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Déclassement stratégique dans l’indo-pacifique

Crise des sous-marins : Paris toujours groggy

Un mois s’est écoulé depuis le coup de massue reçu par le gouvernement et l’industrie française de l’armement, mais il n’est toujours pas encaissé. Faillite diplomatico-industrielle, la brusque annulation par l’Australie d’un méga-contrat d’achat d’une douzaine de sous-marins d’origine française pour une trentaine de milliards d’euros et l’annonce d’un nouveau partenariat politique et commercial, cette fois avec les États-Unis et le Royaume-Uni, témoignent d’un inquiétant déclassement stratégique de la France.

par Philippe Leymarie, 14 octobre 2021
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Grandville. — « La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf », 1838.

«De l’affaire du siècle à la débâcle du siècle » titrait Libération, le 1er octobre. Certes, tous les coups sont permis dans ce secteur de l’armement, où la concurrence est féroce, même entre alliés, comme en ont récemment récemment témoigné la victoire américaine des chasseurs F-35 en Suisse (et en Belgique auparavant), ou celle du Rafale français en Croatie, après la Grèce. « Mais, ici, analyse le site Bruxelles2, on est dans un vrai cas d’école : un contrat signé dans le cadre d’un partenariat stratégique, et rompu [cinq ans plus tard] sans aucun préavis », le jour même où Paris se voyait notifier officiellement par Canberra le franchissement d’une nouvelle étape dans la réalisation technique du projet. D’où ce sentiment de « trahison » et de « duplicité », de la part de pays « amis », qu’ont éprouvé des responsables français ainsi cueillis à froid : « Un coup de poignard dans le dos », avait aussitôt réagi Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères, qui avait largement contribué au lancement du projet lorsqu’il était ministre de la défense, sous la présidence Hollande.

Indignation surjouée

Lire aussi Thibault Henneton, « Après la crise des sous-marins, la France doit-elle quitter l’OTAN ? », Le podcast du « Diplo », octobre 2021.

Beaucoup a été dit, y compris bien sûr dans Le Monde diplomatique, sur cet « empire qui ne désarme pas » : « De America First à America Back, il y a une constante : les imprécations en moins, l’efficacité en plus ! », écrit de son côté notre confrère Nicolas Gros-Verheyde, de B2, pour qui la politique de l’administration Biden ne diffère pas sensiblement de celle menée par l’administration Trump : « L’Amérique entend rester leader dans le monde, et les Alliés suivent : la mise en place du retrait d’Afghanistan l’avait montré, le partenariat AUKUS le confirme ». Cette alliance militaire antichinoise pilotée depuis Washington, à l’en croire, ne se limitera pas aux sous-marins, et pourrait même s’étendre à d’autres pays, devenant une sorte « d’OTAN du Pacifique » (1).

La crise diplomatique — avec à Paris des réactions très amères et un rappel inhabituel des ambassadeurs en Australie et aux États-Unis — n’aura duré officiellement qu’une semaine, les parties en cause, notamment française et américaine, s’efforçant de faire baisser la pression. À Paris, une partie de l’opposition et quelques médias ont d’ailleurs estimé que les dirigeants français avaient quelque peu dramatisé leur déconvenue et surjoué leur indignation. Mais, trois semaines après la défection australienne, « la crise est grave », assure encore Jean-Yves Le Drian devant les commissions de la défense et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, elle « va durer », et il faudra « des actes forts » pour en sortir. Il note que des « premiers engagements ont été pris » , côté américain (un maintien, peut-être même un renforcement du soutien aux forces françaises et africaines au Sahel). Pour marquer sa mauvaise humeur, Paris pourrait cependant user de son influence à Bruxelles pour repousser ou retarder les possibilités d’accès des entreprises américaines d’armement aux financements du Fonds européen de la défense, ainsi qu’au plan d’action de l’Union européenne sur la mobilité militaire, ou au signal public de la constellation de satellites Galileo.


Un empire qui ne désarme pas

par Serge Halimi Lu par Renaud Lambert +-
Éditorial d’octobre. Les États-Unis ne restent jamais humbles longtemps. Un mois après leur déroute afghane, l’ordre impérial est rétabli. La gifle que Washington vient d’infliger à Paris en témoigne.
Retrouvez tous les articles lus dans le Journal audio.

