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Critique de la raison gorafique

par Frédéric Lordon, 7 avril 2021
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René Magritte. — « La clef des songes », 1930
De Agostini Editore / DEA / E LESSING

Qu’il n’y ait pas de malentendu : « critique » ne sera pas à comprendre au sens du jugement usuel (« ça, c’est mal »). Non, ici « critique » est à comprendre au sens de Kant, comme l’activité de la raison s’interrogeant elle-même, notamment dans l’exploration de ses conditions de possibilité. Posons d’emblée l’essentiel : le gorafique est un fait majeur de notre temps. Tout le monde le sent intuitivement. Mais en avons-nous pour autant le concept ? Au moins la philosophie d’aujourd’hui connaît-elle son apéritif catégorique : penser le gorafique.

À quoi reconnaît-on le gorafique ? À ce qu’il nous fait entrer dans une zone d’indistinction. Il y a du gorafique chaque fois que, confronté à une déclaration politique, on n’est plus en état de déterminer si elle est réelle ou grossièrement contrefaite à des fins d’épaisse caricature. Le gorafique est donc bien une histoire de réalité et de fiction, plus précisément de réalité désormais systématiquement en avance de la fiction. C’est donc aussi l’histoire d’un drame social, drame de la ruine d’une corporation, celle des scénaristes et des humoristes, à qui les normes de leur univers opposent spontanément, par réflexe méthodologique jusqu’ici bien fondé, un « Coco, là tu vois bien que c’est trop gros », aussitôt démenti – ou confirmé, comment faut-il dire ? – dans la réalité. Même les imaginations les plus débridées, même la créativité la plus échevelée ne peuvent plus suivre. On reconnaît le gorafique à ce que les amuseurs ordinaires sont à la ramasse. Mai 68 avait appelé à ce que l’imagination soit au pouvoir, l’y voilà. Du sommet de l’Etat tombent maintenant en cataracte des dadaïsmes d’une audace inconnue. Le Gorafi ne peut pas en faire l’aveu public, mais lui-même est à la peine.

Protocole expérimental

Lire aussi Pierre Rimbert, « Éloge du rire sardonique », Le Monde diplomatique, août 2010.

En tout cas nous accédons par-là à un protocole expérimental en vue d’identifier le gorafique en situation : un test, certes un peu paradoxal, puisqu’il réussit… si les cobayes échouent. On leur soumet à l’aveugle des énoncés en leur demandant à chaque fois si Gorafi ou réalité. Leur désorientation et leur incapacité à discriminer convenablement sont alors les indicateurs-types d’une atmosphère gorafique.

N’importe qui peut s’y essayer, on est à peu près sûr de perdre. Par exemple, G ou R ? :

  1. « Muriel Pénicaud : “Pour toucher le chômage partiel, il faudra désormais travailler” »
  2. « Muriel Pénicaud appelle les employeurs à “ouvrir leurs chakras pour mieux embaucher” ».
  3. « Muriel Pénicaud demande aux intermittents du spectacle de se trouver un vrai travail »
  4. « Député LREM : “La méditation pourrait réduire les inégalités à l’école” »
  5. « Jean-Michel Blanquer promet deux enseignants supplémentaires pour la rentrée en Île-de-France »
  6. « Le gouvernement annonce la création d’un deuxième ministère de l’écologie »
  7. « Il y a tellement d’ouragans cette année que l’ONU a épuisé les prénoms disponibles pour les nommer »
  8. « Regarder les forces de l’ordre dans les yeux sera maintenant passible de six mois de prison »
  9. « Évacuation de migrants à Paris : Stanislas Guérini défend le préfet de police : “rien ne dit qu’il a donné l’ordre de faire des croches-pattes” »
  10. « Gérald Darmanin : “Félicitations à la gendarmerie nationale qui reçoit pour la 6e année consécutive le 1er prix de la relation client dans la catégorie service public” »
  11. « Aurore Bergé : “Un journaliste qui enquête et qui met en cause le gouvernement, c’est une forme de séparatisme” »
  12. « Le garde des sceaux inaugure la boutique éphémère de Label PePs. Dans cette boutique, on achète responsable et solidaire des produits fabriqués en prison dans des conditions responsables et inclusives »
  13. « Emmanuel Macron : “Il n’y a jamais eu d’épidémie de coronavirus en France” »
  14. « Emmanuel Macron : “Il n’y a pas de violences policières” » (1).

