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Lutte fratricide pour le pouvoir en Guinée-Équatoriale

par Sabine Cessou, 26 octobre 2017
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Titien — Caïn et Abel

Gabriel Mbaga Obiang Lima, 42 ans, n’est guère connu par la presse internationale. Bien moins que son demi-frère aîné Teodorin, 48 ans, un dandy aux prises avec la justice américaine en 2014, et aujourd’hui avec les tribunaux français pour biens mal acquis. Teodorin est souvent donné comme le successeur désigné de son père, le tout-puissant Teodore Obiang Nguema Mbasogo, 75 ans. Un homme qui fait la pluie et le beau temps depuis 1979 en Guinée-Équatoriale, et qui ne donne à ce jour aucun signe de vouloir prendre sa retraite.

Deux frères ennemis à des postes clés

La situation n’est pas si claire à Malabo. Gabriel Mbaga Obiang Lima, qui porte le patronyme de sa mère, une ressortissante de Sao-Tomé-et-Principe, conteste en effet les projets d’avenir de son demi-frère.

Il en a les moyens. D’abord conseiller de son père, puis secrétaire d’État, ministre délégué nommé en 2013 ministre des mines, de l’industrie et de l’énergie, « Gabi » a la main sur le nerf de la guerre, en tant que « Monsieur pétrole » de la Guinée-Équatoriale. Seul problème : Teodorin, soutenu par sa mère, première dame très influente à Malabo, a été bombardé en juin 2016 vice-président de la République chargé de la défense et de la sécurité.

À ce poste, Teodorin Obiang Nguema peut verrouiller le pays, un micro-État de 1,2 million d’habitants coincé entre le Gabon et le Cameroun. Et se préparer à l’une de ces successions dynastiques en vogue depuis les années 2000 sur son continent. L’objectif : prendre le contrôle de la petite république pétrolière d’Afrique centrale, sixième exportateur d’or noir africain, devenue 14e membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) en mai dernier.

Gabriel Obiang Lima, qui a étudié aux États-Unis, s’estime capable de prendre la relève mieux que son aîné, qu’il traite publiquement de « playboy ».

Le gâteau national, au centre de toutes les convoitises

Comme ailleurs en Afrique centrale, il siphonne en toute impunité la manne que représente l’exportation de barils de brut vers la Chine, l’Inde, le Japon ou la Corée du Sud, à raison de 10,5 milliards de dollars par an. Son pays est régulièrement classé dans le peloton de queue de Transparency International — parmi les dix du monde où la corruption est perçue comme la plus élevée.

La presse équato-guinéenne impute à « Gabi » une fortune personnelle d’au moins 500 millions de dollars, placée dans des banques en Espagne, au Cap-Vert et aux États-Unis. Le journal en ligne Diario Rombe, qui a publié le 21 octobre de nouvelles révélations à son sujet, l’avait déjà épinglé dans une affaire rocambolesque : deux conteneurs remplis d’argent, destinés au départ à Sao-Tomé-et-Principe, le pays de sa mère, Cristina Lima, avaient été interceptés à Malabo…

« Gabi » n’est guère populaire — comme le nombre d’abonnés à son compte Twitter (84 au total) en atteste. Il n’en a pas moins de solides amitiés dans les pays où il a investi dans l’immobilier — Ghana, France et États-Unis, selon nos informations. Chez lui, son clan compte des caciques du régime, parmi lesquels le ministre des affaires étrangères Agapito Mba Mokuy, mais aussi l’influent Damian Ondo Mane Nchama, trésorier de la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC), ou encore Juan Olo, ancien ministre des mines et Chele Endeme, administrateur des douanes.

La guerre de succession est ouverte en Guinée-Équatoriale. Elle détermine désormais le positionnement des uns et des autres, les poids lourds du régime et leurs alliés respectifs. Voire des uns contre les autres… Ce dont s’inquiètent déjà certains observateurs, qui redoutent que les deux frères n’en arrivent à des moyens qui pourraient faire basculer le pays dans la guerre civile. Le tout, pour mettre la main sur un « gâteau national » qui n’a jamais été partagé avec le peuple équato-guinéen, dont le niveau de développement humain reste l’un des plus bas de la planète.

Sabine Cessou

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