Clés aux Américains

Lire aussi Charles Perragin & Guillaume Renouard, « Galileo, vingt ans de cafouillages pour le concurrent du GPS », Le Monde diplomatique, mai 2019.

La brouille sera plus difficile à réparer avec l’Australie : Le Drian entend d’abord « redéfinir les termes de la relation » avec Canberra en « tirant toutes les conséquences de la rupture majeure de confiance avec ce gouvernement » (2). Au ministère français des armées, en guise de réplique, on a fait valoir que le changement de pied des dirigeants de ce pays n’est pas sans risque pour l’Australie, avec un argumentaire fourni :
 les sous marins Attack Naval group, suite à un processus lancé en 2016 et un accord signé en 2019, devaient être livrés dans les années 2030, alors que les engins américains risquent de ne pas commencer à être livrés avant les années 2040, le marché n’ayant pas encore été étudié et conclu avec les industriels ; – ce qui laisse une belle marge à la marine chinoise pour croître et se multiplier, comme elle a su le faire spectaculairement depuis une décennie (3) ;
 selon le porte-parole du ministère, Hervé Grandjean, lui-même ingénieur de l’armement, chaque sous-marin nucléaire de la classe Virginia coûtera 3 milliards d’euros — deux à trois fois plus, assure-t-il, que les Attack du programme français Barracuda, dérivés des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type Suffren, en cours de livraison à la marine française ;
 les engins choisis par les Australiens étaient à propulsion classique, mais auraient été de « taille océanique » (4 500 tonnes) — pour tenir compte des besoins spécifiques de Canberra en termes d’autonomie et de distance franchissable ;
 bien que moins endurants que les sous-marins à propulsion nucléaire, les diesel-électrique présentent certains avantages techniques (notamment sur le plan acoustique) ;
 d’importants transferts de souveraineté avaient été consentis à l’Australie, dans le cadre du partenariat stratégique établi entre les deux pays, et 60 % des emplois générés par les chantiers de construction des sous-marins étaient réservés à des nationaux ;
 les Australiens, s’ils veulent faire fabriquer leurs futurs sous-marins sur place, et créer de l’emploi local, devront accepter la mise en place d’une industrie de type nucléaire sur leur sol, avec les délais et coûts afférents… ou remettre les clés aux Américains — pour la fabrication au moins des chaufferies nucléaires, mais aussi sans doute la mise en service de ces engins, leur maintenance et peut-être même leur conduite — « alors qu’ils voulaient des capacités souveraines », insiste Grandjean ;
 enfin, Canberra, qui ne paraissait pas constituer une menace directe pour Pékin, devient de fait une cible potentielle, avec ses futurs sous-marins nucléaires… américains.

Mauvais génie

Le retour à la normale avec les Britanniques n’est pas en vue, non plus : les divergences avec le Royaume-Uni sont « fortes » et « s’aggravent progressivement », ajoutait encore Jean-Yves Le Drian le 6 octobre, allusion surtout à la tension récente pour l’accès des chalutiers français aux zones de pêche britanniques. Mais dans l’affaire des sous-marins coulés, le gouvernement britannique est considéré à Paris comme le « mauvais génie » du trio de « traîtres », avec à sa tête un Boris Johnson aux accents de plus en plus « trumpistes », ferraillant tous azimuts pour faire exister sa « Global Britain » et démontrer que sa sortie de l’Union européenne (UE) avait du bon, se payant même le luxe d’inviter les Français à se « ressaisir » — « prenez un grip » (sic), lançait-il, goguenard, le 22 septembre dernier) —, après leurs colères picrocholines du mois dernier.

La « jubilation » prêtée au premier ministre britannique — sur laquelle surfe bien sûr une presse londonienne rodée au « french bashing » — a été mal vécue à Paris, où l’on affectait de négliger le rôle des Britanniques dans la défection australienne, tout en craignant d’avoir à faire à nouveau avec un Royaume-Uni « caniche » du grand frère américain.

Pour le moment, la coopération militaire franco-britannique, régie par les accords de Lancaster House, est à l’arrêt. Signés en 2010, ces accords prévoient des échanges dans une quinzaine de domaines, dont une force expéditionnaire commune, le renouvellement des techniques de guerre des mines (4), la fabrication d’un drone et d’un missile communs, une coopération intégrée sur les tests nucléaires, etc. Il était question, à l’époque, d’un « niveau de confiance mutuelle sans précédent dans notre histoire ». Ces derniers mois, en revanche, tout est matière à controverse des deux côtés du channel, comme ces jours-ci la poussée migratoire depuis les côtes françaises.