Il y a quelque temps, un financier qui avait décidé de surmonter l’incertitude radicale dans les marchés par des voies au moins amusantes, faisait tirer par un chimpanzé, ou bien jouait aux fléchettes, les actifs dont il allait composer son portefeuille. Le lecteur de bonne foi doit concéder qu’il en est réduit au même type de procédé dans le blind test, et aussitôt reconnaître que lui aussi, mais comme nous tous, a passé le point G. Il y a peu, à propos de l’épisode maintenant fameux du congé parental pour deuil d’enfant, un dessin du Canard enchaîné, sous le titre « Pénicaud a fait preuve de retenue », faisait dire à la ministre : « Au départ je pensais proposer de supprimer le congé enfant décédé, vu que si l’enfant est décédé y a plus besoin de s’en occuper ». On ne sait plus trop ce que vaut l’adage selon lequel « le pire n’est jamais sûr », mais l’on sait qu’il est devenu entièrement plausible. On sait aussi que si le gorafique est le fait majeur de notre temps — et maintenant on le dit presque sans rire —, c’est parce qu’il s’est placé exactement sur le nerf de l’époque : l’obscénité déchaînée, sans limite, des gouvernants. La rupture définitive d’une oligarchie devenue folle d’avec le reste de la société se manifeste d’abord dans la langue. On se doute que cette sécession lexicale ne date pas d’aujourd’hui. De longue date on aurait voulu être mouche sur lambris pour « les » entendre parler dans les huis clos de l’Élysée — d’où avaient filtré, mais par erreur, les « sans dents » — ou de la rue de Passy, dires fleuris qu’une récente enquête sociologique (2), malheureusement restée dans l’invisibilité publique de la sociologie, s’est avisée de recueillir.

Sécession et obscénité

La nouveauté du temps macronien, abondamment documentée dans tous les registres de sa présence, c’est la chute définitive de toutes les censures, le règne écrasant de ses évidences. Jusqu’à récemment encore, les bourgeois faisaient quelques efforts pour cacher leurs déjections de pensée. Cool de la start-up nation aidant, on n’a plus honte de rien. Un député LREM est un peu rudoyé sur BFM (on peine à le croire mais, passé certains degrés, tout devient possible) à propos de la légère difficulté pour les parents à télétravailler en assurant simultanément l’éducation de leur marmaille pendant le confinement : Bruno Questel ne comprend pas la question, ne voit pas le problème. Un twittos notoire, et notoirement de gauche (Rachid l’Instit), feint de lui venir en aide : « Je suis désolé, mais il [Questel] a raison, on peut télétravailler tout en ayant son enfant chez soi. Il suffit de le laisser entre les mains du personnel de maison et de se rendre dans sa résidence secondaire. Question d’organisation ». Reprenons : à quoi reconnaît-on le gorafique ? À ce que les stratégies habituelles de dessillement par poussée des curseurs n’a plus aucune efficacité. Même l’ironie à la truelle n’y suffira pas. On peut envoyer le bouchon aussi loin qu’on veut, il ne se passe plus rien : plus de reprise, plus de rectification, même pas un léger malaise, rien. Réponse de Questel à la solution Rachid : « Voilà ». Mais « Voilà » premier degré. Le mot de l’évidence toute nue. Le personnel de maison, la résidence secondaire : enfin, c’est évident. S’organiser, c’est tout simple.

