Le stand-up français se porte bien, merci pour lui. En témoigne le succès croissant du spectacle de Redouane Bougheraba (1), Français d’origine algérienne. Avec ce Marseillais qui adore « chambrer » les supporters du Paris Saint-Germain en mal de trophée européen, point de fioritures ni de précautions langagières. Le propos crû, les railleries et autres insultes franco-arabes fusent et rien n’échappe à sa verve dum-dum. Le show commence par une séquence désormais immuable. Les spectateurs du premier rang — qui pourtant savaient ce qui les attendait en achetant leur billet — se font trancher vif, le comédien appréciant particulièrement les chauves (incités à renflouer le business des implants capillaires en Turquie), les retardataires, les couples mixtes ou même les femmes voilées. À une certaine Chloé, Bougheraba explique tranquillement que l’étymologie de ce prénom est arabe puisqu’il viendrait de « qlaouis », autrement dit l’attribut pendouillant masculin, avant de demander à la salle si une autre Chloé est présente « pour faire la paire. » Du lourd… Mais on se tromperait à résumer la performance du comédien à de la paillardise. Durant ce passage en revue au chalumeau, le comédien, mimiques et gestuelle méridionales à l’appui, démontre ses qualités d’improvisation et sa capacité à gérer (et calmer) celles et ceux qui — maux fréquents dans le public du stand-up — cherchent eux aussi à faire le spectacle.
Vient ensuite une partie plus classique où Bougheraba, comme nombre d’enfants d’immigrés pratiquant la même discipline, se raconte en se moquant de lui-même et surtout des siens. Tout y passe. Son père qui utilise le câble de la chaîne stéréo comme outil de punition corporelle, sa mère dont on ne discute pas les ordres sauf à vouloir éprouver la force de ses bras massifs, bref, une éducation que nombre d’enfants de la deuxième génération ont connue avec ses injonctions, menaces et tannées. On a droit aussi à une description des mariages arabes (« deux cents invités, quatre mille présents, tous désireux de manger de la viande ») et, pour finir, à la restitution d’un vécu dans le monde des paddlers — ceux qui pratiquent le stand-up — dont Gad Elmaleh sort à son avantage, à l’inverse d’un Jamel Debbouze qui en prend pour son grade. Le stand-up est certes un milieu concurrentiel et impitoyable mais comme en témoigne le talent de Bougheraba, il apporte un immense bol d’air frais à la scène française.