
M. Lasso a pris ses fonctions le 24 mai 2021. Alors âgé de 65 ans, ce conservateur (et ancien patron de l’une des plus grandes banques du pays), s’était présenté pour la troisième fois, sur un programme ouvertement pro-patronal et en promettant d’attirer les investissements directs étrangers (IDE). En dépit d’un tel programme, sa présidence a précipité le pays dans un chaos institutionnel et dans une grave crise de sécurité publique. L’Équateur affiche l’un des plus forts taux d’homicide des Amériques. En 2017, il s’établissait à 5,8 pour 100 000 habitants ; il atteignait 25,5 cinq ans plus tard, un record dans l’histoire récente du pays. L’essor du trafic de drogue et l’amputation des moyens de réaction de l’État ont favorisé cet envol. La violence fait également rage dans les prisons où les massacres se succèdent. Ils ont fait plus de 400 victimes depuis 2020. Le président Lasso a réagi en décrétant plusieurs fois l’état d’urgence. En vain.
En février 2023, les électeurs ont manifesté leur mécontentement à l’égard de M. Lasso en rejetant chacune des huit propositions formulées dans le cadre d’un référendum constitutionnel qui aurait permis, entre autres, d’extrader des ressortissants équatoriens et de réformer les pouvoirs législatif et judiciaire du pays. De son côté, l’opposition est ressortie vainqueure des élections régionales, le Mouvement de la Révolution citoyenne (lié à l’ancien président de gauche Rafael Correa) remportant les scrutins municipaux dans les deux principales villes du pays (Quito et Guayaquil) et les sièges de gouverneurs (on parle de « préfets » en Équateur) dans les provinces les plus peuplées. Depuis janvier, de sérieux scandales de corruptions impliquant plus ou moins directement M. Lasso ont fragilisé la présidence. M. Danilo Carrera, le beau-frère du chef d’État et son principal associé en affaires, a été accusé d’avoir perçu des pots-de-vin et signé de faux contrats dans le secteur de l’énergie. Ces dossiers impliquent un proche de M. Carrera, Rubén Cherres.
Quelques jours après un vote crucial, et jouant son va-tout pour éviter d’être chassé du pouvoir, M. Lasso a déclenché la clause dite de « mort mutuelle » de la Constitution l’autorisant à dissoudre le parlement.
M. Lasso a par la suite été accusé d’avoir entravé une enquête de police portant sur les liens entre Cherres et des narcotrafiquants. Après plusieurs mois de cavale, Cherres a été retrouvé mort, assassiné, le 31 mars 2023. Ces accusations de corruption contre M. Lasso ont finalement conduit l’Assemblée nationale à engager une procédure de destitution. Mais, quelques jours après un vote crucial, et jouant son va-tout pour éviter d’être chassé du pouvoir, M. Lasso a déclenché la clause dite de « mort mutuelle » de la Constitution l’autorisant à dissoudre le parlement. Alors qu’une destitution aurait mis un terme à la présidence de M. Lasso, son vice-président étant chargé de terminer son mandat, la dissolution du Congrès l’autorise à gouverner par décret jusqu’à la prise de fonction du nouveau président.
Alors qu’il en avait la possibilité, M. Lasso a choisi de ne pas se représenter. Des chercheurs américains ont démontré que M. Lasso détient des actifs dans des juridictions américaines, par le biais de sociétés écran sises en Floride, et plus récemment au Delaware et dans le Dakota du Sud. La loi équatorienne interdit aux détenteurs d’actifs dans des paradis fiscaux d’occuper des postes dans l’administration publique. Or, la Floride figure sur la liste équatorienne des paradis fiscaux. En dépit des démentis constants de M. Lasso, des journalistes du Miami Herald et de Plan V ont établi que l’une de ces sociétés écran a engagé une entreprise de relations publiques basée à Miami pour améliorer l’image de M. Lasso dans les médias américains et britanniques.
Lire aussi Guillaume Long, « Trois projets pour l’Équateur », Le Monde diplomatique, février 2021.
Deuxième dans les sondages, M. Sonnenholzner défend une ligne conservatrice puisant ses projets dans les besaces patronales. Il a été vice-président (2018-2020) de M. Lenín Moreno (2017-2021). En dépit de cette proximité avec un président détenteur des pires taux d’approbation de l’histoire équatorienne moderne, M. Sonnenholzner recevra le soutien de la puissante élite du pays. Le troisième candidat dans les sondages s’était déjà présenté en 2021 : M. Yaku Pérez. Il représente certains secteurs de la gauche, notamment écologistes, ainsi que le parti indigéniste Pachakutik (qu’il a néanmoins quitté en mai 2021).
Lors du scrutin, le Mouvement de la Révolution citoyenne sera représenté par Mme Luisa González, une ancienne ministre et membre de l’Assemblée nationale récemment dissoute. Toutes les études la placent comme favorite. En Équateur, où le vote est obligatoire, on peut éviter un second tour si un candidat emporte plus de 50 % des voix au premier tour, ou bien 40 % avec une marge de plus de 10 points. En revanche, un second pourrait s’avérer plus compliqué. Le candidat à la vice-présidence de Mme González, M. Andrés Arauz, fut candidat lors de l’élection de 2021. Il remporta le premier tour avec 32,7 % des voix (contre 19,7 % pour M. Lasso), mais perdit le second, 47,3 % contre 52,7 %.