La rupture définitive d'une oligarchie devenue folle d'avec le reste de la société se manifeste d'abord dans la langue

La sécession oligarchique se signale en premier lieu au basculement des dominants dans une autre économie morale, distincte de celle du reste de la population. Alors les dominants règlent leur propre conduite, et règnent sur les conduites des autres, depuis un système de repères moraux entièrement hétérogènes, en fait même contradictoires, à ceux des dominés. La chose ne peut que très mal finir. D’ailleurs, elle finit très mal : nous le savons déjà au spectacle d’un autre affaissement moral, dual, complémentaire du précédent, et en fait rigoureusement requis pour la persévérance des dominants : le naufrage moral de la police, dont l’intervention est devenue névralgique pour le régime. Quand Yves Lefebvre, secrétaire national de Unité SGP-FO commente sur CNews la mutilation d’un Gilet jaune dont la main vient d’être arrachée par une grenade d’un « C’est très cru mais c’est bien fait pour sa gueule », on est évidemment en univers gorafique mais dans l’une de ses régions qui prête le moins à rire. À l’objet et à la tenue de langage près, il s’agit formellement parlant du même dérèglement moral, de la même obscénité que celle du député Questel ou de la ministre Pénicaud, et les deux registres doivent maintenant nécessairement s’accompagner l’un l’autre.

Symptômes de la crise organique

Lire aussi Sophie Eustache, « Les recettes de l’information en continu », Le Monde diplomatique, avril 2021.

Un que n’aurait pas vraiment déconcerté la doublure, d’un côté sidérante, de l’autre sanglante du gorafique comme terminus d’un régime en crise, c’est Gramsci. Bien sûr il ne pouvait pas anticiper qu’on invoquerait l’ouverture des chakras au nom de l’emploi, la méditation en pleine conscience pour réduire les inégalités scolaires ou le prix de la relation client pour la gendarmerie. Mais ces ornements ne sont que les caractères d’époque, contingents, d’une situation bien plus fondamentale dont il a donné le concept : la crise organique. Définition simple : la crise organique, c’est quand, à l’étage du pouvoir, tout part en cacahuète. De Rugy et sa veulerie crustacée, Blanquer et sa passion courtisane pour l’agrégation d’épidémiologie, le député Son-Forget et ses fusils d’assaut, Benalla et son casque, Sibeth N’Diaye, qu’on allait oublier, pour l’ensemble de son œuvre. Tous emmenés par Macron bien sûr.

Car parmi les « phénomènes morbides » qui, selon la formule bien connue de Gramsci, prolifèrent dans l’interrègne entre l’ancien qui tarde à mourir et le nouveau qui tarde à paraître, il faut compter l’apparition de personnalités d’un type inédit, affranchies des codes et des normes jusqu’ici en vigueur, dont précisément l’emprise se desserre avec la dislocation de l’ordre ancien. La crise organique est ce moment en lequel redevient légitime de poser la question, normalement à bannir, de la personnalité psychique, et même de la structure psychopathologique des dirigeants, à proportion de ce que l’affaissement des normes anciennes, littéralement, dé-régule leurs conduites, et laisse libre cours à leurs mouvements pulsionnels. Ainsi la crise organique rebat-elle profondément les données de la sélection politique : elle se met à promouvoir les déréglés. Alors s’ouvre la période des énergumènes. Sarkozy a été le premier d’entre eux — corps et langage désarticulés, énervement permanent. Si Hollande, élu sur une promesse de « normalité », a été comme un flan mal démoulé, Valls s’est offert à tenir la continuité dans l’insane, avec des effets rien moins qu’anecdotiques puisqu’on lui doit l’installation probablement durable dans le paysage politique d’un nouveau segment : la gauche d’extrême droite.

La crise organique, c'est quand, à l'étage du pouvoir, tout part en cacahuète

Il faut cependant admettre que Macron est d’une autre étoffe. Faute d’une analyse technique, munie des catégories adéquates, et dont il serait urgent que des spécialistes la proposent, on en reste avec le sentiment commun, mais d’une intuition très sûre, que Macron est complètement cinglé. C’est moins sa mégalomanie, pathologie presque bénigne à ce niveau de la politique, que son rapport aux mots qui n’en finit pas de trahir son dérèglement psychique. Et telle est bien l’intuition repliée du gorafique, dont l’indistinction essentielle : est-ce réel ? est-ce un gag ?, est comme l’écho de l’indistinction psychique entre réalité et fantasmagorie des mots où Macron s’est établi. Depuis la tête de Macron, il est en effet possible d’en appeler aux « jours heureux » et de relancer la liquidation des retraites, de célébrer les soignants et de continuer les fermetures de lits (et de les traîner en justice comme cette infirmière qui s’est contentée d’un doigt d’honneur pour dire son dégoût de cette infâmie), de promettre la gratitude de la nation aux « premiers et premières de corvée » et de leur préparer une boucherie à l’Unedic (pour ne rien dire de la prime qui ne viendra jamais), de ne garder qu’un tiers des mesures de la convention citoyenne pour le climat et d’avoir juré de les transcrire toutes.

