne au plus près des Français », connaissant les lieux et les habitants qu’elle sera chargée de protéger et d’entendre. Il demande que la justice ait les moyens de faire exécuter les peines, y compris les petites.

 Hamon veut rétablir une police de proximité, en uniforme ; propose une loi de programmation sur la sécurité intérieure, avec des moyens renforcés et mieux répartis pour la police et la gendarmerie (remplacement des départs en retraite, plus 5 000 postes supplémentaires, prime spéciale pour les zones de sécurité prioritaire et outre-mer), ainsi qu’une vigilance accrue quant à l’éthique policière (récépissés de contrôle d’identité « en préservant l’anonymat des agents et sans alourdir leur charge de travail », promet-il). Il se dit favorable à la « contrainte pénale », mais pas au « tout-carcéral », dont on sort plus dangereux.

 Pour Mélenchon, « l’affolement sécuritaire est inefficace et liberticide : c’est toute la politique de sûreté et de sécurité qui doit être refondée ». Il rappelle qu’une quinzaine de lois sécuritaires ont été votées ces dernières années, dans le cadre d’une « surenchère permanente » et d’une « logique d’affrontement » qu’il récuse. Il veut revenir à une logique de « gardien de la paix », et préconise la création d’un corps unifié de police, qui serait la nouvelle « garde républicaine » et intégrerait la gendarmerie et les polices municipales.

 À noter, la position de Philippe Poutou : c’est « ni guerre, ni état de guerre », comme le proclame une de ses brochures électorales. « L’état d’urgence et le climat sécuritaire ont donné des ailes à tous les racistes et aux courants politiques les plus réactionnaires. Les forces de police multiplient les violences… ». Le NPA réclame la levée immédiate de l’état d’urgence, la dissolution des Brigades anti-criminalité (BAC), l’interdiction de tous les armements offensifs (Flash-Ball, Taser, grenades de désencerclement) — bref, le désarmement de la police — y compris des matraques, « vu à quoi ça sert aujourd’hui », a-t-il commenté sur France 2 le 27 février, en référence à l’affaire Théo —, sauf tout de même en cas de lutte contre le grand banditisme ou le terrorisme. M. Poutou estime que, « plus les policiers sont armés, plus ils sont menacés, c’est logique. Une police superarmée, qui a tendance à stigmatiser une partie de la population, ça risque de lui revenir dessus. Même pour eux, ils ont intérêt à se désarmer » (5).

Service militaire

 Ce thème revient notamment à travers les propositions de Macron  : le 19 mars, il a prôné le rétablissement d’un « service national (…) obligatoire et universel » d’une durée d’un mois : ces quatre semaines devraient, selon lui, permettre aux jeunes hommes et femmes d’acquérir une expérience de la vie militaire, « de ses savoir-faire et de ses exigences », sous la direction de militaires et de gendarmes, et donc de faire l’expérience de la « mixité sociale » et de la « cohésion républicaine », tout en créant pour eux un accès facilité à l’armée ou à la garde nationale. Cela concernerait 600 000 jeunes chaque année, coûterait une quinzaine de milliards d’euros pour son lancement (casernements, etc.), et 2 à 3 milliards en régime de croisière (6) — le tout ne devant pas figurer dans le 2 % du PIB en faveur de la défense, selon Macron.

 Jean-Luc Mélenchon est également en faveur d’un rétablissement de la conscription, mais « pour les tâches qui sont d’intérêt national, en particulier les tâches de sécurité et de sûreté intérieures » (début février, France 3). Il défend la création d’une « garde nationale ou républicaine » composée de jeunes qui, à un moment de leur vie, en particulier à la fin de leurs études, et naturellement rémunérés pour cela, feraient un don de temps (fin février, sur i-Télé). Il s’agirait, selon un de ses porte-paroles, d’un service obligatoire, de 9 à 12 mois, rémunéré, mais qui ne serait de type militaire que pour un tiers environ de la classe d’âge concernée, soit 200 000 jeunes (même si aucun d’eux ne serait engagé dans des opérations militaires extérieures, réservées aux professionnels). Les 400 000 autres jeunes serviraient dans les diverses formes de service civique. Le coût de l’opération n’a pas été évoqué.

 Benoît Hamon souhaite valoriser le service civique volontaire (déjà existant), en permettant aux étudiants de valider le premier semestre d’université à travers lui.

Nouveaux horizons

 La cyberdéfense est abordée par tous les candidats. Elle est de plus en plus « intégrée dans notre stratégie » au point d’être parfois considérée comme une « quatrième armée », relève Emmanuel Macron, pour qui il faudra doubler les effectifs afin de disposer de 6 000 « combattants numériques » — une véritable « division cyber » — d’ici la fin du quinquennat (et y réserver un milliard d’euros dans la prochaine LPM).

 Mélenchon estime que le développement de la cyberguerre posera, à terme, la question de l’utilité des interventions militaires d’autres types. Mais, pour lui, c’est surtout l’objectif mer et espace « qui serait prometteur » : « La France est le deuxième territoire maritime du monde, et la deuxième nation pour la cotisation individuelle à la conquête de l’espace, avait-il rappelé lors de sa déclaration de candidature en février 2016. Voilà qui fait de nous un peuple qui a une responsabilité particulière, enthousiasmante, aux frontières de l’humanité ! Ici se trouvent deux immenses gisements d’emplois, d’inventions et de progrès écologiques pour la France et la civilisation humaine ».

 Hamon plaide également en faveur d’une stratégie maritime à long terme de la France, et pour l’investissement dans une « économie bleue ».

Philippe Leymarie

(1Qui est donc français, au moins sur le papier !

(2Intervention à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), le 31 mars 2017, à Paris.

(3L’ancien candidat à la primaire de la gauche, Arnaud Montebourg, désormais engagé à ses côtés, dénonçait les « expéditions miliaires aventureuses » de l’OTAN, menées selon une doctrine inspirée par les néo-conservateurs. Lire Hubert Védrine, « L’OTAN, terrain d’influence pour la France, Le Monde diplomatique, avril 2013.

(4Jean-Yves le Drian, en poste depuis 2012, a engagé son ministère dans le soutien aux exportations de matériel français de défense, atteignant un record de 20 milliards d’euros en 2016. Il s’est déclaré récemment en faveur du candidat d’En marche !, lequel a largement profité de ses conseils et contacts dans le domaine stratégique.

(5Libération, 6 mars 2017

(6Soit entre la moitié et les deux tiers du budget annuel de la dissuasion nucléaire. Ce projet ne figurait pas dans le programme initial de M. Macron, mais était soutenu par le président du Mouvement démocrate (MoDem), François Bayrou, qui a rallié l’ex-ministre de l’économie. L’idée de ce mini-service militaire obligatoire a été brocardée par la droite : il est jugé « absurde et irréaliste » (Luc Chatel), la France n’en ayant plus les moyens , « ni en personnels ni en infrastructures » (François Fillon). Marine Le Pen a défendu l’idée d’ un « service à la nation militaire et obligatoire » de trois mois, visant à relancer l’assimilation et à « unir la jeunesse française » qui conditionnerait l’attribution des aides à l’emploi ou au logement, et permettrait un passage gratuit du permis de conduire. En Europe, la Suède, notamment, va réintroduire le service militaire obligatoire.

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