Élongations colossales

Côté français, les « debrief » depuis la mi-septembre ont mis en évidence une série de manquements : naïveté (sur les apaisements et réassurances fournies par les Australiens), manque de suivi politique des étapes industrielles, excès de formalisme, insuffisances du renseignement économique (qui n’a jamais été une priorité en France), manque de lobbying, soutien parlementaire insuffisant, et surtout le fait d’avoir voulu « jouer seul » — le tout ayant empêché d’entendre ou d’apprécier à sa juste valeur ce qu’Arnaud Danjean, député européen, qui coordonnait le dernier Livre blanc français sur la défense, appelle le « bruit de fond négatif qui n’a jamais vraiment cessé depuis cinq ans dans les milieux parlementaires et médiatiques australiens », à propos de retards et de surcoûts liés à ce « contrat du siècle », en fait liés plutôt selon Danjean à « l’impréparation de l’outil industriel australien à un chantier de cette ampleur ».

Ce « désastre diplomatico-industriel » illustre surtout, selon ce parlementaire spécialiste des questions de défense, « le décalage entre les ambitions déclamées avec emphase [par la France] sur tous les enjeux internationaux, et la réalité de nos moyens, qui a bien du mal à coller à ces incantations ». C’est le cas, selon lui, pour les « ambitions démesurées » exprimées par Paris à propos de l’indo-Pacifique : un espace lointain et disparate, entre les géants du nord et les poussières d’îles du sud, et aux « élongations colossales », que les « épisodiques patrouilles » de la marine nationale française ne peuvent prétendre couvrir. « N’avons-nous pas cédé à quelques vertiges stratégiques ? », demande-t-il. (5) De fait, la marine nationale française, même avec l’apport de l’aéronautique, et avec la promesse d’un renouvellement de certaines unités navales, peine à peser de manière significative et permanente sous ces latitudes.

Cavalier seul

L’échec français en Australie, où Paris est coiffé sur le tard par ses deux alliés les plus en vue en matière de défense, ne sonne-t-il pas aussi l’alerte pour toute l’Europe ? « C’est l’occasion de nous demander [tous] comment conforter notre souveraineté, comment montrer plus d’unité sur les questions de politique extérieure et de sécurité », avait réagi lors d’une réunion ministérielle à Bruxelles le 21 septembre dernier le secrétaire d’État allemand aux affaires européennes, Michaël Roth, une majorité de ses collègues soulignant — en solidarité avec les Français — l’importance de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union. Mais la réaction européenne aura été plutôt timide, et contrastée, certains pays, notamment les États baltes, insistant sur la nécessité de préserver à tout prix la relation transatlantique.

Sans doute Paris ne peut-il s’en prendre qu’à lui-même : il n’a cessé de faire cavalier seul avec l’Australie, qu’il s’agisse du marché des sous-marins ou de la conclusion d’un partenariat stratégique qui aurait pu s’étendre à terme à d’autres domaines. Certains des partenaires européens de la France, habitués à cette politique en solo de Paris sur le plan militaire et géopolitique, ne sont peut-être pas fâchés de voir leur arrogant condotierre, cette France qui se prend pour un « grand » dans l’indo-pacifique, ramenée brusquement à sa condition de puissance moyenne.

Persistance dans l’erreur

Lire aussi Régis Debray, « La France doit quitter l’OTAN », Le Monde diplomatique, mars 2013.

L’autonomie stratégique européenne est une antienne d’Emmanuel Macron, qui prendra le 1er janvier prochain la présidence de l’UE. À en croire certains, l’Union sortirait même renforcée de cette énième crise, s’en échappant presque « par le haut ». Un propos accommodant du président Biden, jugeant nécessaire « que la défense européenne soit plus forte et plus performante », tout en ajoutant qu’il « concevait la force européenne comme une force autonome complémentaire de l’OTAN », a été aussitôt qualifié de « grand pas » par Josep Borrell, le diplomate en chef de l’UE.