C’est dans un monde où tout ceci devient possible que le gorafique devient possible. Si la critique de la raison gorafique était à entendre au sens de Kant, c’est-à-dire au sens de l’exploration des conditions de possibilités, les voilà ! On plaide non coupable : il s’agissait au départ d’une parodie de politique, appelant comme telle une parodie de philosophie. Mais la première parodie est si réelle que la seconde, quoi qu’elle en ait, se voit le devenir à son tour. Non sans conséquences — mais, qui sait, peut-être salutaires —, puisque le gorafique philosophiquement pris au sérieux a au moins le mérite de faire voir ce qu’il reste de « la démocratie » quand le rapport des mots et du réel se trouve à ce point disloqué, et avec lui la possibilité même du débat. Comme Christophe Dettinger le boxeur, l’infirmière Farida est admirable : elle nous montre la seule forme que peut prendre le « débat » dans une époque où les conditions de possibilité du « débat » ont été méthodiquement, gorafiquement, détruites. On ne peut décemment pas soumettre les gens à l’injonction de « débattre » quand on a soi-même organisé l’effondrement du sens.

Délabrements de la langue hégémonique

Lire aussi Razmig Keucheyan, « Gramsci, un rayonnement planétaire », Le Monde diplomatique, juillet 2012.

En tout cas c’est Gramsci qui répond à Kant — on va le dire avec des intentions un peu malignes : ce qu’il y a de meilleur dans le matérialisme, c’est l’historicisation du transcendantal (3). La condition de possibilité du gorafique, c’est la crise organique. Mais la définition par les cacahuètes était un peu juste. Il y a crise organique quand les institutions politiques et symboliques ne parviennent plus à « reprendre » les tensions sociales d’un capitalisme déchaîné. Ce qui tenait devait beaucoup au travail des compromis politiques, des stabilisations institutionnelles, et du travail idéologique : on fait tenir les dominés tranquilles en leur faisant des promesses (politiques) et en leur racontant des histoires (idéologiques). Bref par des moyens essentiellement fictionnels, bien sûr opérés dans des institutions (parlement, éducation, médias, culture, etc.), que Gramsci a rassemblés sous la catégorie d’hégémonie. Intermédiaire entre l’idéologie chez Marx et l’habitus chez Bourdieu, l’hégémonie réunit les moyens symboliques, institutionnels et politiques qui mettent dans la tête des dominés une vision du monde conforme à celle des dominants — et font faire une merveilleuse économie de coercition pour les tenir dans les clous.

Le travail hégémonique est donc au premier chef un travail discursif, un travail sur les manières de voir qui s’effectue avec et par des énoncés. C’est donc une affaire de langue. Pas d’hégémonie sans langue hégémonique – blatérée par des répétiteurs, politiciens, technocrates, experts, éditocrates, journalistes ordinaires qui ne savent pas ce qu’ils disent mais le disent avec un naturel qui est la meilleure garantie de l’évidence. À la langue hégémonique d’aujourd’hui, une œuvre de littérature récente a donné sa dénomination plus précise (4) : la LCN, à la manière de Klemperer, et pour les mêmes raisons « latines » que Klemperer (5), Lingua Capitalismi Neoliberalis – la Langue du Capitalisme Néolibéral. Comme toutes les langues de pouvoir, c’est une langue dégénérée : tropes appauvris, mots indigents, segments de langage automatiques. « Il faut libérer les énergies ; nous ne pouvons pas laisser la dette à nos enfants ; les charges écrasent les entrepreneurs ; nous devons retenir les talents ; c’est l’entreprise qui crée l’emploi ; nous avons un problème de compétitivité ; nous avons un problème de flexibilité ; nous avons un problème d’agilité ». C’est la langue des DRH et de BFM, des énarques et du Medef, de la droite modérée et de la gauche intelligente, de la presse de gauche de droite dont bon nombre de titres continuent de chanter la synthèse.