Pourtant, au même moment, depuis Washington, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, s’en prenait une fois de plus aux tentatives de créer une défense européenne « concurrente » de l’organisation transatlantique, rappelant au passage que les quatre cinquièmes des financements de l’OTAN sont le fait de pays non-membres de l’UE. « Toute tentative d’affaiblir le lien transatlantique en créant des structures alternatives, en disant qu’on peut se débrouiller tout seuls, va non seulement affaiblir l’OTAN, mais cela va aussi diviser l’Europe ».

La notion d’autonomie stratégique mérite d’ailleurs d’être questionnée, selon Nemrod, la newsletter produite par des doctorants de l’université Paris-Sorbonne qui assurent une veille stratégique hebdomadaire (6). Ils la qualifient de « largement anachronique », mettant son évocation ces temps-ci sur le compte d’un « syndrome de persistance dans l’erreur » (7)

Buy European Act

Pour atteindre cette autonomie collective, encore faudrait-il qu’il existe une préférence européenne au moins partielle dans le secteur de l’armement. Pour Emmanuel Macron, elle se matérialise… notamment chaque fois qu’un pays européen est client de l’industrie… française, comme c’est le cas ces temps-ci de la Grèce, de la République tchèque et de la Croatie. Dans son discours sur l’état de l’Union à Strasbourg, le 15 septembre dernier — au moment pratiquement où la France se faisait sèchement « sortir » du jeu indo-pacifique — Ursula von der Leyen, la présidente de la commission de l’UE, lançait justement l’idée d’une exonération de la TVA pour les matériels militaires produits en Europe : une sorte de « Buy European Act », qui serait un premier pas. Le sujet sera au menu du sommet sur la défense européenne prévu début 2022.

Ce n’est pas la fin du monde, même pour Naval Group, une entreprise essentielle pour équiper la marine française, certes fragilisée par la perte de ce « contrat du siècle », mais qui a décroché d’autres marchés (comme récemment, une commande de frégates par la Grèce, à signer avant la fin de cette année). Le groupe livre actuellement des sous-marins à la Malaisie, à l’Inde, au Brésil. En cent vingt ans sont sortis plus de deux cents cinquante sous-marins des chantiers de l’Hexagone. « La France et les sous-marins, c’est du sérieux », rappelait le porte-parole du ministère français des armées, Hervé Grandjean le 21 septembre, pour chasser tout soupçon d’incapacité technique (8).

Fenêtre d’opportunité

En fait, « la France pouvait offrir des sous-marins à propulsion nucléaire, expliquent Renaux Bellais et Axel Nicolas, dans une note de la Fondation Jean Jaurès, Emmanuel Macron ayant même mis sur la table cette possibilité en juin dernier lors d’une rencontre avec le premier ministre australien — proposition restée sans suite … La construction d’un sous-marin nucléaire à partir du design français était même plutôt logique, puisque le programme australien était basé sur… le design d’un sous-marin nucléaire ! ».

Selon ces analystes, entre 2016 et 2021, Canberra a réévalué sa situation géostratégique et a jugé qu’un partenariat renouvelé avec les États-Unis était une meilleure garantie face à la Chine : « Aussi peu diplomatique qu’il soit, c’est un choix souverain », estiment ces auteurs, pour qui Paris avait mal évalué l’évolution australienne, et les craintes de Canberra après le durcissement chinois sur Hongkong et Taïwan, ni aperçu la fenêtre d’opportunité qui s’ouvrait pour les États-Unis de s’arrimer un allié dans leur « guerre du Pacifique » face à Pékin : le traité Aukus Australia, United Kingdom, Usa) revient à une prise de contrôle de fait de la marine australienne par Washington, avec sans doute une intégration militaire étendue à d’autres domaines, et l’accès possible pour l’US Navy et l’US Air force à des facilités dans les possessions australiennes, etc.

Lire aussi Tanguy Lepesant, « Taïwan, pièce manquante du “rêve chinois” », Le Monde diplomatique, octobre 2021.

Et tant pis si la démarche revient à entamer encore le peu de crédit qu’il reste au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). « Si la France avait exporté une telle technologie, Washington aurait sans doute poussé des cris d’orfraie », jugeait Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, dans une note sur le site de l’Institut Montaigne, au lendemain de l’annonce américano-australienne. Mais désormais, la porte est ouverte, au point que l’Inde, qui cherche à muscler ses forces navales, face au Pakistan et à la Chine, devrait lancer un appel d’offre pour l’achat d’une demi-douzaine de sous-marins nucléaires d’attaque… auquel pourrait soumissionner parmi d’autres le français Naval Group. Qui parlait donc de course aux armements ?