Ça ne pouvait qu’être la langue du macronisme. À ceci près que le macronisme l’a poussée à un point extrême d’absurdité, à la fois de son propre mouvement – qu’un gouvernement de DRH parle la langue des DRH, c’était tout de même dans l’ordre des choses –, et sous l’empire des nécessités du moment : les nécessités de la crise organique, précisément. Qui se signale d’abord à ce que les « évidences » hégémoniques jusqu’ici paisiblement véhiculées par la LCN commencent à dérailler. On veut bien qu’il faut laisser le temps à la richesse de ruisseler mais quand même non, on ne veut plus. On veut bien que le macronisme soit un progressisme mais en fait non, il est simplement une guerre de classe. On veut bien la disruption mais finalement pas, car ce sont des bousilleurs. Quand la population commence à ne plus marcher dans ces combines langagières, alors il y a péril en la demeure hégémonique. Et nécessité d’en renouveler les figures de style, les formes énonciatives. Mais le ramassis d’imbéciles qui persiste à se faire appeler « élites » n’en a pas le premier moyen intellectuel, sinon de redire les mêmes choses en pire – en plus « au goût du jour » (startup), en plus grossier, en plus appuyé, en plus enfoncé dans ses évidences primaires (« Voilà ») – quand ce sont celles-là mêmes qui sont entrées en discussion. Alors fatalement en plus énorme, en plus ridicule : en gorafique.

Lire aussi Sandra Lucbert, « Feuilletonner la guerre de position », 10 novembre 2020.

Nous commençons donc maintenant à cerner le concept du gorafique : le gorafique, c’est le délabrement de la langue hégémonique du capitalisme néolibéral (la LCN) en situation de crise organique. Sans doute le concept du gorafique est-il infiniment moins drôle que le gorafique lui-même. Il n’en est pas moins vrai que, ébranlée comme le reste de la société, toute la philosophie s’est trouvée convoquée par le phénomène gorafique, et qu’on ne compte plus les titres qu’on aurait pu donner à cette étude : Apologie du Gorafi, Méditations métagorafiques, Traité gorafico-politique, Contribution à une critique de l’économie gorafique, Le monde comme obscénité et comme gorafisation – et peut-être tant d’autres. Le macronisme est un gorafisme.

Frédéric Lordon

(1Résultat du blind test avec G pour Gorafi et R pour réalité : 1-G ; 2 -R ; 3-G ; 4-R ; 5-G ; 6-G ; 7-R ; 8-G ; 9-R ; 10-R ; 11-G ; 12-R ; 13-G ; 14-R.

(2Serge Paugam, Bruno Cousin, Camila Giorgetti, Jules Naudet, Ce que les riches pensent des pauvres, Seuil, 2017.

(3Kant appelle « transcendantal » ce qui ressortit aux conditions de possibilité de l’exercice de la raison. Mais il situe ces conditions de possibilité dans la « possession », en fait propre à l’esprit humain, d’un certain nombre de catégories (nécessité, contingence, causalité, etc. – il y en a douze), sortes de préalables formels nécessairement engagés dans toute opération de connaissance. Par leur nature même, ces catégories donnent au transcendantal un caractère d’idéalisme. Tout en conservant l’idée qu’il y a bien des « cadres » ou des « schèmes » qui précèdent l’activité de connaissance, les sciences sociales (en tout cas certains de leurs courants) ont refusé de les situer dans un ciel idéaliste, et en ont cherché les origines dans les sociétés elles-mêmes. De Marx à Bourdieu, en passant par Durkheim, Mauss ou Foucault, les sciences sociales ont donc travaillé à historiciser et à « désuniversaliser » le transcendantal – à le ramener sur terre pour en faire une chose produite par les humains en société.

(4Sandra Lucbert, Personne ne sort les fusils, Fiction & Cie, Seuil, 2020.

(5France Culture, « Par les temps qui courent », 31 août 2020, à partir de 12’50.

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