Coup osé

Que va –t-il rester de la stratégie indo-pacifique de la France, que Paris rêvait comme une « troisième voie » possible, dans l’affrontement des super-grands ? Pour la ministre française des Armées, Florence Parly, « la France est une nation de l’indo-pacifique, et ce n’est pas une rupture de contrat qui changera quoi que ce soit (9). » Cela ne remet pas en cause sa légitimité dans une région où elle est présente physiquement, avec 1,6 million de ses ressortissants, et des partenariats notamment avec l’Inde, Singapour, le Vietnam. Mais la crise diplomatique de ces dernières semaines démontre que la France n’est pas un acteur majeur dans cette région où elle n’a qu’une présence limitée, ne disposant même pas des moyens militaires pour protéger efficacement les zones économiques (ZEE) autour de ses possessions insulaires, qui représentent les neuf dixièmes de son espace maritime — le second du monde.

Certains se consoleront en pensant que, finalement, le partenariat stratégique franco-australien conclu en 2016 constituait une incartade face à un axe géopolitique aux racines historiques, dans un espace océanique volontiers considéré par les Anglo-Saxons comme leur lac. L’entrée sur ce théâtre, grâce au « contrat du siècle », était un beau coup… mais trop osé, peut-on constater avec le recul. Le traité Aukus, auquel la France n’a pas été convié, est en fait un prolongement de l’alliance des « Five Eyes » (USA, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), habitués depuis des décennies à fusionner l’essentiel de leurs moyens de renseignement, et pas que.

L’ancien ambassadeur Michel Duclos, avec Bruno Tertrais, propose que Paris mise plus sur l’Inde, désireuse de ne pas tomber dans le « tout américain » ; fasse du Japon, qui cherche également à diversifier ses alliances, la « deuxième jambe » de sa stratégie indo-pacifique ; et diversifie son portefeuille de grands partenariats stratégiques, en direction par exemple de la Malaisie et de la Corée du Sud. Le tout en n’ayant plus de préventions quant à la fourniture éventuelle de sous-marins à propulsion nucléaire à des pays intéressés.

Lire aussi Serge Halimi, « Un empire qui ne désarme pas », Le Monde diplomatique, octobre 2021.

Ces stratégistes considèrent aussi que la France ne pourra se dispenser d’un accroissement de sa présence maritime et aérienne dans la région, et notamment de ses « forces de souveraineté » destinées à protéger les territoires de Polynésie et de Calédonie — avec, pour ce dernier, l’inconnue du référendum sur l’indépendance prévu pour la mi-décembre. De leur côté, les analystes de la fondation Jean Jaurès estiment que Paris doit pouvoir rebondir en s’appuyant sur les velléités d’autonomie stratégique de l’Union européenne, et en défendant le principe du multilatéralisme, de moins en moins accepté au moment où, face à Pékin, Washington exige des alliés dociles et dûment alignés.

Philippe Leymarie

(1Lire Martine Bulard, « L’Alliance atlantique bat la campagne en Asie », Le Monde diplomatique, juin 2021.

(2AFP, 6 octobre 2021.

(3Lire Olivier Zajec, « Et pendant ce temps, à Jiangnan… », Manière de voir n°178, août-septembre 2021.

(4Les opérations et tactiques relatives aux mines sous marines.

(5Le Figaro, 20 septembre 2021.

(6Newsletter n°154, 6 octobre 2021.

(7Voir également Louis Gautier, « La France, un acteur stratégique ? Un questionnement », Revue Défense Nationale, n° 6, 2021.

(8La marine nationale française met en œuvre actuellement deux types de sous-marins, tous à propulsion nucléaire : des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), au nombre de quatre, qui assurent par roulement (tous les deux mois) une mission stratégique de dissuasion grâce à un armement à têtes nucléaires, avec en permanence au moins un engin à la mer, dans le secret ; et six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), chargés de l’escorte, du renseignement, ou d’éventuelles frappes, dont l’armement n’est pas nucléaire. Ces deux flottilles sont en cours de rénovation.

(9Le Monde, 25 septembre 2021.

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